JACO compte bien réussir son Plan F

Entrevue réalisée par Alain Brunet
Genres et styles : dance-pop / house / pop / synth-pop

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JACO arrive peut-être tard dans le décor mais ce Plan F, un titre sciemment autodérisoire pour ses 38 ans, pourrait être l’amorce d’un grand feu d’artifice. Chose certaine, ce flamboyant late bloomer est habité par une volonté ferme de réussir son Plan F. Il maîtrise à l’évidence les codes de la synth-pop et sait écrire de la rime solide, et il le fait dans un québécois de bon aloi que tout francophone sur Terre est capable de kiffer.

Son profil biographique nous indique qu’il a enregistré l’EP Vies et presque mort d’un chérubin en collaboration avec sept musiciens classiques, pour ensuite négocier un virage pop aux accents housy et dance par moments, avec un premier EP homonyme (Jacques Rousseau, en 2014), puis s’inscrit à l’École nationale de la chanson de Granby. 

Artiste queer parfaitement assumé, JACO s’annonce comme une créature magnétique, aussi sensuelle que futée, soucieuse de la forme et du fond. Avant de traverser l’Atlantique puisqu’il travaille fort à s’implanter dans le marché français, JACO nous accorde cette généreuse interview menée par Alain Brunet pour PAN M 360.

PAN M 360 : Salut JACO, faisons connaissance! Pourquoi, d’abord, as-tu choisi le pseudo ?

JACO: En fait, JACO c’est un peu un pied de nez au passé pour deux raisons. Mon nom légal est Jacques. Jeune, ma marraine avait utilisé de manière affectueuse le surnom Jaco devant mon père qui était plutôt rigide et l’avait reprise de façon plutôt sévère : son nom c’est Jacques, pas Jaco. Elle avait donc cessé de m’appeler comme ça. Ensuite, à l’école secondaire, j’avais vécu de l’intimidation auprès d’un groupe de jeunes qui s’amusait à chantonner Jaco… Jaco… Perso, j’aime bien ce diminutif.  Pour moi, ça évoque quelque chose de plutôt candide et joyeux. À l’âge adulte je me le suis donc réapproprié et c’est devenu mon surnom le plus commun auprès de toustes.    

PAN M 360: Comment es-tu venu à la pop? Autodidacte? Éduqué en musique?  

JACO: Jeune, j’affectionnais particulièrement ce style.  J’écoutais religieusement le 6à6 à CKOI 96,9, ma première peine de cœur était auprès de Nick Carter des Backstreet Boys. On a aussi retrouvé une lettre que j’avais écrite à la «fée du destin» où je lui disais que plus tard je serais un chanteur dance très populaire.  

J’ai par contre eu l’élan d’apprivoiser plusieurs autres styles musicaux, avec comme favoris la chanson française, l’opéra, la musique classique plutôt cinématographique (Danny Elfman, Philip Glass)…

J’ai effectué mes études post secondaires en théâtre, mais j’ai rapidement commencé à chanter.  J’ai eu un court parcours comme interprète après mes études, mais rapidement j’ai eu besoin d’écrire mes propres textes.  J’ai collaboré avec plusieurs musiciens formés pour mettre au monde en collaboration mes premières inspirations de chansons, pendant que moi j’étais autodidacte.  

Puis, un jour j’ai saisi que si je voulais vraiment comprendre mes élans créatifs, savoir les communiquer et devenir maître à bord de ma création, je devais faire mes devoirs.  C’est ainsi que je suis retourné sur les bancs d’école à l’École nationale de la chanson et juste après, j’ai fait naître mon projet JACO. 

PAN M 360: La chanson Moi te définit-elle ou encore s’agit-il d’un personnage virtuel qui se raconte? Le narrateur de la chanson a 33 ans. Et toi?

JACO: Cette chanson, je l’ai écrite à mon pupitre de l’ENC.  Elle correspond à un témoignage sincère de l’époque.  En cours d’écriture, on nous avait suggéré qu’afin de créer une chanson qui a un certain impact, du sens, il est parfois bon d’oser dévoiler quelque chose d’intime à propos de soi, quelque chose que l’on aimerait, même, garder pour soi. J’ai donc donné la parole à cette part de moi qui, à 33 ans à l’époque, avait besoin de faire sortir cette confession. Me rappeler d’être moi, d’être fidèle à qui je suis, d’être seulement moi (dans le sens que je me suffis à moi-même quand je suis dans mon cœur plutôt que dans mon égo) c’est quelque chose qui est toujours d’actualité et qui me permet de garder le cap qui m’est cher.  

PAN M 360 : Pourquoi le titre Plan F a-t-il été retenu pour cet album?

JACO: Encore une fois, le titre est tiré de la chanson MOI.  Le plan A est devenu plan B, puis de B c’est passé à C, D, E…F*CK, je vais me rendre jusqu’où dans l’alphabet? 

Ce n’était donc pas mon plan de sortir mon 1er album à 38 ans, mais ce PLAN F parle d’un parcours de maturation, de résilience, de persévérance. Aujourd’hui, je suis vraiment reconnaissant de ne pas avoir connu le succès tant espéré auparavant.  Je suis content d’avoir mûri, d’avoir guéri des trucs.  Maintenant, j’axe davantage ma création au service de quelque chose de plus grand que ma petite personne et je suis tellement mieux avec moi.  

PAN M 360 : Comment as-tu gagné ta vie jusqu’à maintenant?

JACO: J’ai été serveur dans les restos pendant plus de 10 ans (le seul boulot que j’arrivais à garder, car c’est en lien avec les gens… et ce n’est pas trop routinier dû à cette multitude de rencontres.)  J’ai été prof de méditation.  Depuis 2 ans maintenant, mon unique métier est la chanson et j’y suis pleinement investi.  

PAN M 360 : Quels sont tes objectifs de carrière? Marché keb franco ou toute la francophonie?

JACO: Mon objectif principal est de partager mon art sur les grandes scènes de la francophonie, avec des scénographies permettant aux gens de rêver grand, de se sentir grands. 

PAN M 360 : Quels ont été tes modèles en tant que parolier? Quelle langue vises-tu? Joual international? Mélange de français normatif et de langue locale? On ressent les influences (et citations) d’Europe mais aussi du QC. Comment dessines-tu ta propre identité culturelle?

JACO: Dans mon parcours, Plamondon m’a marqué bien sûr, avec Starmania, puis son travail avec Dufresne. Orelsan m’a beaucoup parlé aussi, dans sa capacité de parler de lui de manière désarmante de sincérité, souvent avec une bonne dose d’autodérision.  Il ose dire des choses que l’on garde habituellement pour soi justement, exposer ses travers.  Son langage est familier, mais tourné de manière vraiment fine je trouve.  

J’ai à cœur de m’assurer de bien me faire comprendre par l’auditoire qui m’écoute.  Dans les derniers temps, ma vie oscillait entre la France et le QC donc on y retrouve les 2.  Je planifie de passer la majeure partie de ma vie en France dans les prochaines années, donc naturellement je vais sûrement utiliser un langage qui m’assure d’être compris de toustes là-bas, tout en restant le plus naturel avec qui je suis dans l’instant.  

Mon identité n’est pas profondément patriotique ou géopolitique, elle s’appuie davantage sur des valeurs universelles.  

PAN M 360 : En tant que musicien, qui t’a vraiment marqué ? Quelles sont tes influences les plus récentes?

JACO: Tellement d’inspirations variées : Mitsou, Diane Dufresne, Vigneault, Pauline Julien, Claude Léveillé, Supertramp, Juliette Gréco, The Doors, Pink Floyd, La Callas, Jane Birkin, Thomas Fersen, Joe Dassin, Dalida, Abba, Mylène Farmer, les chorales de chants religieux…

J’ai beaucoup de difficulté à répondre à la question de qui je m’inspire récemment parce que je suis surtout dans une démarche où je fais de mon mieux pour être à l’écoute de ce qui veut vivre de l’intérieur vers l’extérieur, riche de tout ce qui a constitué mon bagage musical. Je m’amuse à combiner mon amour de la pop accrocheuse avec mes influences moins conventionnelles….

Je ne suis pas celui qui arrive en studio avec des refs d’artistes du moment en disant que j’aimerais que mon projet partage certaines sonorités.  

PAN M 360 : En tant que producteur/réalisateur?

JACO: Max Martin est à la barre de tellement de hits que je considère comme des joyaux de composition malgré le fait qu’ils soient on ne peut plus mainstream, haha.   

PAN M 360 : Que cherches-tu dans une chanson pop? Équilibre entre la musique et les mots? Prééminence de la musique?

JACO: Des verres d’oreille grâce à de riches mélodies, qui progresse, de l’émotion, une rythmique accrocheuse aussi . De la forme et du fond.  De l’impact.  Je pense que la pop est un véhicule formidable pour rassembler et pour passer des messages.  

PAN M 360 : Raconte-nous une séance de travail en studio ayant marqué cet album.

JACO: Plutôt qu’une séance studio en particulier, j’ai l’élan de partager que c’est un album qui s’est fait dans la joie et dans une complicité vraiment heureuse avec le réalisateur Arthur Bourdon-Durocher.  Nous avons créé tous les arrangements ensemble et je n’aurais pas pu demander mieux comme alliance.  On a ri énormément, il y eu un beau flow dans la création, beaucoup de jeu.  Je suis vraiment heureux d’en être rendu dans une collaboration musicale où je me sens compris, capable d’exprimer ce que je désire tout en étant capable de laisser de l’espace de création à l’autre, être ouvert tout en étant connecté à ce qui m’apparaît juste.  Le but de tout ça au final, quand j’écoute mes chansons, c’est que mon kid intérieur jubile, haha.  

PAN M 360 : Présente-nous ton équipe et tes principaux acolytes en studio.

JACO: Alors, ça a été Arthur tel que mentionné plus haut.  Ensuite, il y a eu Pascal Shefteshy (qui a justement était assistant de NK.F sur les albums d’Orelsan, Angèle, Zaho de Sagazan, etc.)  Avec lui aussi, super belle connexion humaine, et beaucoup de rire dans un travail méticuleux.    

PAN M 360 : On dit que tes shows très dynamiques pourraient même l’emporter sur tes enregistrements. Qu’en penses-tu? 

JACO: C’est un sacré défi de réussir à infuser autant d’énergie sur enregistrement que sur scène, lorsque la scène est notre lieu d’expression le plus exalté.  Quand je fais mes voix à la maison (j’enregistre plus souvent qu’autrement mes voix en solo dans mon studio maison), je gesticule beaucoup, je mets le son fort dans mes oreilles et je m’imagine que je chante ma chanson à qqun.ne pour recréer ce sentiment de don de soi, d’expression large.  D’ailleurs pour la suite des choses pour moi, je veux trouver la manière d’être encore plus brut dans mes enregistrements, pas trop lisse.  

PAN M 360 : Qui t’accompagne sur scène?

JACO: Pour mes dernières dates (tournée en France, concert à Paris et lancement à Montréal, j’étais solo. Quand on est seul et qu’il y un aspect performatif dans notre répertoire (danse, une certaine théâtralité) il y a une obligation de constamment être connecté avec le public, dans un dialogue constant, et j’aime cette contrainte. Je trouve qu’elle ramène à l’essentiel de ce qui est important sur scène pour moi, donner au public. 

PAN M 360: On m’explique que tu pars en Europe. Mais encore? Tournée? Démarchage professionnel?

JACO: En fait, j’ai passé 8 mois en France dans la dernière année et demie et là, j’ai obtenu mon passeport talent qui me permet de rester sur de longues périodes. À mon dernier passage, j’ai fait un concert solo aux Étoiles à Paris qui a été produit par la boîte TS3 (Thierry Suc, manager de Mylène Farmer et producteur de spectacle associés à plusieurs artistes formidables).  Après m’avoir vu sur scène, ils ont confirmé leur volonté de m’aider à me rendre là où je souhaite me rendre (les fameuses grandes scènes). J’entre particulièrement en résonance avec la scène musicale européenne francophone. Des projets électro pop comme le mien là-bas sont très bienvenus et tous les artistes plus actuels dont j’admire le travail se retrouvent là-bas.  

PAN M 360 : Que souhaites-tu apporter au paysage sonore keb avec cet album?

JACO: Une bonne dose d’énergie positive, un encouragement à s’assumer pleinement, et si je peux en inspirer certains.nes à ne pas lâcher et à poursuivre leurs rêves, j’en suis ravi.  

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