Alas (‘’ailes’’ en espagnol) propose un court mais très intéressant panorama de la musique contemporaine argentine. Trois compositeurs aux univers assez contrastés sont représentés : Alejandro Iglesias Rossi (né en 1960), Gerardo di Giusto (né en 1961) et Gabriel Sivak (né en 1979). Pour compléter le tout, peut-être le père de la musique classique moderne de ce pays : Alberto Ginastera.
Les œuvres contemporaines, toutes enregistrées pour la première fois, mettent de l’avant de façon plus ou moins focalisée un ou plusieurs aspects de l’écriture de Ginastera : rythmes motoriques nerveux, harmonies serrées, inspiration du folklore national.
La pièce titre, Alas pour violon, violoncelle et cordes, de Gerardo di Giusto, exploite le caractère rythmique de la chose avec une énergie propulsive, comme un envol vigoureux. Le centre tonal assez douillet fait de cette pièce la plus accessible de l’album, après le Ginastera.
Descaminos pour violoncelle, cordes et percussion, de Gabriel Sivak, pousse un cran la note (!) de la difficulté avec un encadrement tonal plus vaste, chromatiquement parlant. Un sentiment de fébrilité, grâce entre autres à une écriture instrumentale faite de frémissements quasi-spectraux, parcourt une bonne partie de la pièce, de façon plus ou moins accentuée. Beau et stimulant.
Comme dans une sorte de crescendo de l’exigence, Llorando silencios, six chants quechua pour violoncelle solo, d’Alejandro Iglesias Rossi, s’engage totalement dans l’atonalisme de style avant-gardiste. Les racines incas de ces chants quechua sont distillées et hyper densifiées dans un alambic étroit qui transforme totalement ces sources lointaines en abstractions épurées ultra modernes. Le violoncelliste Patrick Langot arrive à créer des paysages sonores éclatées, forts de toutes les techniques invoquées par le compositeur, dans un rendu d’une grande précision technique et d’une très large variété timbrale. Très intéressant.
Le programme est bouclé avec les Variaciones concertantes op. 23 de Ginastera. Ces Variations fortement teintées de folklore, mais façon plus symbolique que directement citée, offrent un rôle prépondérant au violoncelle et à la harpe, mais invitent les solistes de l’orchestre (chaque section, des cordes au vents) à s’exprimer de manière habile, vivante et colorée. L’exercice se termine dans un tutti final aux quelque velléités dansantes, genre malambo typique des Gauchos de la Pampa. L’orchestre dans son ensemble, et les solistes de chaque section, se révèlent être des interprètes d’une excellente précision et virtuosité technique. La direction d’Alejandro Sandler est infusée d’une énergie trempée dans un sentiment national juste et approprié.