Varger sur les idées reçues au festival Undrum… en webdiffusion aux Suoni

Entrevue réalisée par Frédéric Cardin

Le festival Suoni per il popolo de Montréal propose cette année son propre mini-festival appelé Undrum. Il s’agit de tout et de tous ceux et celles qui réinventent la façon de jouer de la batterie. De grands noms donnent ses lettres de noblesse à ce nouveau venu sur la scène des événements festifs montréalais : Susie Ibarra, Glenn Kotche, Michel Langevin (Voivod) et bien d’autres. Présentement en cours à Suoni : le prochain concert a lieu ce dimanche !

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PAN M 360 a rencontré Ben Reimer, batteur et initiateur de ce nouveau festival Undrum, présenté dans le contexte des Suoni Per Il Popolo, et dont voici en prime la performance en webdiffusion, relayée avec l’aimable autorisation du festival.

Pan M 360 : Bonjour Ben ! Comment as-tu eu cette idée de créer le festival Undrum ?

Ben Reimer : Eh bien, cela a pris des années à se réaliser, du moins dans mon esprit ! Je suis batteur et membre du groupe de percussion Architek. Je suis bien conscient des possibilités de la batterie dans la musique contemporaine et d’avant-garde, en plus de celles du jazz, de l’improvisation, du métal, de la pop, du rock, etc. Je suis un fan de tous les types de musique. J’ai donc voulu réunir toutes ces personnes, musicien.ne.s et penseurs de la nouvelle musique, qui utilisent la batterie de manière innovante et contribuent à « défaire » les manières habituelles de jouer de cet instrument et à secouer l’idée conventionnelle que le public a sur le jeu de la batterie.

Ainsi, avec l’aide de mes amis d’Architek et de Peter (Burton) de Suoni per il popolo, tout a été mis en place cette année pour inaugurer cette série au sein du festival et nous l’avons appelée Undrum, pour des raisons évidentes ! Je suis conscient qu’il existe déjà de nombreux festivals de batterie (ici même à Montréal, il y en a un très bon !), et ils sont formidables, mais je voulais mettre en valeur des styles et des idées musicales qui sont moins bien représentées dans ces événements, des voix individuelles qui s’expriment de manière non conventionnelle par le biais de la batterie. C’est l’objectif. 

Pan M 360 : Peut-on t’appeler le Tim Brady de la batterie ?

Ben Reimer : LOL ! Je n’ai pas encore fait de musique pour 100 batteries, donc je ne sais pas… Mais, juste pour le principe, ce serait un honneur ! Et ce ne serait pas si loin de la vérité. J’ai les mains dans la musique d’avant-garde et dans la musique ‘’populaire’’, que ce soit le métal et le rock, mais aussi l’opéra contemporain et les concertos pour batterie, ce que j’ai fait ! La différence est que je ne compose pas. Je joue la musique des autres, et j’aime ça. J’aime la relation que je développe avec les compositeurs (comme Nicole Lizée par exemple). C’est mon truc.

Pan M 360 : Peux-tu nous dire quelques mots sur le prochain concert de la série ?

Ben Reimer : Bien sûr ! Ce dimanche, c’est le deuxième, et il commence avec Greg Harrison de Toronto. Un grand artiste, également associé à Jeremy Dutcher. Il joue des superbe grooves où il se double d’un joueur de synthé tout en jouant de la batterie ! Des atmosphères très ambiantes, accessibles, mêlant une batterie délicate à des lignes de basse envoûtantes. C’est quelque chose à découvrir.

Ensuite, il y a Mili Hong, de Montréal, qui est bien solidement ancrée dans le jazz standard, mais qui éblouit ici avec une incroyable séance d’impro libre, avec une batterie purement acoustique. Elle sait comment inventer de magnifiques textures avec son instrument.

Ian Chang, de Sun Lux, sera également présent. Il est comme un DJ-orchestre à lui tout seul ! Il joue de la batterie et déclenche toutes sortes d’effets sonores avec des appareils électroniques simultanés. C’est stupéfiant d’entendre ce que peut produire une seule personne sur une scène !

Jason Tait animera un deuxième set. Il vient de The Weakerthans, de Winnipeg.

Pan M 360 : Et plus tard dans la série, des noms légendaires seront de la programmation : Susie Ibarra, de Tzadik/John Zorn, et aussi Glenn Kotche de Wilco ! A-t-il été difficile de les faire participer à la série ?

Ben Reimer : Non, pas du tout ! Glenn m’a été présenté par David Cossin, avec qui j’ai collaboré dans Bang on a Can à New York, sur certaines œuvres de Lukas Ligeti (batteur et fils du célèbre compositeur Györgi Ligeti !). Glenn a donné quelques conférences à mes étudiants à McGill. Comme moi, il fait partie des mondes  » populaire  » et  » classique « . 

Je n’ai jamais rencontré Susie, mais je connais son travail, bien sûr, et elle a une idée du mien, donc il y a beaucoup de respect. Elle est aussi une merveilleuse conférencière, chercheuse et spécialiste de son instrument. J’ai hâte de les entendre elle et Glen et de voir la réaction du public à leurs performances.

Ce sont des artistes très généreux. Donc, non, il n’a pas été difficile du tout de les faire venir.

Pan M 360 : Quel est l’état de la batterie en tant qu’instrument populaire, étant donné que de nos jours, les ondes populaires et influentes de la radio, de la télévision et du numérique ont été prises d’assaut par le rap et le hip hop, où la batterie n’est pas un élément habituel ?

Ben Reimer : Oh, c’est une question gigantesque ! Cela dépend si tu es un érudit, un professeur ou un instrumentiste. Mais je dirais qu’il est certain que le paysage est différent de celui d’il y a 20 ou 50 ans. Je rencontre des étudiants qui ont une étonnante méconnaissance des figures historiques de l’instrument, et de la musique rock ! Ceci étant dit, ils sont curieux, et une fois dans le jeu, ils m’arrivent avec des questions sur Keith Moon et ainsi de suite, alors nous parlons et discutons et ils en redemandent. Et, autant l’internet peut être une plaie, autant il peut être un moyen d’écouter et de découvrir des tas et des tas de choses auxquelles nous n’avions pas accès il y a des décennies. Il faut donc tempérer un peu l’idée du manque de connaissances.

Ceci étant dit, il y a une nouvelle génération de batteurs qui arrive avec des références académiques et savantes. Ils sont issus de programmes universitaires, comme McGill pour le jazz, et ils sont très bien formés et avides d’originalité. J’aimerais voir plus de programmes classiques donner aussi de la place à la connaissance de la batterie, et aux possibilités de cet instrument dans un contexte avant-gardiste. Mais les choses évoluent. J’ai donné des conférences sur l’histoire de la batterie à des étudiants en percussion classique.. 

Pan M 360 : Dirais-tu que les frontières entre la musique « pop » et la musique « classique » s’estompent ?

Ben Reimer : Je pense que nous y arrivons ! Tu sais, avec le travail de pionnier effectué ces quelque 25 dernières années par des ensembles comme Bang on a Can, Alarm Will Sound, ou ici même par Architek, les mentalités vont dans la bonne direction, je dirais. Mais il y a encore une certaine séparation. 

Pan M 360 : Quels sont les artistes qui t’éblouissent en ce moment ?

Ben Reimer : Oh, beaucoup, beaucoup ! Tous ceux d’Undrum, bien sûr, mais aussi certains batteurs de métal récents. Il y a des musiciens incroyables. Je m’inspire d’eux, je m’entraîne et Nicole Lizée est même en train de m’écrire de la musique basée sur ça

Pan M 360 : Qu’est-ce que la batterie apporte à la création musicale que les autres instruments de percussion n’apportent pas ?

Ben Reimer : Techniquement, il y a la possibilité d’avoir quatre choses qui se produisent en même temps, ce qui crée une matrice sonore multi-dimensionnelle qui est au cœur de ce qui fait la performance d’une batterie. Et aussi, ce que j’adore, c’est le fait qu’on a tous ces grands solistes qui créent leur propre univers sonore, mais qui sont tous liés à l’histoire et à la connaissance de cet instrument maintenant centenaire. Tout est lié à la politique et au tissu social des 100 dernières années ! C’est fascinant. Et le meilleur, à mon avis : on peut créer de superbes grooves avec la batterie ! C’est la beauté de cet instrument : en jouer donne envie aux gens de se lever et de danser !

Pan M 360 : Merci Ben, et bon succès pour la série !

Ben Reimer : Merci à toi pour l’entrevue!

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