Si elle est célèbre en France depuis quelques années, avec un album certifié platine et un autre double platine, la chanteuse pop Hoshi demeure méconnue au Québec.
C’est donc la magie des algorithmes qui a permis que la chanson Mauvais rêve parvienne jusqu’à mes oreilles qui, avouons-le, s’intéressent moins à la nouvelle variété pop. Erreur!
Publié en ligne en avril 2023, ce simple, qui compte à ce jour plus de 1,2 million de vues sur YouTube, est à la fois bouleversant sur le plan textuel et très captivant par sa mélodie. Il est le prélude à un troisième album qui paraîtra cet automne.
Dès la première écoute, on est happé par ce cri du cœur de la jeune femme de 26 ans qui relate son propre parcours en évoquant sa naissance prématurée, l’incertitude enfantine quant à son identité de genre, sa maladie rare qui entraine la surdité, son tube Ta Marinière (2018), ainsi que sa présence à l’édition 2020 des Victoires de la musique.
Moment marquant où l’artiste aux allures nippones (elle a la passion du Japon) a embrassé une des danseuses qui performait devant les caméras.
Cyberintimidation
Un geste qui servait à illustrer chorégraphiquement sa chanson militante Amour censure, lequel lui a valu pléthore d’insultes et de commentaire homophobes, misogynes et grossophobes sur les réseaux asociaux, dont plus de… 5000 menaces de mort! Ce qui l’a contrainte à déménager, car un de ses bourreaux virtuels avait trouvé son adresse, et à ne plus sortir sans être accompagnée depuis lors. Sans parler de la boule au ventre à chaque concert.
Afin de représenter le tout, Mathilde Gerner (son vrai nom) a lu quelques-uns de ces messages à une émission de la radio France Inter, le 18 janvier 2023, en faisant référence à Lucas, un jeune de 13 ans qui s’est suicidé dans les Vosges après avoir été harcelé en raison de son homosexualité. Des histoires de cyberharcèlement qui remet en mémoire, heureusement de façon moins tragique, les mésaventures de Safia Nolin au Québec et de la jeune Mila, en France. Cette dernière avait vertement répondu à un de ses intimidateurs sur les réseaux en ligne, ce qui lui avait valu un torrent de haine virtuelle. Comme elle, Hoshi s’est rendue à l’étape du procès. Résultat? Le 2 juin dernier, elle publiait sur sa page Facebook ce message :
« Aujourd’hui se tenait le procès.
Voici la lettre lue par mon avocate ce matin.
Cet homme (qui ne s’est pas présenté à l’audience) a été condamné à 8 mois d’emprisonnement, dont 6 mois avec sursis probatoire (donc 2 mois ferme sans sursis) allant au-delà des réquisitions du procureur, ce qui est assez rare. Je tiens à remercier mon avocate Laura Ben Kemoun.
Le cyberharcèlement et l’homophobie ne restent pas impunis. »
Contenu et rage de vivre
Ce qui nous rappelle que si le marketing utilise souvent le scandale pour faire tinter les tiroirs-caisses, l’art sert parfois de vecteur aux changements. Même s’agissant de musique pop, que d’aucuns qualifieront peut-être de juvénile. Ces pisse-vinaigres ont bien tort dans le cas qui nous intéresse. C’est qu’en plus d’avoir du contenu, Hoshi, qui a joué quelques années dans la rue, manie une plume stylée qui se révèle souvent efficace et inattendue. En plus de sa vulnérabilité, qu’elle transforme en une rage de vivre enflammée qui aurait plu à Mano Solo, l’artiste distille ses mots d’une jolie voix qu’elle laisse parfois voler dans les cimes et sa façon d’appuyer sur les accents toniques est des plus personnelle.
Pas pour rien d’ailleurs que Benjamin Biolay, le prince noir de la pop raffinée, a chanté en duo avec elle (Pleurs du fumoir) en 2021 (pas mal), ainsi que le chanteur de la mythique formation Louise Attaque Gaëtan Roussel (Je vous trouve un charme fou) en 2018 (excellent). Parlant de duos, elle a également offert un très beau moment de télé en interprétant avec sa copine Gia Martinelle le très réussi morceau : « Et même après je t’aimerai ».
En attendant son prochain album, nous ne saurions trop vous suggérer d’écouter en ligne son opus Étoile flippante (Version deluxe) paru en 2022, où elle reprend ses meilleurs titres en version orchestrale.
Vous découvrirez, si ce n’est déjà fait, une artiste qui, en creusant le sillon de son histoire personnelle mâtinée de liberté sexuelle, d’affirmation de sa différence et d’hyper fragilité dans une esthétique pop eighties, incarne à elle seule notre postmodernité composée de mondialisation, de droits assumés, mais aussi de backlash et de polarisation extrême.
Hélas, celle dont le pseudonyme signifie étoile en japonais ne viendra peut-être jamais au Québec en raison de la maladie de Ménière qui l’empêche de prendre l’avion. Mais elle n’a pas fini de nous faire planer pour autant.
Coup de cœur