renseignements supplémentaires
Clarinettiste, compositeur, improvisateur, François Houle est un musicien de renom auprès des publics enclins aux approches exploratoires du jazz contemporain et autres zones musicales impliquant l’improvisation libre.
Établi sur l’île de Vancouver, le musicien d’origine montréalaise est l’un des rares s’étant donné les conditions probantes pour faire de sa vie un jardin de création sonore.
Venu plusieurs fois au Festival international de musique actuelle de Victoriaville, il s’amène de nouveau à ce happening pour une dernière année sous la direction artistique de Michel Levasseur. Ce dimanche au Carré 150 de Victoriaville, il se produira en trio avec la batteure américaine Kate Gentile et le pianiste britannique Alexander Hawkins.
PAN M 360: Dans quel contexte étiez-vous parti de Montréal.
FRANÇOIS HOULE : J’ai été à Montréal jusqu’en 1984, soit au début de l’année où je suis parti pour mes études. Quand je suis parti de Montréal, la musique actuelle s’implantait, des musiciens comme Jean Derome et René Lussier étaient déjà très connus. Personnellement, je me suis rapproché de la musique actuelle à travers Steve Lacy (lorsque j’étais à Paris), Jimmy Giuffre, le 3rd stream, etc. Ce qui est sûr c’est qu’un projet comme celui ici présenté s’inscrit dans cette lignée qui a toujours été celle du FIMAV.
PAN M 360 : Pourquoi s’être expatrié de Montréal pour finalement s’établir en Colombie Britannique?
FRANÇOIS HOULE: Je n’y suis jamais revenu pour y vivre. J’en avais marre de pelleter! (rires) J’ai d’abord étudié au Banff Center, puis à l’université Yale au Connecticut. Je suis allé ensuite étudier au Conservatoire de Paris et à La Sorbonne. Après un autre stage au Banff Center, j’ai décidé d’explorer un petit peu la culture dans l’Ouest canadien. Je n’avais pas vraiment envie de rentrer au Québec et ça a bien marché pour moi à Vancouver, notamment au festival dirigé par le regretté Ken Pickering.
PAN M 360: Ken Pickering, à qui vous avez récemment consacré un « album requiem », fut alors un des meilleurs directeurs artistiques pour le jazz actuel au Canada. Sinon le meilleur.
FRANÇOIS HOULE: Oui, et c’était un terrain très fertile où ma carrière a démarré. Mais je suis revenu régulièrement au Québec. Hormis le FIMAV, j’ai joué quelques fois aux Suoni per il Popolo à Montréal, aussi dans les Maisons de la culture. J’ai collaboré avec l’Ensemble contemporain de Montréal avec Véronique Lacroix ou encore avec le Quatuor Bozzini.Je vais d’ailleurs me retrouver cet automne dans un projet avec Éric Normand, qui est basé à Rimouski. J’ai donc conservé des liens solides avec le Québec, les collaborations sont toujours fertiles de ce côté-là. Ce qui est touchant cette année au FIMAV, c’est que Michel a annoncé sa retraite. Il y aura sûrement de l’émotion lorsque les musiciens se retrouveront avec cette équipe avant qu’elle ne parte et soit changée. En tout cas, ce festival s’est vraiment bien défini au fil des années, c’est toujours un grand plaisir de s’y retrouver.
PAN M 360 : Parlons de votre trio venu à Victo
FRANÇOIS HOULE : Ça fait quelques années que je collabore avec Alexander Hawkins. J’ai joué avec lui en Europe, au Canada, je l’ai rencontré pour la première fois, c’était vers 2015, au Festival de jazz de Vancouver. On avait alors fait un trio avec un batteur de Brooklyn, Harris Eisenstadt. Plus récemment, j’ai monté un projet qui était une commande de la salle Pierre Boulez à Berlin, intitulé The Secret Lives of Color. Pour ce, j’avais invité la pianiste Myra Melford, la contrebassiste Joëlle Leandre, le batteur Hamid Drake, une belle équipe. Puis on a remonté ça à Vancouver, mais Myra et Drake n’étant pas disponibles, j’ai alors invité Alex Hawkins, qui roule très fort partout dans le monde, son évolution est fulgurante. J’ai aussi recruté la batteure Kate Gentile, qui se trouve aussi être la conjointe du pianiste Matt Mitchell. Elle n’est peut-être pas encore très connue, mais j’affirme qu’elle est une musicienne vraiment extraordinaire.
PAN M 360 : Et vous vous retrouvez donc tous les 3 au FIMAV.
FRANÇOIS HOULE : Oui. Quand Michel (Levasseur) m’a approché, on a parlé de ce projet avec Alex Hawkins, puis je lui ai dit que ce serait super de faire ça en trio avec Kate. Michel a bien aimé l’idée, car Alex et Kate étaient depuis un moment sous le radar du FIMAV.
PAN M 360 : Grosso modo, comment décrire la personnalité de vos collègues de ce trio ?
FRANÇOIS HOULE : Les deux sont des compositeurs hors-pair, mais ils sont aussi des improvisateurs. Le programme qu’on va faire sera vraiment improvisé parce qu’on n’a pas vraiment le temps, étant tous sur la route à des endroits différents, pour vraiment monter un programme spécifique. Ça va être vraiment improvisé, mais comme on a fait avant, ce que je me suis rendu compte très rapidement, c’est qu’il y avait de belles connexions entre les trois qui fait que notre travail est quasiment plus compositionnel qu’improvisé.
PAN M 360 : Oui, on sait fort bien que l’ improvisation pure, ça n’existe pas. L’improvisation exprime des connaissances du musicien et ses propres contributions résultent d’une approche compositionnelle.
FRANÇOIS HOULE : Exactement. Mais ce qui est remarquable dans notre rapport, c’est que justement, Kate est compositrice en plus d’être percussionniste. Alex, lui, a une mémoire encyclopédique de toute l’histoire du piano, et pas juste le jazz; ça va de la musique contemporaine au classique, il est un grand fan de musique en général. Quand on travaille ensemble, on peut aller dans toutes sortes de zones stylistiques bien différentes, tout en gardant cette spontanéité du langage et du contexte. Notre travail se veut très dynamique, très fort en énergie aussi.
Quand on travaille avec Kate en tout cas, j’ai remarqué que le jeu d’Alex s’avérait un peu post Cecil Taylor. De mon côté, depuis quelque temps, je travaille surtout avec une clarinette de basset, qui est une clarinette en si bémol, mais un petit peu plus longue, ce qui me permet de jouer dans les notes graves. C’est un bel instrument qui remonte au temps de Mozart. Mon collègue André Moisan (de l’OSM, notamment), en joue souvent.
PAN M 360 : Pour conclure sur la notion d’improvisation, on voit de plus en plus d’interprètes de musique classique se mettre à improviser, les référents des instrumentistes de haut niveau sont beaucoup plus vastes qu’ils ne l’étaient.
FRANÇOIS HOULE : Effectivement. Je pense que ça a beaucoup à voir aussi avec la façon que la musique est médiatisée. Les plus jeunes musiciens ont eu accès à pas mal tout ce qu’ils peuvent découvrir, alors qu’autrefois on était limités à notre collection d’albums et celles de nos copains. Ça peut passer du baroque à Frank Zappa. De la bonne musique, point.