La créativité est une chose; Brad Paisley écrit de bonnes chansons. L’imagination musicale débridée, telle un Festin Nu en notes, en est une autre. John Frusciante a pratiqué l’une et l’autre avec les Red Hot et en solo. Letur-Lefr (2009) expliquait pourquoi il a dû quitter son « mainstream act » qui devait être l’équivalent pour lui de se faire les nouilles du mardi. Maya appartient à un registre autre : celui de l’exercice référentiel, que Frusciante pratique sous l’alias Trickfinger.
On oublie que Frusciante n’a que 50 ans. Véritable talent guitaristique générationnel, il a débuté dans les Red Hot encore adolescent, passant directement de sa chambre aux arénas. On soupçonne qu’il n’écoutait pas Use Your Illusion à 20 ans. Maya est un hommage appuyé à la scène breakbeat du début des années 90 : Aphex Twin et The Prodigy, mais où suintent aussi les échos des Roni Size, DJ Krust, Chemical Brothers et autres The Crystal Method.
Frusciante met à profit sur Maya ses talents de plasticien sonique. C’est sur Stadium Arcadium (2006) qu’il a peaufiné sa technique de trituration des signaux (ses guitares en l’occurrence) dans des synthétiseurs modulaires. Le mix est relativement dénudé, froid et cérébral, singulièrement dénué de groove. L’instrumentation (dont des guitares à rebours) y est parfois sous loupe ou alors distante, une technique prisée par Frusciante et empruntée à George Clinton. Les basses au Minimoog à la John Carpenter et les random notes 70s y côtoient des techniques de sampling et de saturation numérique dernier cri. S’y faufilent des références soniques 80s (synthés polyphoniques à ondes triangulaires et arpégiateurs) et 00s (samplings vocaux à la Moby, usage appuyé de modulateurs en anneau). Maya donne dans le rétrofuturisme; où un esprit inférieur n’aurait fait qu’un pastiche, Frusciante nous offre un aperçu de ce répertoire, lorsqu’il sera revisité dans dix ans.