Rassurez-vous : Joni Mitchell n’a pas produit quatre albums dans un hôpital psychiatrique. « Asylum » était le nom d’une maison de disques américaine. Cette période survient juste après le très célèbre et emblématique Blue (1971), qui était le summum de la Joni folk, presque seule avec sa guitare, son dulcimer, son piano et sa formidable voix.
Et ces années Asylum précèdent l’autre moment fort de la dame : les années jazz avec la participation des Metheny, Pastorius, Shorter, Alias, de Hejira à Mingus, de 1976 à 1980. Alors, pourquoi parler de ces années de transition? Précisément pour cela. Avec le recul, ça nous fait parfaitement comprendre l’évolution certaine, mais en douceur, de Joni. Au départ, For the Roses (1972) ressemble à une suite à Blue. Mais, tout à coup, à partir de Barangrill, des nappes de flûtes surgissent, puis des saxophones et des harmonies vocales. Et vers la fin, on jongle avec la dissonance avec cordes, piano, voix.
Avec Court and Spark (1974) s’ajoutent la section rythmique, la guitare électrique et les claviers. C’est l’arrivée du groupe jazz rock « LA Express » au côté de Joni : Max Bennett, Larry Charlton, John Guerin et Joe Sample. Il y a des flirts pas toujours heureux avec le rock et même avec le prog (sur Car on the Hill). Toutefois, à cause de son grand talent mélodique, Joni arrive souvent à retomber sur ses pattes et plusieurs pièces sont des pépites. Pas de doute : madame Mitchell se cherchait. Plusieurs textes attestent d’ailleurs de son questionnement sur la vie. Et l’album se termine par une pièce jazz qu’on n’attend pas : Twisty.
Ceci pave la voie à The Hissing Summer Lawns (1975), qui s’ouvre sur une étrange chanson jazz-rock à propos de gens qui s’embrassent dans la rue, en France (In France They Kiss on Main Street), avec solos de guitare pas très heureux. Juste après, cependant, il y a des tambours du Burundi échantillonnés (un des premiers échantillonnages sur un album grand public), des arrangements qui se complexifient et un son de plus en plus jazzy.
Dont Interrupt the Sorrow laisse présager Coyote, la chanson d’ouverture de Hejira, l’année suivante. The Boho Dance présageait Paprika Plains, la longue ballade de Don Juan’s Reckless Daughter (1977). The Hissing of Summer Lawns avait à l’époque reçu plusieurs critiques négatives. Mais le temps fait son œuvre et on redécouvre quelques joyaux. Le quatrième album des années Asylum est Miles of Aisles (1974), un disque en concert de Joni Mitchell et le LA Express, sur lequel les moments forts sont les chansons de Blue et Ladies of the Canyon.
Tout ceci pour vous dire que ces années de transition méritent d’être réécoutées, pour mieux apprécier la volonté de madame Mitchell d’innover au fil des années. Et c’était chouette de la réentendre chanter cet été, au festival de Newport, même diminuée par la maladie. « LA chanteuse », disait Michel Rivard.
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