Quelle superbe jeune voix en nouvelle musique savante canadian que voilà! C’est d’Edmonton que nous provient ce vent frais soufflé par Emilie Cecilia LeBel, où le violon et le piano côtoient respectueusement l’harmonica, le saxophone baryton, la flûte alto et des transducteurs tactiles liés à une batterie.
Les cinq pièces possèdent toutes le même squelette compositionnel : durées semblables (de 11 à 15 minutes environ), harmonies atonales généralement délicates et tendant vers la microtonalité, dialogue entre notes soutenues et notes courtes, lumineux scintillements sur coussin de bruine fantômatique. Quelques gonflements dynamiques viennent apporter occasionnellement un peu de menace, mais l’effet général est celui d’un panorama contemplatif dans lequel on pourrait voir s’entremêler les silhouettes évanescentes d’Arvo Pärt, de Morton Feldman ou de Tristan Murail version ‘’Bullet Time’’.
C’est envoûtant, mystérieux, invitant et parfois inquiétant tout à la fois. Ne fut-ce que pour entendre l’harmonica dans un rôle substantiel en musique savante digne de ce nom (evaporation, blue), ça vaut le coût! Mais, bonheur, le reste est tout aussi satisfaisant, en particulier les entrelacs fascinants de piano, de saxophone baryton, de flûte, d’électronique subtile et de bass drum préparé(!) d’une pièce avec peut-être le plus beau/long titre en musique récente : … and the higher leaves of the trees seemed to shimmer in the last of the sunlight’s lingering touch of them…
Si l’on se fie sur les dates de compositions des oeuvres au programme, on peut déduire que la plume de Mme LeBel s’est adoucie en l’espace de quelques années, car la pièce la plus ancienne (further migration (migration no. 1), de 2016, pour violon solo) est également la plus difficile du lot. Sa microtonalité abrasive et grinçante la font paraître plus hermétique que les autres, sans en diminuer la valeur, bien entendu. Il faudra juste ajuster votre disposition mentale et auditive, mettons.
Performances sans faille des solistes et de l’ensemble albertain UltraViolet (en référence à Violet Archer).
Je ne peux que vous recommander haut et fort la découverte de cette artiste émergente de la musique contemporaine Made in Canada, et de ce parfait album de nos amis de Redshift Records. Pour moi, c’est un grand coup de cœur, et je pense que ce le sera pour vous également.
L’album sort le 12 mai