Depuis une décennie, Chelsea Wolfe s’applique à enfoncer des formes anciennes, folkloriques, americana ou autres, dans un même accélérateur de particules déjà chauffé au doom metal et à la darkwave. En avril 2016, elle et son bandmate Ben Chisholm, Stephen Brodsky (Cave In) et Steve Von Till (Neurosis) furent associés à un projet collaboratif de Converge, projet intitulé Bloodmoon. Seuls 4 concerts furent alors donnés en Europe, l’objet étant de jeter un éclairage ambient au répertoire de la formation américaine (Massachussett), réputée pour la complexité et la haute virtuosité mathcore de ses propositions. La vélocité et les mesures composées n’y étaient pas privilégiées cette fois, quasi exclues de Bloodmoon. On s’applique plutôt à jouer et chanter sur des tempos moyens ou lents, les choses deviennent forcément plus mélodiques, les ambiances plus douces qu’aigres. Cinq ans plus tard, donc, ce Bloodmoon: I poursuit la même quête, deux noyaux visionnaires fusionnent de plus belle, la lune s’avère pleine et sanguine. Jacob Bannon peut y chanter bellement en plus de faire dans le grunt guttural et caverneux, on lui découvre des vertus de chanteur rock grand public, pendant que la Californienne se fond parfaitement aux formes émergeant de cette symbiose. Nous sommes ici dans un contexte idéal, là où se rencontrent la profondeur d’un concept, l’animalité, la sensualité, la lourdeur, la saturation doom metal, les guitares furieusement dégoulinantes (Kurt Ballou), les influx post-rock ou post-prog, la virtuosité de l’exécution. Voilà certes l’album au plus fort potentiel de rayonnement jamais enregistré par les deux parties en cause, sans qu’on en ressente la moindre édulcoration.
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