Dans mes années d’adolescence en région, alors que je commençais à souffrir de mélomanie aigüe, je me disais que les chansons que j’écoutais ne devaient représenter qu’une infime proportion de la musique intéressante qui se créait, que des artistes brillants, il devait y en avoir partout sur le globe. Je me croyais condamné à rater toutes ces belles et bonnes choses pour toujours, ne pouvant imaginer l’avènement du ouèbe et de labels pilotés par des passionnés qui me permettraient, un jour, de savourer ces merveilles conçues à des milliers de kilomètres de chez moi.
Samy Ben Redjeb de chez Analog Africa fait partie de ces prospecteurs un brin toqués qui nous servent sur un plateau d’argent ces airs que nos oreilles occidentales n’avaient jamais eu la chance d’apprécier. Son dernier filon? La scène edo funk qui émergea à Benin City, Nigéria à la fin des années soixante-dix et qui est née de la rencontre de la culture du peuple Edo – qui vit principalement dans le Centre-Sud du pays – et de la musique que jouaient les boîtes de nuit d’Afrique de l’Ouest. Le père du genre, c’est Sir Victor Uwaifo, musicien, auteur, sculpteur et inventeur de son état qui, par ailleurs, fut le premier récipiendaire d’un disque d’or sur le continent africain. Quatre de ses compositions figurent au programme de la présente anthologie et elles révèlent un bidouilleur de génie friand de synthés cosmiques et d’effets sonores bizarroïdes. Les amateurs d’ambiances psychédéliques devraient prendre leur pied!
Edo Funk Explosion Vol. 1 nous fait faire connaissance avec deux autres piliers de la scène : Osayomore Joseph et Akaba Man. Esprit militant qui se fait un devoir de dénoncer la corruption et les effets pervers de la colonisation, le premier est le plus ouvertement politique des trois. Des morceaux tels Africa Is My Root et My Name Is Money font l’éloquente démonstration qu’il est possible de conscientiser les gens tout en leur donnant l’occasion de se déhancher. Les chansons d’Akaba Man sont, quant à elles, plus personnelles. Ses textes à portée philosophique sont couchés sur des grooves irrésistibles qu’alimentent des riffs de guitare funky particulièrement efficaces et des nappes de synthétiseurs.
Nous ne pouvons qu’être reconnaissants envers Analog Africa qui nous permet de découvrir trois personnages plus grands que nature qui ont su moderniser les rythmes hypnotiques de la musique traditionnelle Edo en y injectant des bonnes doses de funk, d’électricité et de soleil. Les morceaux de ce premier tome du projet, qui ont enregistrés dans la première moitié des années quatre-vingts, nous donnent hâte de connaître la suite!