Directement de Nancy, dans le nord-est de la France, revoici Orwell, formation dirigée par le maître mélodiste Jérôme Didelot, digne héritier des Bacharach, Left Banke et autres instigateurs de la pop de chambre. Fort d’un cheminement créatif d’une vingtaine d’années et d’une renommée outre-Manche chez les musicophiles friands de chansonnerie fine, Orwell lançait à la fin d’avril Parcelle brillante, sa septième parution.
Au programme, onze pièces enrichies d’arrangements pour violons, violoncelle et flûte, de passages électronisants, ainsi que d’ornements de saxophone – grâce au souffle d’Antoine Arlot –, de vibraphone et de marimba. La chanson Jamais assez est très représentative de ce raffinement sonore. Deux chanteuses accompagnent Jérôme Didelot : Armelle Pioline sur Jamais assez et Sugar Me sur Immature. On peut aussi ouïr quelque chose qui s’apparente à du sitar sur Dors encore. On compte une instrumentale, Dérivation, dont le rétrofuturisme rappellera aux plus mûrs le thème de la série Amicalement vôtre, œuvre de John Barry. L’ensemble nous remémore la pop travaillée de Yo La Tengo – surtout Pourquoi savoir? – et les productions de Flavien Berger.
Le titre de l’album renvoie à Bright Segment, une nouvelle du prolifique auteur de science-fiction et de fantastique Theodore Sturgeon, parue en 1955. Jérôme Didelot a puisé dans les thèmes sturgeoniens la matière des textes de la pièce-titre, de Les mains de Bianca et de Lone, où le fils de Didelot lit un extrait du roman Les plus qu’humains de Sturgeon.
Cette Parcelle brillante illustre à merveille les résultats heureux de la pénétration de la littérature dans la création chansonnière. Il n’est sans doute pas fortuit que Jérôme Didelot ait utilisé, comme avatar chansonnier, le patronyme d’un des écrivains les plus marquants du XXe siècle.