Créé en 2019, Must The Devil Have All The Good Tunes? est le troisième concerto pour piano écrit par l’Américain John Adams, après Eros Piano (1989) et Century Rolls (1996). Cette pièce en trois sections est un exemple probant de l’esthétique où se situe le compositeur depuis quelques années, soit à la jonction entre post-modernisme, romantisme et musique populaire états-unienne, le tout agrémenté d’une touche de minimalisme, langage qui fut cher à John Adams par le passé. L’œuvre, très rythmée, nous transporte dans une ambiance sombre et macabre, comme celle des films noirs des années 50. L’adjonction à l’orchestre d’une basse électrique, d’un piano droit à l’accord douteux et d’une série d’étranges instruments à percussion contribue à cet effet, ce qui donne un résultat très efficace et entraînant. Fait à noter : la ressemblance entre le thème principal de la première section et la musique de Peter Gunn d’Henry Mancini n’est fort probablement pas fortuite.
Pour ce qui est de l’interprétation, Yuja Wang est, comme toujours, d’une redoutable virtuosité. Son jeu est éclatant, sa pulsation irréprochable et sa musicalité au service de l’œuvre. L’orchestre, un peu lointain, est tout aussi efficace avec ses cordes lustrées et ses (nombreux) instruments graves très présents. Un bémol cependant : cet album ne dure qu’une petite demi-heure, si l’on ajoute en complément de programme la succincte China Gates, pièce pour piano solo écrite par Adams en 1977.