Non seulement Pejacevic est-elle une rare compositrice romantique ayant eu l’opportunité de pouvoir écrire de grandes œuvres orchestrales, mais elle est aussi un rare exemple de musique classique issue de la Croatie! Cela dit, vous chercherez en vain, du moins dans les deux œuvres au programme, des références mélodiques ou stylistiques associées à ce pays. La musique de Pejacevic est plutôt de l’école germanique.
Son Concerto pour piano op. 33 en sol mineur, le premier écrit par un.e croate, manifeste son caractère épique dès les premières minutes. On pense à Grieg, pour l’élan dramatique, mais on remarque à travers la trame grandiose des effets coloristes délicats, chambristes et presque impressionnistes. C’est splendide, même s’il manque seulement l’étincelle mélodique qui en ferait l’égal d’un Tchaïkovsky ou d’un Brahms. La Symphonie op. 41 en fa dièse mineur est elle aussi imprégnée de plusieurs influences solides tels ces bombements straussiens que l’on reconnaît dans une certaine gestuelle instrumentale plutôt que dans l’harmonie soutenante. Ailleurs, on apprécie les panoramas évocateurs de Ropartz ou Pierné. Mais ne vous laissez pas leurrer : la musique de Pejacevic n’a rien d’une pâle copie en forme de méli-mélo. Les références ci-nommées sont habilement et intelligemment intégrées à un discours brillant, raffiné, agréablement expressif et intellectuellement supérieur.
La redécouverte de cette compositrice (née comtesse mais devenue hostile à l’aristocratie avec le temps) de va peut-être pas révolutionner notre compréhension de la musique du début du 20e siècle, romantique, post-romantique, impressionniste, etc., mais elle modifiera certainement le portrait de famille de cette époque. Femme parmi tant d’hommes, elle n’est pas la seule c’est vrai (on en redécouvre plusieurs autres depuis quelques années), mais elle apparaît certainement comme l’une des plus imposantes en terme de caractère et de force expressive.
Peter Donohoe joue cette musique comme s’il l’avait fait depuis toujours et le BBC Symphony sous la direction de Sakari Oramo est comme un feu d’artifices de textures et de teintes. On en veut plus.