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Crédit photo : Vanessa Heins
PAN M 360 : Votre album a eu de bonnes critiques ici et là, comment cela se passe-t-il depuis sa sortie ?
Daniel Monkman : Je voulais que cet album ait un impact parce que mon précédent remonte à presque dix ans. Chaque semaine, nous apprenons que quelqu’un quelque part aime l’album. Je n’ai jamais vraiment eu de fans avant. Quand je faisais de la musique de 2007 à 2012, je n’étais pas très sociable, je ne disais pas vraiment aux gens qui j’étais non plus. C’est un gros changement, mais ça se passe bien.
PAN M 360 : J’ai le sentiment que votre album représente une réconciliation entre vous et votre culture d’origine, pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
D.M : À un moment dans ma vie, je suis arrivé à un tournant en ce qui concerne mon identité. J’avais le choix entre continuer de vivre en ignorant mes origines ou les embrasser et accepter qui j’étais. Plutôt que de descendre le courant, pour apprendre à connaître ma culture, j’ai commencé à le remonter, ce qui est nettement plus difficile. Je savais qu’on n’allait pas me raconter l’histoire de mes origines parce qu’elles sont semées de mensonges et de tromperies. Cet album raconte comment j’ai appris à connaître ma culture et comment celle-ci m’a finalement sauvé la vie.
PAN M 360 : Vous écrivez sur votre processus de guérison de façon si ouverte, diriez-vous qu’il s’agit d’une quête pour trouver la paix intérieure ?
D.M : Je crois, oui. C’est comme la vérité et la réconciliation. J’ai participé au programme des AA. J’ai passé beaucoup de temps dans ces groupes de soutien. Je ne dirais pas que j’étais alcoolique mais j’avais certains comportements quand je me mettais à boire, je me sentais vraiment triste et je m’isolais. C’est là que j’ai appris à faire preuve d’humilité plutôt que d’intérioriser ce que je ressentais. On m’a encouragé à m’exprimer. On nous apprend à ne pas tout garder en dedans de soi.
PAN M 360 : La culture des Premières Nations semble appartenir au passé dans l’esprit de la plupart des gens, espérez-vous que votre album prouve le contraire ?
D.M : Quand j’apprenais à connaître ma culture au collège, on semblait toujours la reléguer au passé. Je lisais le manuel et je me disais : « Je suis toujours là. » Je faisais du shoegaze et de la musique autochtone en 2007, personne ne voulait entendre parler des Premières Nations. C’est en grande partie la raison pour laquelle j’ai quitté l’industrie de la musique pendant près de dix ans. Parler de ces questions n’était pas encore dans l’ère du temps. C’est en 2015 […] que j’ai commencé à entendre parler de nêhiyawak, Whoop-Szo, A Tribe Called Red et Snotty Nose Rez Kids. Maintenant je suis heureux de représenter les peuples indigènes à travers le shoegaze et la dream pop.
PAN M 360 : Le mot Zoongide’ewin fait référence à l’un des Sept enseignements sacrés, pouvez-vous nous expliquer en quoi ils consistent ?
D.M : Si vous participez au programme des AA, on y pousse beaucoup l’idée de Dieu et de la prière. Je me sentais un peu mal à l’aise parce que ce Dieu chrétien a souillé notre famille. J’avais l’impression de ne pas pouvoir guérir complètement avec cette croyance. Je suis ensuite allé dans un centre de désintoxication, et c’est quand j’en suis sorti que j’ai commencé ma quête. C’est en gros une version du programme des AA pour les Premières Nations. On y enseigne les mêmes valeurs, mais d’une manière plus traditionnelle. Des valeurs comme la sagesse, l’amour, l’humilité surtout, j’ai beaucoup appris à ce sujet. Là où j’ai grandi dans la rue, il y a beaucoup de gangs, de jeunes privés de figure paternelle ou maternelle. On apprend à être un homme dans la rue. La plupart du temps, cela signifie de ne pas montrer ses émotions […], vous devez toujours les intérioriser. L’humilité m’a fait prendre conscience que je peux être très ouvert. Être capable de demander de l’aide est juste un trait humain après tout.
PAN M 360 : Vous faites également référence à l’esprit de l’ours, que représente-t-il pour vous ?
D.M : Il représente ma mère et la maternité. L’esprit de l’ours Mukwa est la représentation de Zoongide’ewin, du courage et de la capacité de parler moins et d’écouter. C’est l’esprit de sacrifice, et ma mère en a fait beaucoup pour m’élever. Mon père faisait de son mieux pour être là. Plus tard, j’ai découvert pourquoi il n’y arrivait pas, mais ma mère a assumé l’entière responsabilité de mes quatre frères et sœurs et moi en tant que mère célibataire. Quand elle a vu que j’aimais la musique, elle m’a acheté ma première machine à enregistrer. Elle ne voulait pas que nous vivions au milieu des gangs. Quand j’ai fait cet album de renaissance, j’ai voulu honorer ma mère.
PAN M 360 : Au moment de l’enregistrement, vous n’aviez pas beaucoup de matériel, mais vous avez réussi à créer un son de shoegaze impressionnant, comment s’est déroulé l’enregistrement ?
D.M : Très minimaliste. J’avais une guitare, deux pédales d’effets et un ampli. Quand j’ai conçu l’album, beaucoup de chansons étaient juste acoustiques. Je voulais faire quelque chose de plus grand, avec beaucoup plus de textures. J’ai emprunté la deuxième pédale à un de mes amis, cette sorte de pédale à boucle qui vous permet, si vous enregistrez un riff et que vous ajoutez du lead par-dessus, de mettre les deux en boucle. Par chance, l’autre pédale que j’avais possède une fonction appelée « réverbération inversée ». Je créais la boucle, puis différentes couches et j’envoyais ensuite ce que je venais de faire dans la boucle à réverbération inversée. C’était une percée. C’est là que j’ai réalisé que je pouvais faire cet album plus grand que je désirais. Il n’y a eu ni studio ni gros moyens de production, j’ai tout fait dans ma chambre. J’ai eu beaucoup de chance.
PAN M 360 : La chanson Was & Always Will Be sonne plutôt comme un beau mantra méditatif ou une prière, comment avez-vous écrit cette chanson avec Rishi Dhir ?
D.M : J’ai toujours été un grand fan d’Elephant Stone, peut-être depuis 2009. Quand j’ai écrit cette chanson, elle n’était même pas censée figurer sur l’album. Je passais en revue ce qu’il y avait sur ma machine quand je suis arrivé à cette chanson acoustique vraiment hypnotisante qui comportait dix pistes acoustiques avec une progression d’accords. J’ai juste commencé à ajouter des tambours à main, puis d’autres instruments de percussion et ça a donné cette fusion de musique autochtone, de psychédélique des années 60 et de musique indienne. Je voulais à la blague réunir deux « indiens ». Les colons appelaient les indigènes des Indiens, ce qui n’est pas le cas. C’est idée fausse est encore bien vivante pourtant, mais le véritable Indien, c’est Rishi. L’ajout du sitar lui donne beaucoup de cachet. C’était une de ces chansons de dernière minute, mais avec la participation de Rishi, ça été parfait.