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Crédit photo : Camille Gladu-Drouin
On était en voie d’oublier la kebaméricanité de Laurence Hélie, disparue des radars il y a cinq ans. C’est pourquoi nous devons rappeler la trajectoire de la chanteuse avant le récit de Late Bloomer, excellent album sous le pseudo de Mirabelle qui vient de paraître sous étiquette Simone Records.
« Je viens de la Beauce, plus précisément de Saint-Isidore. À l’école secondaire, j’ai été inscrite en concentration musique à l’école secondaire. Je suis une adolescente des années 90; dans ma gang, j’étais la nerd de musique qui allait jaser avec les disquaires au HMV de Québec. J’étais assoiffée de musique, je regardais Musique Plus religieusement, je ratais des cours pour ne rien rater. J’ai appris à jouer la musique de cette époque, je pense notamment à Mazzy Star, Sonic Youth, Pavement, Nirvana, Cranberries, etc. J’ai étudié en technique de son chez Musitechnic, mais j’ai gagné ma vie dans l’industrie du doublage. »
Laurence Hélie a une voix magnifique, ce qui l’a d’abord conduite vers le country-folk.
« C’était alors une quête d’authenticité, je ne voulais pas d’artifices. J’ai eu ben du fun durant cette période country-folk, mais je m’étais un peu retenue. Et… ce n’est pas super clair ce qui est arrivé par la suite. En fait, j’ai pogné un down après mon deuxième album; plus envie de jouer, plus capable de m’entendre gratter une guitare. Pendant cette période, j’ai eu un enfant, j’ai mis la musique de côté pendant un certain temps. »
Elle a laissé le temps au temps, le naturel est revenu au petit pas… au petit trot… au galop.
« Lentement, je me suis remise à écrire des chansons et c’est sorti différemment. J’ai voulu aller au fond de mes idées, trouver comment bien me sentir, bien baigner dans ma musique. Je n’ai pas outre mesure confiance en moi dans la vie… sauf quand je chante. S’il y a une place où je me sens parfaitement bien, c’est lorsque je chante. Tant mieux si j’ai le talent qui va avec. »
Le retour à la création chansonnière fut graduel :
« Ce n’était vraiment pas prémédité, il n’y avait aucune idée de succès derrière ça. J’avais simplement envie de faire de la musique pour moi-même, il me fallait retrouver ce plaisir. Sans plus. Et je me suis étonnée moi-même : c’est le fun ce que je fais! J’ai alors trouvé l’équipe avec laquelle travailler. »
Depuis près de dix ans, Laurence Hélie connaît Warren Spicer, musicien central de la formation Plants and Animals qu’elle a rencontré par des amis communs.
« Il avait fait la prise de son de mon deuxième album, il m’avait mise super à l’aise. Warren a de grandes qualités en tant qu’ingénieur du son et aussi en tant que réalisateur. Lorsque je l’ai approché pour faire la réalisation de Late Bloomer, je savais qu’il était très compétent musicalement, mais c’est son empathie et sa capacité de créer une excellente ambiance de travail qui avaient motivé mon choix.
« Ce fut vraiment fantastique de pouvoir travailler avec lui! Il est super intuitif et il n’a pas peur d’essayer des choses alors que je suis plus pudique avec mes idées. Mais… au cours des séances d’enregistrement, j’ai réalisé que j’avais plus de choses à dire que je ne le croyais. Je me suis surprise à faire valoir mon point de vue. Avoir quelqu’un comme Warren qui me laissait beaucoup de place dans le processus créatif, c’était très cool et très contagieux. »
Laurence Hélie pense avoir grandi dans ce contexte de coréalisation.
« Auparavant, j’étais intimidée par tous ces collègues qui étaient musicalement beaucoup plus éduqués que moi. Or cette fois-ci, je voulais que ça vienne de moi à 100 %, j’ai poussé les chansons le plus loin possible, dans l’exécution comme dans la réalisation. Je savais ce que je ne voulais pas, ça été plus long d’identifier ce que je voulais. »
Bien au-delà de l’ambiance de travail, l’esprit de recherche de ces séances a mené Laurence Hélie à explorer des zones insoupçonnées, superbe mélange d’ethereal wave, trip-hop, space-rock, ambient.
« Je savais que nous allions torpiller pas mal pour trouver notre son. Ce fut une recherche et j’étais extrêmement têtue. Je voulais que ma voix occupe une place centrale et donc il me fallait de l’espace… Heureusement, mon réalisateur était très ouvert, sans concessions. Je n’avais pas d’intentions particulières de musique électronique, et c’est là qu’est arrivé Christophe Lamarche-Ledoux avec des sons de synthés dont je suis tombée amoureuse, des sons parfaits pour ces chansons avec beaucoup d’espace. »
Propices à cet esprit aérien, les textes de Mirabelle s’avèrent extrêmement personnels, sorte de mise en rimes d’un journal intime. Notre interviewée corrobore.
« Quand j’ai recommencé à refaire de la musique, c’était un tout ou rien et ça m’a rappelé mon état d’esprit quand j’étais ado. J’avais alors tant de rêves, avais-je laissé tomber mon adolescente intérieure? Étais-je devenue plate après être devenue mère ? »
Bien sûr que non. Il fallait simplement réveiller l’adolescente intérieure, qui s’exprimait en anglais lorsqu’elle chantait.
« Pour les textes français de mes deux premiers albums, j’avais demandé l’aide d’auteurs. Auparavant, je chantais toujours pour moi en anglais car ce détachement de ma langue maternelle me permettait d’y aller avec moins de retenue. C’est pourquoi j’ai voulu écrire en anglais toutes les paroles de cet album pour m’y reconnaître complètement, m’y sentir entière, accomplir quelque chose dont je serais très fière. Oui, c’est un peu épeurant de se faire juger… et puis non! Je suis heureuse de ce que j’ai fait et c’est ce qui importe. Je sors de ça lumineuse. »