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Expressivité, vitalité, intégrité, précision, voilà autant de qualificatifs accordés à L’Ensemble Masques, reconnu à travers le monde du baroque et de la musique ancienne, particulièrement en Europe. Fondé au tournant du siècle, Masques a fait du chemin depuis. Beaucoup de chemin. Parmi ces chemins, ceux qui mènent à JS Bach ratissent une part congrue de la Renaissance, et voilà l’objet du programme dont il est ici question. Dans le cas qui nous occupe, tous les chemins mènent au grand génie du baroque.
Rappelons que l’ensemble doit son nom à une forme de divertissement de la haute société de la Renaissance devenue populaire à la cour du roi Henri VIII, le père de la reine Elizabeth, qui s’est poursuivie à l’époque élisabéthaine. Au 16e siècle, un Masque était un divertissement somptueux et dramatique, impliquant poésie, théâtre, danse et musique, souvent déclamé en vers par des acteurs masqués et déguisés en figures mythologiques ou allégoriques.
Dans le cas qui nous occupe, il est exclusivement question de musique: L’Ensemble Masques est constitué d’une cohorte d’interprètes de haut niveau, dont les six membres mènent des carrières de solistes et/ou interprètes au sein d’ensembles internationaux de musique ancienne. La formation est dirigée par le claveciniste montréalais Olivier Fortin doit son nom aux « masques » très prisés à l’époque de l’Angleterre élisabéthaine (16e siècle), spectacles multidisciplinaires impliquant poésie, musique, danse et théâtre.
L’ensemble Masques est « transnational » en ce sens qu’il est constitué de la violoniste australienne Sophie Gent, de l’altiste torontoise Kathleen Kajioka, de la violiste et violoncelliste montréalaise Mélisande Corriveau, du violoniste finlandais Tuomo Suni, du contrebassiste et joueur de violone bruxellois Benoît Vanden Bemden et de son directeur musical québécois Olivier Fortin.
Plus qu’ en Amérique du Nord, l’Ensemble Masques est réputé sur le circuit européen et gagne encore à être connu de ce côté de l’Atlantique. Voilà une occasion d’en reconnaître la grande qualité : ce jeudi, la formation se produit au Festival Bach au retour d’une tournée en Islande où PAN M 360 a joint Olivier Fortin afin nous entretenir du programme montréalais présenté ce jeudi 24 novembre à Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours dans le Vieux-Montréal.
PAN M 360 : La musique du 17e siècle est dominante dans ce programme.
OLIVIER FORTIN : En fait, la première partie du concert couvre des œuvres écrites du milieu à la fin du 17e alors que la 2e partie est consacrée à Bach. L’idée est de retracer les compositeurs ayant influencé l’œuvre de Bach dans la façon dont ils composaient et utilisaient le langage harmonique. De plus ou moins loin de Bach, il y avait à l’époque des courants musicaux dont celui de France, notamment la musique de Lully qui a pris une grande place sur le territoire européen et que chacun reprendra à sa sauce. Alors nous ouvrons et nous fermons avec une suite à la française d’un compositeur allemand et on termine avec Bach qui allait toujours plus loin que tout le monde, de manière tellement personnelle et tellement géniale. Nous proposons un parcours vers Bach, en quelque sorte.
PAN M 360 : De Georg Muffat (1653-1704), donc, vous ouvrez avec Fasciculus I de Florilegium primum.
OLIVIER FORTIN : Il s’était beaucoup inspiré du style français. Il était un adepte des musiques en cours en Europe mais il n’avait pas le génie de Bach. On ouvre le concert avec une suite d’orchestre, une ouverture et des danses et on finit par une autre suite de Bach et donc on met tout le reste du programme entre parenthèses. La première partie du programme est constituée de musique plus ancienne que Bach alors que la deuxième partie commence avec son fils Wilhelm Friedemann. Et on veut quand même montrer qu’il jouait encore un peu dans le style de son père mais de façon très différente dans le langage.
PAN M 360 : Si on va à l’intérieur du programme, on se retrouve avec Giovanni Legrenzi (1626-1690), soit Sonata sesta – La Cetra (Venetia, 1673).
OLIVIER FORTIN : JS Bach n’a rencontré ni Muffat ni Legrenzi, ni aucun autre compositeur au programme sauf son fils, mais leur musique parvenaient à Bach, puisqu’il a déjà écrit des fugues sur des thèmes de Legrenzi. Ce langage italien puissant, riche et expressif influença Bach dans sa jeunesse.
PAN M 360 : On enchaîne avec Johann Heinrich Schmelzer (1620/23 – 1680).
OLIVIER FORTIN: Oui. Un lamento, très beau, hyper prenant, sur la mort de Ferdinand III qui fut un grand amateur de musique et mécène. Aussi un grand mécène, humainement proche des artistes. Nous avons joué toute cette musique, nous sommes très à l’aise pour la jouer, c’est un peu comme si on respirait. Ça fait partie de notre identité. Les gens pensent souvent que c’est trop vieux. Alors que c’est extrêmement expressif. Schmelzer était un grand violoniste. Écrivait des hybrides que Bach a repris et fait sa synthèse
PAN M 360 : Que dire des sonatas de Johann Rosenmüller (1617-1684)?
OLIVIER FORTIN : Claviériste et violoniste, Rosenmüller a composé en Allemagne. Il avait dû quitter son pays car il s’en était échappé en cachette pour des raisons de mœurs, sorte de me too avec on ne sait qui Il s’est retrouvé à Venise à l’époque de Legrenzi. Il écrivait dans un style dont Bach a repris certaines formes.
PAN M 360 : Et la Sonata XI Opus 1 (1695) de Romanus Weichlein (1652-1706) ?
OLIVIER FORTIN : Weichlein est un moine bénédictin qui fut un élève du compositeur suivant au programme, Biber. C’est de la la musique pour violon qui fait de la musique de Biber, très improvisée, de grandes passacailles, de la musique qui fait bien sonner les cordes. Weichlein a fait sa vie de moine en Autriche. Il fait partie de cette école des compositeurs pour violons virtuoses. Cette musique nous a fait gagner plusieurs prix en Europe.
PAN M 360 : Et on passe ensuite au maître avec la Sonata III, Fidicinium Sacro-Profanum (Nuremberg, 1683) de Heinrich Ignaz Biber (1644-1704).
OLIVIER FORTIN : Voilà. On a vu ce que fait l’élève, on voit maintenant ce que fait le maître. C’est très difficile, plus dur que Weichlein qui est difficile pour le violon alors que Biber l’est pour toutes les voix de l’ensemble. Très virtuose.
PAN M 360 : On passe ainsi à la famille Bach.
OLIVIER FORTIN : Au départ, on aurait voulu ne jouer que des suites d’orchestre de JSB mais ça faisait trop de monde pour voyager alors nous faisons souvent cette suite de son fils, on voit comment le style français est traité chez Wilhelm Friedmann dans un autre monde harmonique que celui de son père, préclassique. Le dernier mouvement est une fugue mais différente de celles de son père, qui ne prend pas le même chemin. On sent que c’est la fin de quelque chose et on termine avec cette suite à la française hyper connue du maître Bach.
PROGRAMME
Georg Muffat (1653-1704)
Florilegium primum – Fasciculus I
Giovanni Legrenzi (1626-1690)
La Cetra – Venetia, 1673
Sonata sesta
Johann Heinrich Schmelzer (1620/23) Lamento sopra la morte Ferdinandi III
Johann Rosenmüller (1617-1684)
Sonate a 2, 3, 4 è 5 stromenti, da arco & altri – Nuremberg, 1682
Sonata nona à 5
Romanus Weichlein (1652-1706)
Opus 1 – 1695
Sonata XI
Heinrich Ignaz Biber (1644-1704)
Fidicinium Sacro-Profanum – Nuremberg, 1683
Sonata III
Wilhem Friedemann Bach (1710 – 1784)
Ouverture – Suite pour orchestre, en sol mineur (formellement attribuée à J.S. Bach, BWV 1070)
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Ouverture – Suite pour orchestre, en ré majeur, BWV 1068
ARTISTES
Ensemble Masques
Olivier Fortin, clavecin et direction
Sophie Gent, Tuomo Suni, violons
Kathleen Kajioka, alto
Mélisande Corriveau, basse de viole & violoncelle
Benoît Vanden Bemden, violone & contrebasse