Selon la brève notice biographique figurant dans la page Bandcamp de Dans le monde des variants, il s’agit du projet musical d’un certain Raymond « Ray » Hollis. Cet énigmatique créateur existe-t-il réellement ou s’agit-il d’un pseudonyme camouflant un musicien qui tient à l’anonymat? Toujours selon la notice, le sieur Hollis aurait œuvré pendant presque 25 ans dans le domaine de la construction avant de tout sacrer là pour rejoindre l’Institut de parapsychologie de Zurich (vérification faite, il existe bel et bien un Institut für Parapsychologie und Metaphysik Alberto Mattle dans cette ville suisse). Était-ce à titre d’étudiant? Ou de cobaye? Toujours est-il que Ray Hollis y aurait « fait fructifier ces talents dont il se savait doué. Cette recherche sur lui-même l’aurait amené à explorer sa sensibilité artistique. Une fois sa thèse sur l’acoustique rock terminée, il s’attaqua à la musique expérimentale ».
Voici donc |, premier album de Dans le monde des variants. Selon le communiqué de la toute nouvelle étiquette Lotophagus, ce nom ne fait pas allusion aux micro-organismes qui nous empoisonnent la vie ces temps-cil : il s’agit plutôt d’un hommage à la nouvelle du même nom qu’a publiée en 1939 le prolifique et influent auteur J. H. Rosny Aîné, où l’on trouve des équivalents de soi (les « variants ») vivant dans une dimension parallèle, mais distincte de la nôtre.
| contient cinq pièces, dont quatre franchissent le cap des huit minutes. La première s’intitule Unidentified Prints on the Cockpit. On ne saurait dire, à l’écoute, ce que signifient ces empreintes non identifiées dans le poste de pilotage. Par contre, on constate que la superposition de trilles, bourdons et crépitements crée une ambiance post-rock qui cède le pas, à la fin de la pièce, au bruit caractéristique d’un aéronef en perte d’altitude. Resonant Rocks s’articule d’abord autour d’un accord aigu de synthé avec effet d’écho, qui retentit à répétition. On entend aussi des notes basses à l’arrière-plan, puis des sons ressemblant à ceux que produit le sabre laser d’un Jedi et des modulations diablement hypnotiques. Vient ensuite Church, pièce la plus courte à trois minutes trente-neuf secondes. Toujours la même ambiance avec bourdon de fond, sur laquelle Raymond Hollis parsème des bruits de pitonnage de guichet automatique, des « zouiii! » furtifs et des bips de moniteur cardiaque, entre autres. Durant 1974, l’avant-dernier morceau, l’espace vibre au son de hautes fréquences qui se transforment graduellement en notes d’orgue d’église, l’inquiétude règne plus que jamais; Ray Hollis n’entend pas à rire. L’album se termine avec Space, pièce qui pourrait difficilement être mieux nommée puisqu’elle entrouvre, chez le musicophile bien disposé, une porte sur l’infinitude de l’univers.