Destroyer offre son treizième album intitulé Have We Met. L’imprévisible et captivant Dan Bejar, leader de la formation, surprend encore. De très belle manière, d’ailleurs. Les dix chansons de cet opus réalisées par John Collins (il a aussi assumé la basse, les synthétiseurs, la programmation) sont d’une savoureuse désinvolture contrôlée. Tel que l’a exprimé le collègue Patrick Baillargeon, Bejar n’a pas délaissé le ton théâtral qui l’a toujours caractérisé ni son côté bowiesque. On peut d’ailleurs apprécier ces univers sur la jolie pièce qui ouvre le disque, Crimson Tide, ou encore sur le morceau Cue Synthesizer. Moins sinistre ou gothique que sur ses trois précédents disques (Kaputt, Poison Season et Ken) Have We Met est un beau mélange de musique cérébrale et sensible : les riches atmosphères de synthé côtoient de savants arrangements de guitare (exécutés par l’autre complice Nicolas Bragg) et de basse bien domptée, sans oublier la voix sensuelle et affirmée du quadragénaire de Vancouver. L’album présente même quelques pièces au ton enjoué, comme la superbe It Just Doesn’t Happen. Relativement accessible, le récent travail de Destroyer (lire de Bejar) aurait été inspiré des derniers disques de Leonard Cohen, de bandes sonores comme celles de Pretty In Pink et White Nights ainsi que… du hip-hop des années 1980. Allez comprendre! Qu’à cela ne tienne, ce monde de légère grisaille et de pieds-de-vent créé par le groupe est fort réussi et inspirant. Cette fois, pas de monde étouffant ou cynique. Les textes de l’auteur-compositeur-interprète sont parfois sibyllins, mais l’offrande est beaucoup plus invitante que les précédentes. Enfin, de nombreux récalcitrants à la musique de Destroyer pourront y adhérer sans trop d’appréhension. La déroute de Bejar est ici très enthousiasmante, voire ordonnée et séduisante. Collins cherchait un son cool pour Destroyer… c’est réussi.
