Kaitlyn Aurelia Smith : Faire passer le courant

Entrevue réalisée par Alain Brunet

L’Américaine Kaitlyn Aurelia Smith frappe dans le mille avec The Mozaic of Transformation, une ode très personnelle à l’énergie électrique qui s’incarne dans un huitième album studio, paru sous étiquette Ghostly International. Depuis 2012, la compositrice échafaude un langage au confluent des musiques classiques occidentales, des musiques et traditions asiatiques, de l’univers électroacoustique, de la synthpop ou même de la musique pour jeux vidéo. Voilà un must pour PAN M 360, une conversation s’impose avec la principale intéressée, jointe à sa résidence californienne.

Genres et styles : ambient / électronique / expérimental

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Crédit photo : Chantal Anderson

Au cours de son plus récent cycle créatif, Kaitlyn Aurelia Smith a lié une pratique quotidienne d’assouplissement physique à celle de la composition. Chaque jour, ses mouvements devenaient autres, c’était idem pour la musique.

La multiplicité de ses poses et mouvements, quelque part entre la danse contemporaine, le contorsionnisme et le yoga, constitue ainsi un langage sans cesse renouvelé, « mosaïque de la transformation » intrinsèquement liée à ses explorations sonores.

Ce fut pour elle l’occasion de réfléchir à la circulation des flux énergétiques, dans son corps comme dans ses œuvres. Voilà l’expression holistique du mouvement corporel et du son à travers le flux énergétique : l’électricité.

Crédit photo : Chantal Anderson

« L’électricité, rappelle-t-elle, permet à mes synthétiseurs analogiques de produire des sons, et c’est aussi ce qui fait que le son se rend jusqu’au cerveau et frappe l’imaginaire. J’ai été inspirée par le simple pouvoir de l’électricité et la façon dont elle donne vie à mes instruments. C’est pour moi la source d’énergie la plus fondamentale. »

Par conséquent, The Mozaic of Transformation est un témoignage sonore de l’admiration pour l’énergie électrique.

« Vous savez, quand on voit quelque chose de magnifique, tout ce à quoi on peut penser pour rendre cette chose peut se traduire en sons. C’est comme lorsqu’on contemple un beau coucher de soleil – c’est tellement beau! on aimerait que d’autres puissent profiter du spectacle – j’ai eu le sentiment d’être submergée par la beauté; l’inspiration pour cet album était l’électricité et la seule chose que je pouvais faire, c’était de lui donner une forme sonore.  L’intention était aussi de montrer à quel point l’électricité est étonnante. »

Crédit photo : Chantal Anderson

La notion de partage est aussi importante pour notre interviewée, qui repousse l’idée de s’enfermer dans une tour d’ivoire.

« Je vois toujours la musique comme un langage, c’est-à-dire que j’essaie toujours d’affiner ma capacité à traduire l’inspiration et ce que je ressens intérieurement sous une forme sonore que je puisse ensuite transmettre à d’autres afin qu’ils se sentent inspirés à leur tour. Cette inspiration de l’électricité, c’est comme quand j’assiste à un coucher de soleil; tellement beau que je souhaite que d’autres puissent le voir. L’intention est de partager cette inspiration. »

La trame dramatique de The Mozaic of Transformation est ainsi construite :

« Les morceaux courts s’enchaînent et construisent cette trame jusqu’au dernier morceau, beaucoup plus longs que les autres. Cette montée dramatique vous emmène en quelque sorte au fil d’une transformation, le voyage se fait à travers des allers-retours constants entre les combinaisons de sons et de musique. J’essaie de mélanger beaucoup de choses. Le dernier morceau au programme a été le premier que j’ai composé. L’intention était de l’enregistrer avec un orchestre complet mais je n’ai pas trouvé preneur, je rêve depuis toujours de pouvoir disposer d’un orchestre de chambre ou d’un orchestre symphonique. Cette fois-ci, c’est moi seule qui crée mes sons d’orchestre – notamment à partir d’échantillons d’instruments. »

Crédit photo : Chantal Anderson

Native de l’île Orcas qui jouxte la Colombie-Britannique, Kaitlyn Aurelia Smith vit à Los Angeles. Musicienne de formation, l’artiste de 33 ans a suivi un parcours typique avant de bifurquer dans l’atypique. Elle explique :

« J’ai commencé à jouer de la guitare classique et apprendre la composition pour orchestre, puis je suis passée aux synthétiseurs analogiques pour ensuite tout mélanger. J’aime vraiment le mélange de ces deux univers. »

La compositrice se nourrit de musiques dont les références ne sont pas identifiables d’emblée. 

« Quand j’ai fait mes études en musique, relate-t-elle, mon cerveau a été formé à reconnaître les éléments de la théorie musicale, de l’instrumentation et de la production. Aujourd’hui, je suis inspirée par la musique sans analyser sa construction. J’aime la musique quand mon cerveau s’y abandonne, point. Le compositeur japonais Joe Hisaishi, par exemple, est une très grande source d’inspiration pour moi. Je n’ai pas cherché à savoir comment il fait sa musique, mais je sais maintenant qu’il mêle musique orchestrale et musique électronique. »

Après la sortie de son excellent album The Kid en 2017, Smith a orienté son énergie créatrice dans plusieurs directions. Elle a fondé Touchtheplants, un écosystème multidisciplinaire pour des projets accueillant les premiers volets de sa série électronique instrumentale et des textes sur la pratique de l’écoute intérieure. Dans le même élan, elle a continué à explorer les possibilités texturales des instruments électroniques ainsi que les formes, les mouvements et les expressions que l’on trouve dans la relation du corps humain avec le son et aussi la couleur.

Crédit photo : Chantal Anderson

Parmi les compositrices américaines les plus accomplies de sa génération, Kaitlyn Aurelia Smith assume également l’électricité féminine qui nourrit son œuvre, quoique…

« Je suis heureuse que cette énergie féminine soit reçue en tant que telle, mais j’essaie de ne pas comparer mon travail avec celui d’autres femmes. Et si l’énergie féminine est toujours là dans la musique, je ne pense pas qu’elle provienne exclusivement d’artistes féminines. J’entends aussi beaucoup d’énergie féminine provenant d’artistes masculins. Je ne suis pas certaine, en fait… c’est complexe… »

Laissons donc les mystères faire leur œuvre…

Crédit photo : Chantal Anderson

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