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Donia Leminbach profite de sa pleine liberté acquise avec la relance de sa carrière, marquée par la sortie des enregistrements sous la bannière Draw Me A Silence. Il y a quelques années, la productrice amorçait un nouveau chapitre de son existence.
Un divorce, la prise de possession d’une petite palmeraie aménagée par sa défunte mère aux portes du Sahara tunisien, une vie partagée entre le sud-ouest de la France et la maison maternelle. Ces événements personnels coïncident avec un vrai succès professionnel dans les circuits apparentés aux genres et sous-genres techno, dub, breakcore, hardtek, famille bass music.
Vu le succès de ses enregistrements récents, elle parcourt l’Afrique du Nord, la France, le monde… Tout ça coïncide aussi avec l’apparition de son nouvel alias, Azu Tiwaline, qui sera mis en valeur ce dimanche à MUTEK.
PAN M 360 : Racontez-nous la naissance d’Azu Tiwaline, cet alias qui vous apporte un succès authentique.
AZU TIWALINE : Je suis basée entre le sud de la Tunisie et le sud-ouest de la France (à la limite des Landes et du pays Basque. En Tunisie reste assez près du Chott el-Jerid, une vaste plaine saline qui est en fait une ancienne mer asséchée et qui se recouvre parfois de quelques centimètres d’eau, une ou deux fois par an. Ça devient alors un autre paysage magique. Il y a cinq ou six ans, j’ai décidé de vivre là-bas et venir en France de temps en temps. Ma mère, vingt ans plus tôt, avait acheté un terrain avec du sable, elle a construit sa maison petit à petit, elle a planté des palmiers petit à petit, elle est décédée il y a 5 ans et j’ai décidé de m’y installer. C’est une petite palmeraie, c’est vraiment un paradis là-bas mais je dois m’en occuper et je suis fille unique. Depuis deux ans maintenant, il faut plutôt que je passe la moitié du temps en France, parce que ce n’est pas évident de rayonner en Europe et dans le monde à partir de la Tunisie. C’est pour ça que j’ai une autre base dans le sud-ouest de la France, qui me permet de voyager.
PAN M 360 : Retourner en Tunisie a été forcément une grande source d’improvisation , comment cela se manifeste chez Azu Tiwaline?
AZU TIWALINE : Alors je suis née en France d’une mère tunisienne et d’un père cambodgien, mais j’ai grandi en Côte d’Ivoire, à Abidjan. Je suis revenue en France à l’âge de 14 ans. J’ai toujours eu un lien avec la France et la francophonie, mes parents parlaient français, c’est ma langue maternelle, alors je me suis rapidement intégrée à la France. Je me suis alors intéressée à la culture rave et je me suis mise à faire de la musique électronique, ayant accès à du matériel de mes amis qui faisaient de la musique électronique.
PAN M 360 : Comment votre environnement de vie a-t-il un impact sur votre musique?
AZU TIWALINE : Des éléments rythmiques d’Afrique du Nord se trouvent dans ma musique, je travaille notamment sur des rythmes ternaires, j’utilise aussi des instruments qu’on peut trouver dans la musique berbère. Aussi, j’enregistre beaucoup de sons de mon environnement immédiat, j’aime que l’on puisse se situer avec ces prises de sons sur le terrain d’Afrique du Nord, la rue, le village, les appels à la prière, une sorte de carte postale sonore. Mais avant tout, il y a une émotion qui sous-tend ces sons mis en contexte, le désert dans ma musique peut aussi vouloir dire le silence. Et les gens peuvent y coller le sens qu’ils veulent bien. Mais je ne me revendique pas du tout comme une ethno-musicienne d’Afrique du Nord.
PAN M 360 : Vous êtes davantage une citoyenne du monde, là où vous vous trouvez est matière à création, n’est-ce pas?
AZU TIWALINE : Exactement.
PAN M 360 : Votre esthétique est clairement électronique, en fait.
AZU TIWALINE : Je suis plutôt techno et dub, même si ce dub n’est pas foncièrement reggae.
PAN M 360 : Comment votre art a-t-il évolué récemment?
AZU TIWALINE : Pour l’instant je surfe sur cette vague issue de mon premier album sous le pseudo Azu Tiwaline. Je profite de cette bonne énergie, des appuis que j’ai reçus, cela me permet de tourner et de poursuivre le travail de création. L’hiver dernier, j’ai fini de composer un second album qui devrait être rendu public en 2023. Voilà ce qui se passe à court et moyen termes. Et puis à long terme, je ne sais pas encore. Je souhaite faire des résidences artistiques, ce que j’ai fait souvent auparavant. Un autre de mes rêves à logt terme est de pouvoir faire de la musique de film.
PAN M 360 : Avez-vous étudié la musique?
AZU TIWALINE: Pas vraiment de manière soutenue. J’ai pris des cours de musique quand j’étais petite mais cela n’avait pas produit chez moi le désir d’être une instrumentiste, je ne pense pas avoir eu de pédagogues pour produire le déclic. C’est plutôt quand j’ai découvert la musique électronique dans les raves que j’ai voulu comprendre comment fonctionnaient les machines. J’avais des amis qui avaient du matériel et puis voilà, ça a commencé comme ça. En autodidacte, petit à petit, j’ai acheté des machines, des logiciels, etc. Je faisais tout ça en même temps que je faisais mes études et donc je ne pensais pas forcément en faire un métier. C’était une passion et, au terme de mes études, je commençais déjà à gagner ma vie avec la musique. Je me suis donné deux ou trois ans pour en profiter et on verra. Plus de vingt ans plus tard, je suis encore en train de faire de la musique. Ça marche bien en ce moment mais il y a des périodes où il y a des hauts et des bas, il n’y a pas de revenu stable, c’est l’art de gérer ses émotions sans paniquer lorsqu’il y a des périodes moins occupées professionnellement.
PAN M 360 : Azu Tiwaline ?
AZU TIWALINE : Je traduirais Azu Tiwaline par ‘les yeux du vent’. Un berbère pourrait ne pas traduire ces deux mots comme ça, mais pour moi, la combinaison de ces deux mots peut induire cette traduction. Dans mon imaginaire, en tout cas, c’est comme ça que je l’ai perçu, particulièrement lorsque j’ai commencé à vivre en Tunisie. Et donc, quand j’ai fini mon premier album, j’ai choisi cet alias pour marquer ce changement et créer une nouvelle identité. Tout a changé dans ma vie à ce moment, j’ai voulu signifier la venue de ce nouveau cycle par une nouvelle identité.
PAN M 360 : Affinités avec certains artistes, labels , etc.?
AZU TIWALINE : J’ai d’abord reçu un accueil chaleureux en Angleterre, cette porte ouverte là-bas m’a permis de rayonner ensuite à l’international, tout en étant proche à ma façon de la UK bass music. Mes signatures chez I.O.T. Records et Livity Sound m’ont aussi beaucoup aidée en ce sens, j’ai pu y rencontrer plusieurs artistes que j’admirais et avec qui j’ai pu faire de nouvelles collaborations. Après j’ai un lien avec la scène électronique tunisienne, qui est plutôt expérimentale, assez noisy. Bien sûr, je vis dans le Sahara et je ne suis pas forcément connectée avec la communauté de Tunis où ça se passe surtout, mais j’ai quand même tissé des liens. Et puis voilà j’aime passer beaucoup de temps seule et vivre dans le désert afin de profiter de cette solitude.