Jo Passed ne fait pas que passer

Entrevue réalisée par Alain Brunet

Invité à M pour Montréal, Jo Passed est le rutilant véhicule avant-rock de Jo Hirayabashi, certes l’un des groupes les plus intéressants de Colombie-Britannique.

Genres et styles : avant-pop / avant-rock / krautrock / rock

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Sous le radar de PAN M 360, Jo Passed doit être considéré parmi les projets rock/pop les plus captivants de la côte ouest canadienne. Le profil biographique de Sub Pop, label de Seattle chez qui le groupe est sous contrat, aligne des noms pour décrire l’approche de l’auteur, compositeur, interprète et réalisateur Jo Hirayabashi, sans qui cette formation ne pourrait exister : XTC (Andy Partridge) + Beatles déconstruits + krautrock (Can et Neu!)  + un peu de prog + avant-rock américain + un peu de Sonic Youth quelque part + Nick Drake à la rencontre de Swans + Grouper à table avec Frank Ocean. Ajoutons à tout cela un nom amusant, inspiré de Joe Pass, légendaire guitariste de jazz. M pour Montréal met en relief ce groupe top niveau.

PAN M 360 : Que pensez-vous de cette liste de références allongée par Sub Pop ? 

JO HIRABAYASHI : Je pense que nous avons tenté d’écrire ces textes de façon à ce qu’ils puissent servir de références et se retrouvent dans les interviews et les critiques. Vous savez, tout le monde est tellement stressé par les délais que la publication d’une biographie qui énonce les choses auxquelles vous désirez être comparé ou voulez ressembler équivaut généralement à ce genre de presse pour les gens qui ont besoin de choses écrites rapidement pour vendre le groupe ou le projet ou quoi que ce soit. C’est la raison pour laquelle on y trouve autant de noms comme références. L’attaché de presse qui s’occupait du disque a aimé les comparaisons. Et puis, c’est super que vous ayez vu Joe Pass en concert, ça a dû être génial ! Quel musicien et guitariste formidable ! En fait, j’ai pris son nom pour cacher mon vrai nom japonais et éviter ainsi de me faire poser des questions sur l’influence que la culture japonaise a exercé sur ma musique. 

PAN M 360 : Comment avez-vous évolué en tant que mélomane ? Comment avez-vous acquis cette riche culture musicale ?

JO HIRABAYASHI : Chaque jour, j’écoutais un nouvel album. Aujourd’hui, j’ai du mal à me rendre au bout d’une chanson de 3 minutes, c’est trop. C’est juste que ça devient assommant, il y a tant de choses à apprendre, ça me fait réfléchir à tout le contexte de l’artiste, à ses intentions… et tout le bazar ! La culture de la musique me fait peur. J’espère me débarrasser de la culture et garder le reste. Je pense que cela m’empêche de simplement ressentir le pur plaisir sonore de la musique la plupart du temps. 

PAN M 360 :  En tant que musicien, quel a été votre parcours d’apprentissage ? 

JO HIRABAYASHI : J’ai commencé le tambour taiko à l’âge de 4 ans, puis je suis passé au piano à 5 ans et enfin à la guitare vers 16 ans. J’ai ensuite suivi une formation en jazz afin d’acquérir plus de compétences pour écrire des chansons et faire des disques. Je me suis ensuite laissé distraire en pensant que je pourrais peut-être décrocher un engagement dans le restaurant le plus couru en ville. J’ai fait quelques disques avec d’autres groupes, puis j’ai commencé Jo Passed 平林 comme ultime projet avant de tout laisser tomber. 

PAN M 360 : Vos choix harmoniques, vos patterns rythmiques et la qualité de vos exécutions mènent à croire que vous avez exploré beaucoup de musiques et de design sonores, qu’en est-il ?  

JO HIRABAYASHI : J’ai passé beaucoup de temps à écouter mon anxiété quand j’écris, ce qui explique pourquoi tout le monde semble si tendu et pourquoi aucun de mes projets n’est très populaire. L’écriture de chansons est libératrice pour moi et la plupart du temps, je suis à la fois très énergique et inquiet. Mes chansons préférées sont celles que j’ai écrites quand j’étais fatigué, mais elles sont peu nombreuses. 

PAN M 360 : Vous avez atteint un niveau excellent avec l’album Their Prime, paru en 2018, que s’est-il passé par la suite ?

JO HIRABAYASHI : Je suis déprimé depuis la sortie de ce disque. Je pense que c’était comme un saut dans le vide. Beaucoup d’événements sociaux étranges se sont produits à la sortie de cet album, pendant que j’essayais de finir un deuxième disque fondé sur une chanson que ma guitariste, qui a ensuite démissionné, aimait beaucoup et nous incitait à jouer. Cette chanson existait avant le projet initial, je la trouvais un peu simplette, mais ma guitariste était si gentille et si encourageante qu’elle a inspiré l’écriture d’un EP autour de cette chanson pour que ça marche. Cet EP a été conçu comme un prélude à l’album chez Sub Pop, mais finalement, on a pensé qu’il valait mieux se contenter de mener l’album à terme et laisser ces chansons pour une autre fois. Finalement, j’ai écrit une cinquième chanson pour l’EP, qui s’est retrouvé face A. La face B est sortie très très lentement. Tout le processus a été très lent. Il me reste encore une chanson à écrire et je me retrouve avec un tas de chansons qui traînent un drôle de bagage.

PAN M 360 : Mac Lawry, Bella Bébé, Megan Magdalena-Bourne étaient vos partenaires de Jo Passed, quelle a été leur évolution au sein groupe ?  

JO HIRABAYASHI : Bella et Megan ne font plus partie de ce groupe. Mac joue toujours avec moi, Téa Mei nous a joints à la basse et mon vieil ami d’enfance Elliot Langford joue désormais la guitare et l’ebow pour cette session de M pour Montréal, soit en première partie de Mac Demarco. Mac (pas Demarco, mon batteur) a évolué, il est passé d’un jeu de batterie très fort à un jeu de batterie très très fort et très précis, avec de très bonnes idées. Et c’est un très bon ami. Téa vient à peine de commencer à jouer dans des groupes et elle nous ramène à la réalité; elle se fout pas mal des ambitions carriériste des musiciens rock et pense que tout ça, c’est de la foutaise. Elle est vraiment radicale. C’est ma partenaire et je l’aime tellement ! Même si Elliot et moi sommes super bagarreurs, pour ne pas dire cinglés, je peux quand même lui demander de m’aider en jouant dans mon groupe et il le fait parce que c’est un gars gentil et attentionné. Il viendrait volontiers me chercher si à vélo je me faisais renverser par une voiture. Il n’est pas avec moi parce que mon groupe est cool, mais simplement pour me donner un coup de main.

PAN M 360 :  Comment voyez-vous les prochaines étapes de votre création ? Électronique ? Pédales d’effet ? Nouvelles dimensions ?  

JO HIRABAYASHI : J’essaie de me débarrasser des pédales d’effets. Je me suis procuré des synthés. Peut-être pourrais-je écrire plus simplement et me contenter d’enregistrer des albums pour les partager avec mes amis sans vraiment en faire la promotion ou quoi que ce soit. 

PAN M 360 : Qu’allez-vous jouer à M pour Montréal ?

JO HIRABAYASHI : Nous jouerons surtout de nouvelles chansons, en plus de la chanson MDM à cause de tous les M… et aussi parce que c’est mon tube. Mon seul et unique.

PAN M 360 : Vous avez vécu à Montréal il y a quelques années et vous êtes ensuite rentré en Colombie-Britannique, pourquoi ces migrations ?

JO HIRABAYASHI : J’aurais aimé ne pas partir de Montréal ou en être parti parce qu’il le fallait d’une certaine manière. Sub Pop a rendu ce départ moins difficile et je suppose que je pourrais toujours retourner vivre à Montréal. Mais je ne sais pas si cela se produira. C’est surtout pour des raisons personnelles et familiale que je suis rentré après avoir passé à peine six mois à Montréal, où ce projet a débuté. 

PAN M 360 : Vous auriez une relation amour/haine avec Vancouver, quelle est, au fait, votre « identité côte ouest » ?

JO HIRABAYASHI : Je suis un gars de la côte ouest, je ne peux pas le nier. Même quand j’étais à Montréal, les gens me voyaient comme un gars de la côte ouest. Honnêtement, c’est pendant le confinement que j’ai vraiment apprécié Vancouver pour la première fois. Cela m’a rendu reconnaissant de l’endroit où je vis, avec une telle richesse historique autochtone que je commence à explorer, tout autant que les magnifiques forêts et montagnes. 

PAN M 360 : Comment pourriez-vous identifier les sujets de vos textes ? 

JO HIRABAYASHI : Il s’agit probablement d’une question d’identité et d’une confrontation avec des notions humanistes générales dans un monde de plus en plus inhumain. 

PAN M 360 : Cherchez-vous à atteindre un équilibre entre texte et musique ?

JO HIRABAYASHI : Je pense que les paroles sont plus importantes, même si personne ne peut comprendre ce que je raconte sur ce disque. Mais les gens devraient l’acheter, ici.

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