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Ce n’est pas d’hier qu’on le suggère, on le fait depuis les années 50 : les musiques plus exigeantes tendent à se fréquenter avec le temps. Ainsi, l’école classique occidentale s’ouvre progressivement à d’autres courants, le jazz contemporain figure assurément dans la courte liste des alliages. Sauf chez les plus bornés, il est désormais courant d’apprécier un musicien classique qui s’intègre à un projet impliquant l’impro ou encore d’entendre un musicien de jazz explorer le répertoire de la musique écrite de tradition occidentale.
C’est assurément le cas de Philippe Côté, qui se met lui-même en scène à l’Off Festival de jazz de Montréal de concert avec le pianiste américain Marc Copland et le Quatuor Saguenay. Musique de chambre et jazz font bon ménage dans l’imaginaire de l’artiste montréalais, on en aura la démonstration sur scène ce samedi 2 octobre et sur disque le 5 novembre prochain, sous étiquette Odd Sound : les œuvres Bell Tolls Variations et Fleurs Revisited seront exécutées dans le contexte de l’Off Festival de jazz de Montréal.
Saxophoniste, clarinettiste, compositeur, arrangeur, chef d’orchestre, Philippe Côté termine actuellement un doctorat à l’Université McGill, sous la direction de John Hollenbeck; il est également coordonnateur du programme de jazz du Conservatoire de McGill, qui fait partie de l’école communautaire de l’université. En outre, le musicien montréalais a reçu de nombreux prix, dont des bourses du Conseil des Arts du Canada et du Conseil des arts et des lettres du Québec. Il a composé pour des orchestres et des ensembles de chambre tels que l’Orchestre national de Jazz de Montréal, le Winnipeg Jazz Orchestra ou l’Ensemble Paramirabo.
Voilà autant de raisons pour justifier cet échange avec PAN M 360.
Philippe Côté + Marc Copland + Quatuor Saguenay Recording from Philippe Côté on Vimeo.
PAN M 360 : Comment ces œuvres ont-elles été imaginées?
Philippe Côté : The Bell Tolls, la pièce de Marc Copland qui est selon moi un grand pianiste de jazz, était complète en elle-même avant que j’y travaille – enregistrée en 2009 avec le batteur Bill Stewart et le contrebassiste Drew Gress. Jouée en trio à l’origine, donc, cette pièce est très bien construite, super riche, très subtile. Il s’agit ici d’une recomposition respectueuse de cette pièce; je ne la transforme pas trop, je lui apporte une dimension plus classique, très tonale même si contemporaine. Pour Fleurs Revisited, ma propre pièce, je me suis permis davantage d’explorer jazz et musique contemporaine tout en restant influencé par des courants populaires d’aujourd’hui. Alors la conception sonore est plus contemporaine.
PAN M 360 : Qu’y a-t-il à souligner sur le choix de l’instrumentation?
Philippe Côté : L’idée de ce projet était de composer et d’arranger pour un quatuor à cordes, un piano et moi-même à la clarinette basse et saxophone soprano – ténor et soprano en concert ce samedi. Je n’ai choisi ni contrebasse ni batterie, c’était intentionnel, ces éléments se trouvent néanmoins dans la musique. Ainsi, j’ai décidé de faire de la musique de chambre sans toutefois renier ma nature musicale; j’aime le jazz, le rythme, la percussion, le groove. L’idée de cette instrumentation repose sur l’idée que ça puisse fonctionner acoustiquement dans le contexte d’une musique de chambre construite sur des pièces de jazz. En jazz contemporain, des projets de trio de piano avec quatuor à cordes sont souvent dominés par la batterie et la basse, au détriment de l’équilibre acoustique. Dans le cas de ces œuvres revisitées, le côté jazz de l’affaire est davantage représenté dans les séquences d’improvisation et dans certains grooves que par la construction orchestrale en tant que telle. Le matériel écrit stimule l’improvisation, en fait.
PAN M 360 : Toutefois, les cordes n’improvisent pas vraiment. Quel est leur rôle?
Philippe Côté : Les cordes n’improvisent pas mais ne sont pas reléguées au rôle de « tapis » au service des solistes comme c’est trop souvent le cas dans le jazz. Vu l’absence de batterie et de basse, les cordes sont bel et bien au cœur de la musique, elles en sont partie intégrante même si je ne leur demande pas d’improviser ou de faire autres choses qu’elles ne maîtrisent pas.
PAN M 360 : Vous avez choisi le Quatuor Saguenay, pourquoi?
Philippe Côté : Le Quatuor Saguenay est un super bel ensemble qui a un super beau son. Au départ, la maquette du projet avait été enregistrée avec des musiciens de McGill, mais ensuite je voulais un quatuor permanent qui a un vrai son. Et j’ai vraiment aimé le son du Quatuor Saguenay, dont le premier violon a été remplacé depuis l’enregistrement – Laura Andriani a été remplacée par Marie Bégin. Luc Beauchemin, alto, Nathalie Camus, second violon et David Ellis, violoncelle. Des gens super gentils! Cette musique avait été d’abord enregistrée en studio en 2016, je n’étais pas content du résultat alors j’ai refait l’enregistrement dans une salle de concert, soit au Domaine Forget en 2017, après quoi j’ai mené plusieurs autres projets, la pandémie en a retardé la sortie publique.
PAN M 360 : Quels sont les autres projets de Philippe Côté?
Philippe Côté : J’ai un autre projet en cours avec François Bourassa (piano) et Jacques Kuba Séguin (trompette), un autre en duo avec François Bourassa et aussi une commande d’œuvre pour avril avec le Canadian National Jazz Orchestra à Calgary, qui sera dirigé alors par Christine Jensen. Je suis aussi chef pour différents ensembles. Alors… pendant certaines phases, je joue davantage, je compose et je dirige davantage durant d’autres phases. Si je dois mettre un numéro 1? Je suis plus compositeur que joueur, mais tout reste lié.