Masqué, Jonathan Bree l’est depuis belle lurette. Le passe-montagne blanc qu’il revêt sur scène semble servir à conserver une aura de mystère. On peut penser qu’il fait plutôt office de miroir à nos propres états d’âme. Par un tour presque paradoxal, ses chansonnettes douces amères, ici gorgées des aléas de la solitude non volontaire, vont droit au but, sur fond de musique qui tend parfois dangereusement vers la pop bonbon (pensons à la sirupeuse Kiss my Lips), d’une manière totalement contrôlée. Coquette, sa musique évite les faux-semblants.
On retrouve sur ce quatrième album l’ensemble de ses qualités expressives et esthétiques. Les pistes de ce fin mélodiste s’enchaînent organiquement, toutes nourries d’un même terreau, mais sans sentiment de redite. Sa voix de baryton sert toujours aussi bien son personnage de crooner agréablement décalé. Les pièces sont faites de fines orchestrations, où priment les cordes, avec batterie très sixties, sertie de guitare doucement frétillante, non sans élans plus expérimentaux. Bree sait s’entourer de voix féminines complétant à merveille son manège musical. On retrouve ainsi son ancienne comparse du défunt projet The Brunettes, Princesse Chelsea, une autre collaboratrice de longue date, Crystal Choi, de même que Britta Phillips.
Si la musique magnifie, les paroles révèlent des heures sombres. Elles nous ramènent à des amours estivales révolues, avec le chœur féminin évoquant l’aimée d’alors (Heavenly Vision), aux déphasages entre amis dus à l’absence d’enfants (Children), aux aléas du célibat, entre sexualité foisonnante et solitude amoureuse. Quoi qu’il en soit, on se love dans cette langueur confortable, et on espère cette mélancolie réparatrice. Album d’une pop complexe, onirique et sans ménagement. Ce savant mélange nous donne la mesure de son talent.