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Après une trop longue attente – l’édition inaugurale a eu lieu en 2019, puis la pandémie est survenue –,Norté Tropical est enfin de retour, deux fois plutôt qu’une. L’édition 2021 compense l’année manquante avec deux soirées aux sonorités distinctes, mais toutes deux suivant une formule passionnante. Les soirées sont supervisées par le rappeur, chanteur, DJ, producteur et animateur de radio Boogát, un chef de file de la musique latine au Québec. C’est une autre tâche qui l’occupera, toutefois : celle de directeur artistique, une tâche vraiment digne d’une pieuvre étant donné l’incroyable éventail de talents latins locaux présents, dans tous les aspects des productions. PAN M 360 s’est entretenu avec le « Mexicanadien » autoproclamé Boogát, Daniel Russo Garrido à la ville, pour un examen minutieux de tous les participants au week-end endiablé qui s’annonce.
PAN M 360 : Quel est le thème général ou l’objectif des spectacles Norté Tropical?
Boogát : L’intention est de célébrer l’incroyable scène musicale latine que nous avons à Montréal en ce moment, qui s’est d’ailleurs épanouie d’une manière sans précédent, récemment. Norté Tropical aura lieu deux soirs, cette année, mais nous aurions pu facilement – moyennant un bon adéquat – en faire quatre ou cinq, avec tout le talent qui nous entoure. Selon moi, il n’y a jamais eu autant de projets de musique latine de qualité à Montréal qu’en ce moment. Le but de Norté Tropical est de créer des spectacles uniques avec deux groupes latinos qui se fusionnent en un ensemble gigantesque pour le dernier set de la soirée. C’est notre marque de commerce, la descarga-palomazo, ainsi que la collaboration en direct dans un esprit d’ouverture et de diversité.
PAN M 360 : La première soirée semble être axée sur les sons sud-américains – cumbia, champeta, reggaeton – croisés avec le hip-hop. Que pouvez-vous me dire sur les deux groupes principaux, Sonido Pesao et Ramon Chicharron, et leurs invités spéciaux (Baby K, Noé Lira et Elo Sono et bien sûr DJ Pituca Putica)?
Boogát : Les gars de Sonido Pesao sont de bons amis à moi, j’ai eu la chance de coproduire leur plus récent album, Todo Revuelto. Ce sont les OG de la scène latine de Montréal, des vétérans respectés, actifs et impliqués dans la communauté. Leur principal compositeur, Ian Lettre, fait également partie du groupe japonais de surf rock psychédélique Teke Teke. Loopy Monster, leur bassiste, est un excellent percussionniste « numérique » sur le groovebox Maschine; il joue aussi avec Loop Sessions. Luny et Chellz, les chanteurs, sont de l’étiquette Norté Rec, ils ont fait partie de Heavy Soundz et d’autres grands projets. Ils ont un show génial qui ressemble à un mélange de Rage Against the Machine et de Cypress Hill. J’adore leur musique.
Ramon Chicharron est un Colombien de Medellin qui a immigré il y a dix ans et qui a jouait toutes les semaines pendant presque six ans à l’Escalier, cette salle alternative près du métro Berri-UQAM. Sa popularité gagne maintenant tout le Québec avec une nomination à l’ADISQ, puis à l’échelle canadienne et l’internationale avec son plus récent disque Pescador de Sueños, que j’ai également réalisé. Sa musique et ses prestations sont élégantes, modernes, dansantes, romantiques et sensuelles, mais sans l’aspect kitsch. Ça lui réussit très bien auprès du public.
Baby K est la sœur de Chellz, l’une des plus grandes rappeuses hispano à s’être produites à Montréal, une sorte de Lady of Rage salvadorienne (The Chronic). Noé Lira est une artiste aux multiples talents, une très bonne actrice et une incroyable danseuse qui entame aussi une carrière musicale. Il y a une fraîcheur qui nous rappelle Lhasa, dans ce qu’elle fait, avec une touche plus joyeuse et plus pimpante propre à cette nouvelle génération. Elo Sono est la moitié d’El Son Sono, un groupe qu’elle forme avec son frère, le grand guitariste et chanteur Tito Sono. Elle a une belle voix à la fois douce et rauque qui peut rappeler celle d’Alejandra Ribera. D’origine mixte québécoise et péruvienne, elle apporte une touche andine à notre scène locale, qui est surtout caribéenne. Enfin, il y a Pituca Putica, également d’origine péruvienne, un DJ vraiment cool qui fait partie de la nouvelle scène internationale latino-urbaine, dembow, digital, neo-perreo, reggaeton, etc.
PAN M 360 : La deuxième soirée penche du côté de l’Amérique centrale ou plutôt des Caraïbes. Vous avez les sons cubains d’Andy Rubal et la salsa nuyoricaine de Lengaïa Salsa Brava, accompagnée de ses invités Esmeralda, Noderlis et Stéphanie Osorio, ainsi que DJ Zarah Kali entre les deux.
Boogát : La deuxième soirée s’oriente vers le son le plus populaire du Gran Caribe : la salsa. Andy Rubal est originaire de La Havane. C’est le plus grand pianiste de salsa avec lequel j’ai eu la chance de travailler. C’est un grand showman depuis sa plus tendre enfance, lorsqu’il se produisait avec le groupe Baby Salsa. Il a enregistré plusieurs de ses disques aux studios EGREM (Buena Vista Social Club), puis est tombé amoureux d’une Montréalaise et se vit maintenant ici. Il travaille beaucoup, il est toujours inspiré, prisido. Sa musique est vraiment cubaine, orientée timba… ¡Un vacilón!
Lengaïa Salsa Brava à Montréal, ce sera marquant. À mon avis, c’est le meilleur groupe de salsa à interpréter son propre matériel – et non des reprises – au Canada. Ils ont également accompagné certains des plus grands artistes de salsa, dont Ismael Miranda et Yoko Mimata. Ils ont été nominés pour les derniers Junos et ont signé un contrat avec Lula World Records, de Toronto. Ils sont douze dans le groupe : c’est imposant et puissant.
Esmeralda est une chanteuse-guitariste très talentueuse à la voix cristalline, qui a beaucoup tourné avec Samian et a côtoyé la scène hip-hop de Montréal à ses débuts. Aujourd’hui, elle se tourne davantage vers la nueva trova et interprète ses propres compositions. Noderlis est une grande chanteuse cubaine, qui a participé au spectacle Fiesta Cubana du CNA, l’été dernier à Ottawa. Elle a une voix puissante, une vraie voix. Stéphanie Osorio est la chanteuse principale du groupe de musique colombien Bumaranga, qui explore les sons afro-colombiens. DJ Zarah Kali est aux manettes de Provoxmtl, un espace multidisciplinaire vraiment cool qui diffuse également des spectacles. Elle est aussi une incroyable DJ de salsa et de cumbia « old-school ».
PAN M 360 : L’aspect visuel de ces deux soirées est très développé. Il y a un VJ (Eli Levinson), des éclairages conçus par Chele, le photographe Carlos Guerra, et une mise en scène assurée par Carmen Ruiz. Comment se présente cet aspect des choses?
Boogát : Ça se présente très bien. Je ne pense pas que nous puissions organiser de grands événements musicaux en 2021 sans penser à l’aspect visuel. L’idée est de faire quelque chose de tropical… qui est aussi nordique. Nous avons la chance d’avoir beaucoup de talent ici. Carmen Ruiz est la directrice artistique du Gypsy Kumbia Orchestra. Ils font des spectacles de fous! Faire appel à Carmen pour la mise en scène était tout naturel, elle a dit oui tout de suite. Même chose pour Eli Levinson, l’un des producteurs de musique les plus en vue à Montréal, avec Oonga, ainsi qu’un VJ hors pair. Il a réalisé des visuels incroyables pour la dernière tournée d’Afrotronix et a participé à la première soirée Norté Tropical en 2019. C’est donc tout naturel qu’il fasse ça. Chele est mon MC préféré, mais aussi un grand tech qui a étudié les techniques d’éclairage. Nous faisons beaucoup de projets ensemble, alors le fait qu’il conçoive l’éclairage me donne l’impression d’être chez moi!
Carlos Guerra et moi sommes devenus amis après un voyage à CDMX et Oaxaca, en 2017, pour filmer deux clips pour mon disque San Cristobal Baile Inn. Il est devenu l’un des vidéastes les plus prolifiques du hip-hop québécois, tournant également avec l’artiste français Kaaris et remportant un prix Gémeaux (les Oscars de la télé au Québec) pour le documentaire Cannabis Illégal réalisé avec Simon Coutu, pour Vice. Il a même joué dans un film récemment. Il ne s’arrête jamais et a le meilleur œil au monde. Nous avons la chance de travailler tous ensemble pendant deux soirées, ce qui nous rend tous fiers. Tout le monde est vraiment talentueux et se respecte en tant qu’artistes. C’est increíble y inspirador!
PAN M 360 : J’allais demander pourquoi vous ne vous produisez pas vous-même, ou seulement comme animateur – c’est Elkin Polo de CISM qui sera le MC des soirées –, mais j’imagine qu’en tant que directeur artistique des événements, vous aurez pas mal à faire!
Boogát : Je pense qu’Elkin Polo s’amusera bien plus que moi à animer les deux soirées. Et plus quelqu’un s’amuse sur scène, plus il est agréable à regarder et à écouter. Il fait son émission de radio non-stop depuis 2013 et a animé plusieurs événements, donc c’est l’homme de la situation. Je vais quand même lâcher des rimes ici et là, les deux soirs. Ce truc de Norté Tropical, c’est comme faire des « featuring » sans aller en studio; je me crée une « excuse » pour travailler avec des gens que j’apprécie sur le plan artistique et humain. Pour répondre à votre question, oui c’est beaucoup de travail, mais c’est magnifique de se réunir pour faire quelque chose que nous aimons tous, vivre la musique latine et célébrer notre héritage avec fierté.
Photo d’Andy Rubal : Marion Brunelle; photo de Ramon Chicharron : VictorineYok.
Au National (1220, rue Sainte-Catherine Est) les vendredi et samedi 15 et 16 octobre. 25 $ (+ taxes et service) par soirée ou les deux pour 40 $ (+ taxes et service). Plus d’infos ici.