renseignements supplémentaires
Saxophoniste et compositeur de formation, le Montréalais Jason Sharp a suivi la courbe des expressions contemporaines pour arriver à ce point focal : y convergent les rayons de la musique écrite de tradition classique occidentale, du jazz moderne et contemporain, de l’électronique planante. Ce bagage est réuni dans son projet solo récemment rendu public, soit son troisième album sous étiquette Constellation : The Turning Centre Of A Still World.
Spécialiste des saxophones basse et baryton, Jason Sharp nous convie à un nouvel épisode de sa vie créatrice, trajet échelonné en huit stations. Au confluent des genres ayant forgé son identité compositionnelle, Jason Sharp réunit les esthétiques d’aujourd’hui et propose ce projet inspiré.
Jason Sharp gagne à être connu des mélomanes, c’est précisément pourquoi PAN M 360 partage cette première conversation avec le musicien.
PAN M 360 : Nous vous avons entendu jouer dans différents contextes, non seulement de la musique « sérieuse », mais aussi de la pop créative comme celle d’Elisapie. Nous devons donc en savoir plus sur vous, au-delà de ce nouvel album. D’où venez-vous et qu’est-ce qui vous a conduit à Montréal?
Jason Sharp : Je suis né à Edmonton, mais je me suis déplacé par la suite. Après mes premières études musicales en Alberta, je suis allé à Toronto en « jazz performance », puis j’ai continué à Amsterdam en composition jazz. Je suis installé à Montréal depuis 13 ans.
PAN M 360 : Vous avez un background jazz, mais aussi un background électronique et de musique contemporaine de tradition classique. Vous êtes donc passé progressivement du classique au jazz, puis à l’électronique live, n’est-ce pas?
Jason Sharp : Tout à fait. Tout cela fait partie de mon parcours, c’est certain. J’ose espérer que mon dernier album explore toutes ces expériences. Dès le début, j’ai commencé à étudier le saxophone classique. Après l’école secondaire, j’ai commencé à improviser dans le contexte du jazz. Quelques années plus tard, je suis allé à l’université de Toronto en « jazz performance ». C’est au cours de ce cycle que j’ai commencé à composer, en puisant un peu plus dans ma formation en musique classique et contemporaine pour l’orchestration, puis en me concentrant davantage sur un style de composition où l’improvisation est également impliquée et aussi dans l’usage des instruments que je joue. Cela m’a conduit vers l’électronique à Amsterdam. Au terme de cette expérience scolaire, je me suis affairé à découvrir mon propre son. Ainsi, lorsque j’écris pour mes performances en solo, pour des ensembles ou des musiques de films, j’utilise tous ces éléments de mon parcours.
PAN M 360 : Comment le saxophone est-il intégré dans votre approche compositionnelle?
Jason Sharp : Je joue principalement les saxophones baryton et basse. J’ai commencé par le sax alto, puis j’ai joué dans un quatuor de saxophones et j’ai eu la chance de pouvoir jouer mon propre sax baryton à l’Université d’Alberta à Edmonton. J’ai trouvé une voix en jouant du baryton et je jouais aussi du ténor et du baryton à l’Université de Toronto. Et puis j’ai découvert le sax basse dont les caractéristiques se rapprochent du baryton.
PAN M 360 : Dans votre nouvelle musique, l’accent n’est pas mis sur les motifs mélodiques complexes, mais plutôt sur les textures et les harmonies filtrées électroniquement. Que justifie cette esthétique?
Jason Sharp : En quittant la lignée jazz, j’ai été moins intéressé par l’élaboration de lignes mélodiques sur des progressions harmoniques, et plus intéressé par les textures et les ambiances évocatrices créées à partir des instruments à vent dans des orchestrations plus diverses. Je pense que le saxophone baryton et le saxophone basse sont particulièrement adaptés à ce nouveau contexte, ils peuvent jouer un rôle de basse, tout en étant harmoniquement pertinents dans les harmoniques graves ou aiguës. Les textures et timbres sont riches, les saxos s’intègrent très bien dans ce langage.
PAN M 360 : Quel est votre matériel de création?
Jason Sharp : Les saxophones baryton et basse sont utilisés à 50/50. Il y a plusieurs microphones pour les saxophones, je joue aussi de la pédale de basse, du Moog Synthetizer pour la basse et la base harmonique. Pour la majeure partie de l’orchestration, j’ai construit un synthé modulaire autour de cette configuration, et ensuite un harp monitor qui fait le lien avec le synthétiseur, ainsi tous les éléments rythmiques sont synchronisés pendant que je joue. Ainsi, j’ai construit un synthé modulaire autour de ce concept. Ensuite, j’utilise un autre capteur pour ma respiration afin de contrôler le bruit blanc et les éléments plus texturaux du synthétiseur. Toutes les orchestrations sont gérées en temps réel pendant que je joue du saxophone ou du synthé modulaire.
PAN M 360 : Y a-t-il un risque d’être comparé à votre collègue Colin Stetson parce qu’il joue aussi du saxophone baryton et de la basse et exploite le filon électronique?
Jason Sharp : (rires) Au-delà des comparaisons avec Colin Stetson, c’est bien d’être initié à des sons plus diversifiés sur le saxophone en particulier. Si ma musique finit par être une passerelle pour découvrir des gens comme Evan Parker, John Butcher, Ned Rothenberg, Anthony Braxton et d’autres qui pourraient utiliser les saxophones au registre grave avec des techniques étendues, c’est génial. Il est toujours intéressant pour les gens de trouver des passerelles menant à la découverte de nouvelles musiques. Ce qui est unique dans mon nouveau disque, c’est que le saxophone est au premier plan. Il est considéré comme un instrument parmi d’autres au sein d’une orchestration et il ne l’est pas dans ce cas précis. Donc si je peux contribuer à découvrir d’autres saxophonistes avec des idées contemporaines, c’est également formidable et cela fait partie de l’évolution de l’instrument.
PAN M 360 : Êtes-vous également impliqué dans des projets qui pourraient impliquer une approche différente de celle qui mène vos projets solo?
Jason Sharp : Oui, pour un concert donné à Winnipeg en septembre, j’ai écrit de la musique pour 2 batteurs, une guitare pedal steel, 2 chanteurs et un saxophone. Ce projet se nomme FYEAR. L’écriture est plus harmonique et mélodique, l’orchestration qui n’est pas tellement électronique et un peu plus ancrée dans l’idiome du jazz.
PAN M 360 : Allez-vous bientôt jouer votre nouvel album solo?
Jason Sharp : Oui! Il y a aussi des films pour chaque morceau réalisés par Guillaume Vallée. L’album entier sous une forme visuelle est également publié par Constellation. Il y aura un court métrage accompagnant chaque morceau. La prochaine étape sera donc le live au Centre Phi, je serai en solo tandis que le cinéaste projettera les images. Je fournirai les mêmes déclencheurs au cinéaste. Il s’agira d’une performance audiovisuelle en direct du film, qui amènera le public au cœur du projet. Vous pourrez alors assister à la physicalité de la performance et à cette capacité d’improvisation avec moi-même.
Au Centre Phi, le 20 novembre prochain, Jason Sharp se produira en solo avec le concert de Guillaume Vallée.