Aude St-Pierre est née à Montréal et à étudié le piano avec, entre autres, André Laplante. Elle fait carrière essentiellement en Europe, ce qui explique probablement pourquoi on la connaît moins, ici, que d’autres jeunes pianistes de sa génération. Elle possède une technique solide, et fluide, qui lui permet d’être à son aise dans le répertoire romantique. Cet album est une heureuse proposition car il nous permet découvrir la voix passablement oubliée de Maria Herz (née Bing), compositrice allemande décédée en 1950 aux États-Unis. Herz a mené une carrière hachurée, faite de périodes plus prolifiques et d’autres silencieuses. Le destin d’une femme avant le féminisme, quoi. Enfants, mari à la guerre (la Première), puis mort de la grippe espagnole, exil forcé par les Nazis, etc. Elle a malgré tout réussit à tisser une toile musicale intéressante, colorée par une personnalité romantique assumée, mais distincte quand on sait écouter attentivement. Le programme débute par une série de Variations sur un Prélude de Chopin (l’op.28 no 20), totalement empreinte de l’esprit du compositeur admiré, mais avec de très jolies explorations sur diverses portions (motifs rythmiques, progressions harmoniques, etc.) de l’oeuvre d’origine. Herz se démarque par l’expression d’un savoir précis encadré dans une écriture simple, mais communicative et élégante.
On poursuit avec 12 (Valses) Ländler, un groupe dans lequel un peu des deux genres se manifestent, mais de façon non stéréotypée. Cette série de miniatures (la plus longue fait 1:50) est exquise, et témoigne d’un profond savoir faire de la compositrice, et d’un talent certain pour les formules mélodiques attrayantes. Sous un aspect pastoral inspiré du folklore, les pages de Maria Herz sont imprégnées d’un grand raffinement et d’un tempérament expressif généreux mais pudique. Qui aime Chopin ou Schumann ne peut qu’être immensément séduit par ces douze petites perles.
La Sonate en fa mineur de 1922 est la pièce la plus substantielle du programme, avec presque 25 minutes. Elle est également celle qui révèle les capacités musicales de Maria Herz dans leur plus grande étoffe. Ici, la compositrice sculpte un édifice sonore beaucoup plus ample et complexe, avec un développement harmonique qui rappelle, pour la première fois de l’album, que la dame a vécu au début de la modernité musicale et en était consciente. On est tenté de lorgner du côté de Medtner pour trouver un équivalent dans la gestuelle foisonnante et une complexité harmonique néanmoins tributaire du Romantisme.
Aude St-Pierre témoigne d’une profondeur expressive élaborée et d’une technique impressionnante. On souhaite en entendre plus, de Maria Herz et d’Aude St-Pierre.
Très très chaude recommandation pour cet album rempli de trésors cachés.