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Crédit photo : Laurent Malo et Pier-Luc St-Germain
La conversation qui suit résulte d’une conférence téléphonique avec Jean Massicotte à Montréal et Arthur Comeau à Dakar. Installé à Meteghan en Nouvelle-Écosse, ce dernier réside provisoirement au Sénégal pour des raisons familiales.
PAN M 360 : Faisons d’abord la genèse de Doubleheader :
Jean Massicotte : « Arthur avait rendez-vous avec le directeur artistique et producteur Denis Wolff dans des locaux communs, nous nous sommes ainsi rencontrés. Ça faisait longtemps que j’aimais Radio Radio et ce qu’Arthur avait fait avec Pierre Kwenders. Denis nous a présentés, peu après on a fait un jam sur une track qu’il avait commencée, Samito était présent à cette séance. On avait réussi à faire quelque chose de vraiment viby. Ça me plaisait de faire quelque chose fondé davantage sur le beat car je ne fais pas ça souvent en tant que réalisateur. Un peu plus tard, Arthur m’a fait écouter un beat de Louisiane, j’ai pris l’avion pour jammer chez lui, soit à Clare en Nouvelle-Écosse. Pendant quelques jours, nous avons enregistré une quinzaine de pistes instrumentales. »
PAN M 360 : Doubleheader, n’est-ce pas d’abord du beatmaking? Expliquez votre méthodologie :
Arthur Comeau : « On enregistre, on traite la musique et la voix comme des échantillons, c’est-à-dire qu’on prend les meilleures prises et on les retravaille un peu à la manière d’un DJ. Il y a là-dedans quelque chose de chaotique, essai et erreur, essayons ci, essayons ça, reprenons la prise de voix deux ou trois fois avant de trouver ce qui colle. »
Jean Massicotte : « Les artistes viennent en studio, on leur fait écouter des tracks instrumentales, ils en choisissent une. Pendant que la pièce joue en boucle, on discute, des idées sortent, les artistes proposent des sons emmagasinés dans leur téléphone. On essaie des choses, puis ils vont au micro et ils chantent. Après quoi on prend leurs pistes de voix et on fait une toune avec ça. On se met souvent souvent en danger. On souhaite que des accidents se produisent. Ça crée des étincelles et c’est vraiment le fun car on s’oblige de faire des trucs qu’on ne ferait pas normalement. Si on nous embauche pour réaliser un album, il y a un paquet de choses intéressantes qui ne cliqueront pas a priori avec le client. Ici, on fait sortir le trop-plein. »
PAN M 360 : En quoi Doubleheader est-il un animal à deux têtes ?
Arthur Comeau : « Oui, ce sont deux heads de producteurs. Je voulais travailler avec Jean, je souhaitais qu’il réalise ma musique lorsque mon entourage me voit comme leur réalisateur. Le monde vient à moi et moi je vais à Jean, nous formons un doubleheader de renseignements. Deux forces gravitationnelles qui tirent en même temps, c’est encore plus puissant, right ? »
Jean Massicotte : « Doubleheader, c’est un train tiré par deux locomotives. Nous favorisons aussi des collisions lorsqu’on essaie de faire se rencontrer des beats avec des artistes qui ne chantent pas sur ces beats normalement. Dominique Fils-Aimé, par exemple, n’avait jamais vraiment fait de space funk disco. La chanteuse malienne Djeli Tapa n’avait jamais fait de reggaeton et elle était très contente d’avoir vécu cette expérience. On aime juxtaposer des inspirations qui ne vont pas naturellement ensemble et faire en sorte que ça puisse marcher. »
PAN M 360 : Samito, artiste montréalais originaire du Mozambique, semble être un peu plus qu’un invité pour Doubleheader, racontez son implication :
Arthur Comeau : « Samito et moi travaillons beaucoup ensemble, je reste parfois chez lui lorsque je viens travailler à Montréal. On a fait de belles affaires avec lui dans le contexte de Doubleheader. La vibe était bonne! Depuis quelques années, Samito s’intéresse davantage à la musique électronique, il a travaillé au Portugal et en France notamment. Il a travaillé avec plein de monde, notamment avec Djeli Tapa, il nous a aussi fait connaître EIHDZ (prononcer Heidi). Il nous a beaucoup amené en idées et en vibe. »
Jean Massicotte : « On voulait que Samito fasse des tracks aux claviers un peu dans l’esprit de ce qu’il avait fait préalablement avec nous au clavier Wurlitzer lors d’une première rencontre. Lorsqu’il a chanté après avoir choisi son beat, cependant, ça a donné une autre dimension au projet. Vraiment! Nous étions partis sur une vibe un peu party. Quand Samito a fait ses voix, on a vu qu’on pouvait être aussi spirituel tout en maintenant l’ambiance de fête et de danse. On a trouvé une façon de présenter la toune afin que l’on puisse l’apprécier dans un contexte de danse et aussi dans un contexte d’écoute. Le vocabulaire du projet s’en est trouvé enrichi. »
PAN M 360 : Vous avez aussi travaillé avec Caleb Rimtobaye, alias Afrotronix, une nouvelle direction électro pour Caleb?
Jean Massicotte : « Avec lui, j’étais un peu intimidé car j’ai beaucoup de respect pour son travail. J’avais un rendez-vous avec lui à mon studio, mais je n’étais vraiment pas prêt. Caleb s’est quand même présenté, je lui ai fait jouer un beat, un gros reggaeton. Il a branché sa guitare, il a joué sur ce beat. Super content du résultat, je lui ai suggéré de chanter et il a accepté. Il a aussi fait des harmonies vocales. J’ai envoyé ça à Arthur qui nous a fait un très beau mix. »
PAN M 360 : On connaît moins EIHDZ et Quenton Hatfield, pour ne pas dire pas du tout, qui sont ces interprètes de la chanson soul-pop Other Side qui sera rendue publique au cours des mois à venir ?
Arthur Comeau : « Quenton est un gars de Weymouth, dans mon coin de Nouvelle-Écosse. Ça fait longtemps qu’il fait de la musique par chez nous. Il est connu à Halifax et il travaille avec nous, il fait partie du même groupe d’amis que P’tit Belliveau. Quenton est venu en studio, nous voulions des voix anglophones et j’ai beaucoup aimé le contraste entre lui et EIHDZ. »
Jean Massicotte : « EIHDZ a tous les talents; elle chante, écrit des tounes, dessine des planches de surf, fait partie d’un noyau de songwriters à New York. Elle fait plein d’affaires ! »
PAN M 360 : Racontez l’histoire de Trumpet, chapeautée par la voix d’Arthur :
Arthur Comeau : « Ça a commencé sur un beat de P’tit Belliveau, après ça j’ai enregistré ma voix dessus. À Montréal, je suis allé aux studios Breakglass pour y ajouter de la batterie, puis j’ai présenté le tout à Jean qui a raffiné la toune, qui y a mis sa golden touch. Samito a fait les claviers, Jean la basse. Un tour de force! »
PAN M 360 : Présenter un projet aussi considérable à la sortie du premier extrait (Diamond Flake, avec Dominique Fils-Aimé) n’est pas coutume. La matière sera donc dévoilée au fil des semaines et des mois qui viennent, pourquoi?
Jean Massicotte : « C’est un peu comme la méthode de travail. Les beats ont été créés presque d’un coup, et après on a fait le développement. Ça a pris du temps pour associer ces beats à des artistes, mais nous y arrivons. En gros, on a un album presque prêt et on a assez de matière pour deux. Hormis les pièces chantées, d’ailleurs, nous avons de petits épisodes instrumentaux tirés de nombreux jams en studio. Les artistes à venir? On ne les nommera pas tous mais je dirais que nous avons travaillé avec Maya Kuroki de Teke ::Teke qui y récite un poème japonais. Il y aura aussi la chanteuse Sandra Luciantonio. D’autres artistes seront recrutés ou dévoilés plus tard. »
Arthur Comeau : « Je rêve d’inviter Paul Daraîche et essayer quelque chose avec lui ! Nous avons déjà inclus le country, mais ce serait fameux de l’avoir… L’idée au bout du compte, c’est de mélanger tous les produits de notre épicerie : on rencontre plein d’artistes, on remixe leurs voix et leurs instruments avec l’avis de Denis Wolff, sans qui Doubleheader n’existerait pas. »
Cette série de productions sera lancée par Ray-On, une boîte montréalaise se consacrant au développement d’artistes – distribution numérique, synch, gestion de droits, marketing, consultation. Denis Wolff, qui fut directeur artistique chez Audiogram et propriétaire du label Maisonnette, est le fondateur de Ray-On.
Jean Massicotte : « L’idée de notre projet va très bien avec le concept de Ray-On : trouver de petites niches dans plein de territoires différents. Entre-temps, Arthur et moi devons bien sûr mener d’autres projets qui sont notre gagne-pain. Alors ça fait du bien que naisse Doubleheader. On aimerait que ça dure. »