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A travers Spillover, l’artiste audiovisuel américain Pierce Warnecke – basé en France – et l’artiste multidisciplinaire Matthew Biederman – né à Chicago et basé à Montréal – explorent le fossé entre nature et culture à travers le son et l’image. Pierce a régulièrement présenté son travail à Mutek, Elektra, CTM ou ZKM, tandis que Matthew a participé à la Biennale d’art contemporain de Lyon, à la Biennale de design d’Istanbul, à la Biennale d’art numérique de Montréal, à Artissima en Italie, à SCAPE en Nouvelle-Zélande, et à Moscou. Afin de nous permettre d’apprécier cette œuvre sensorielle qui sera présentée ce samedi, Pierce et Matthew contextualisent leur travail.
PAN M 360 : Compte tenu de votre parcours, de vos performances et de vos installations, j’aimerais en savoir plus sur Spillover. Comment en avez-vous eu l’idée ?
PIERCE WARNECKE : C’est une création in situ qui fait suite à une résidence à la Biennale Index en mai dernier au Portugal. Le commissaire, Louis Fernandez, voulait mettre en valeur la biennale d’art médiatique dont le thème était La surface. Nous travaillons avec Matthew depuis environ 9 ans sur plusieurs projets. Nous avons profité de ce thème pour explorer les différentes formes de frontières qui existent entre l’environnement humain et naturel. Par un concours de circonstances, nous avons réalisé que notre projet était totalement lié aux problèmes environnementaux du nord du Portugal, dans la région de Montalegre. Cette problématique est liée à différents projets d’exploitation de lithium à ciel ouvert qui dégraderaient le paysage, détruiraient l’écosystème et mettraient en danger l’équilibre socio-professionnel des habitants.
PAN M 360 : Avez-vous conçu cette création avec un engagement militant écologiste en tête ? Ou est-elle née d’une phase de création ?
PIERCE WARNECKE : Oui, nous nous sommes sentis touchés par le contexte environnemental et social de la situation. Nous avons eu l’occasion de parler avec les habitants des lieux touchés et leur détresse nous a touchés.
PAN M 360 : Vos œuvres sont souvent présentées lors d’événements de grande envergure et de renommée internationale tels que Mutek, Elektra, CTM, Artissima (Italie), la Biennale SCAPE en Nouvelle-Zélande ou la Biennale de Moscou. Pouvez-vous nous donner quelques détails sur votre processus de création et de production, ainsi que sur les outils que vous utilisez pour obtenir de tels résultats ?
PIERCE WARNECKE : Nous avons un certain nombre de logiciels que nous utilisons régulièrement. J’utilise beaucoup Max MSP et Matthew utilise TouchDesigner. Nous sommes toujours à la recherche d’une interaction simultanée entre le son et le visuel, où nous pouvons vraiment jouer en direct avec la construction du paysage. Matthew utilise des cartes qui représentent la région de Montalegre en 3D. Nous jouons avec le paysage comme s’il s’agissait d’un instrument à part entière. Je transforme ce terrain en son en temps réel.
PAN M 360 : Quelles sont vos habitudes de travail lorsque vous créez ? Créez-vous ensemble en temps réel ou existe-t-il un modèle particulier de travail et de réflexion ?
MATTHEW BIEDERMAN : A mon avis, la création sonore et visuelle se fait simultanément. Cependant, il arrive que les visuels soient inspirés par le son et vice versa. Nous échangeons beaucoup de fichiers pour nous inspirer mutuellement, avant d’aboutir à une œuvre sonore et visuelle complète. La composition visuelle est tout aussi importante que la composition sonore. C’est une véritable coopération. Notre complicité artistique s’est forgée au fil des années.
PAN M 360 : Il y a encore un énorme travail à faire pour éduquer le public à considérer l’art visuel comme un art à part entière, surtout lorsqu’il est associé au son. Matthew, comment pensez-vous que l’on puisse y remédier ?
MATTHEW BIEDERMAN : Je pense que cela dépend surtout du contexte dans lequel les créations visuelles sont exposées. Avec notre œuvre, Spillover, nous sommes dans un cadre tridimensionnel : la carte, le visuel et le son. C’est ce que le public ressent.
PAN M 360 : Puisque vous traitez d’un sujet concernant les risques de destruction de l’environnement dans le but de développer des énergies vertes, ne pensez-vous pas que votre travail a une consonance dramatique ?
PIERCE WARNECKE : Oui, il y a un côté dramatique, c’est sûr. En même temps, nous ne pouvions pas nous permettre d’être trop moralistes, car pour créer, nous utilisons des objets technologiques contenant du lithium. Nous vivons dans une société totalement paradoxale, nous essayons de nous adapter tout en ayant le moins d’impact négatif sur l’environnement. Notre volonté n’était pas d’être trop moraliste, mais de remettre en question notre mode de vie et nos choix.
MATTHEW BIEDERMAN : Mon activisme passe par mes œuvres pour sensibiliser les individus, en espérant rendre la société plus alerte sur ces questions. Je veux sensibiliser les gens, plutôt que de porter des jugements. En tant que Canadien, je me sens également proche de ce qui se passe dans mon pays, où les autochtones sont souvent les victimes de nos projets de développement énergétique.
PAN M 360 : Avez-vous d’autres projets en cours ? Ensemble ou en solo ?
PIERCE WARNECKE : Nous aimerions continuer à développer le projet Spillover et l’adapter à différents contextes et lieux dans le monde.
MATTHEW BIEDERMAN : Ce serait formidable d’approfondir les subtilités du travail sur les cartes.
Sites des artistes :
https://piercewarnecke.com/
https://www.mbiederman.com/