La première réflexion que me soit venue en écoutant la première plage (Pooloop) de Swirl, le plus récent album du pianiste François Bourassa, c’est ‘’on dirait Webern qui swingue’’. Enregistré live en format quartette au studio Piccolo de Montréal, Swirl lance son premier tour de piste, effectivement, en dessinant un panorama où picorements atonaux exécutent une danse déhanchée sur un fond rythmique à mi-chemin entre la pulsation et le chaos organisé. C’est sublime de légèreté et d’intelligence. Bourassa réalise ici un accomplissement peu commun : rendre l’héritage de la Seconde école de Vienne souriant. Si bien d’autres se sont attelés à marier les deux univers (pensons à Carla Bley, Cecil Taylor, etc.), rares sont ceux et celles qui en on fait une réussite aussi attrayante et sympathique.
Bien sûr, Bourassa ne le fait pas tout seul : ses compagnons sont solides et aussi inspirés. André Leroux au saxo et à la flûte n’est plus à présenter, surtout dans ce genre de répertoire. Guy Boisvert à la contrebasse (parfois à l’archet) est un autre habitué du raffinement musical exigé par Bourassa. À la batterie, un nouveau venu dans l’entourage du pianiste (du moins en studio) : Guillaume Pilote, qui semble s’être inséré naturellement dans ce moule musical exigeant.
La deuxième plage du programme, Prologue, confirme qu’il ne s’agissait pas d’un égarement, mais focalise tout de même la pulsation dans un faisceau plus robuste et soutenu. Room 58 est une balade nocturne, empreinte de mystère, ou un secret semble vouloir être dévoilé à chaque tournant, mais sans jamais vraiment se révéler. Insaisissable mais envoûtante. Costard est plus costaud : on est dans le free pétillant. Je serais curieux de connaître l’idée maîtresse derrière le titre et son lien avec le résultat final.
Remous et 15, Notre-Dame-de-Lorette nous ramènent toutes deux dans une palette harmonique plus conventionnelle, quoique moderne. Leur tonalité élargie donne une impression de prudence, voire un certain conservatisme qui me laisse un peu sur ma faim en tant que mélomane, même si la sapience du propos bourassien est indéniable ici comme dans les pièces précédentes. Malgré tout, la perfection des premières pièces de ce tournoiement de couleurs et de richesse musicale est trop belle pour rechigner péteusement sur des considérations somme toutes assez cérébrales. Voici un album magistral qui transcende les étiquettes musique contemporaine, jazz, jazz moderne, etc. On est dans la musique pure, celle qui transforme l’écoute, qui ouvre les portes, qui enrichit l’aujourd’hui pour construire le demain. Cet album sera sur ma liste des top 3 albums de l’année, c’est certain.