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Comment définit-on la pop ? L’instrumentation ? Le rythme ? Les paroles ? Sophia Bel ne prétend pas avoir la réponse, mais elle peut prouver qu’elle est une experte. S’inspirant du monde des années 2000, tout en utilisant des techniques contemporaines, elle offre un produit polyvalent qui réunit nostalgie et inventivité. S’il y a une chose que l’artiste émergente refuse, c’est de se laisser définir par quelque étiquette restrictive. Nouvellement mise sous contrat chez Bonsound, la musicienne a travaillé d’arrache-pied sur son premier long jeu, Anxious Avoidant, qui sort ce vendredi 15 avril. Sur celui-ci, l’emo, la country, la pop et plusieurs autres styles s’entremêlent pour ainsi suggérer une expérience d’écoute peu commune.
À la veille la sortie de son gros projet, Sophia Bel a accordé quelques minutes à PAN M 360.
PAN M 360 : Qui est Sophia Bel?
SOPHIA BEL: Sophia Bel, c’est une fille de banlieue qui est arrivée à Montréal il y a 9 ans. J’écris depuis très jeune, et pas que des chansons! J’avais mon premier journal intime à l’âge de 5 ans. À 15 ans j’ai appris à jouer de la guitare.
Ma première passion, ça a toujours été le chant. C’est venu tout jeune, en écoutant les albums de Britney. À mon adolescence, je me suis mis à écrire mes chansons et… c’est ça! Ça sonne simple comme réponse, mais c’est une question assez complexe.
Après tout, comme plusieurs autres artistes, je joue un peu un personnage. Sophia Bel, c’est une sorte d’échappatoire. Un alter ego si on veut. La musique est un contexte qui me permet d’exprimer cet autre moi. Avec mes chansons, je peux évacuer ce qui se passe dans mon subconscient et le présenter sous forme de musique pop.
PAN M 360 : Et comment décrirait-on le style de Sophia Bel? Pop punk? Emo?
SOPHIA BEL: Pour moi, la musique est assez difficile à définir. J’essaie de ne pas trop rester dans une boite, j’essaie de changer les choses de temps en temps. Le mot qui s’applique le mieux pour moi, c’est pop alternative. C’est un terme qui pourrait s’associer à un peu tout ce que je fais. Mais si on veut se pencher sur ce que j’ai essayé de mettre de l’avant avec Anxious Avoidant, on pourrait appeler cela du emo-country-pop. Dans le fond, de la pop-alternative, mais bien plus vulnérable.
C’est encore une question assez dure. Les styles de musique peuvent être très vagues après tout. J’essaie de ne pas laisser un seul adjectif englober mon univers musical. Le problème, c’est que beaucoup sont insatisfaits face à une description vague. On entend une seule de mes chansons, et immédiatement on veut me mettre dans un moule de pop punk ou pop-country. En gros c’est plus simple de dire que je fais de la pop et de laisser les autres le définir plus précisément.
Dans tous les cas, je m’expose à beaucoup de critiques si j’essaie de me définir trop précisément. Si je me dis punk, c’est sûr que je me fais prendre pour une poser. Je ne prétends pas être une artiste marginale. Je suis mieux définie sous un grand parapluie stylistique. Mais on peut associer une couleur punk à ce que je fais. Les groupes des années 2000 qui m’ont inspiré ont eu même pris largement de cet univers rebelle. Mais je tire aussi de la pop un peu plus moderne. Par exemple, les chansons de Soccer Mommy et Indigo de Souza, que j’adore, ont des éléments plus chaleureux, plus mélancoliques, donnant un style ressemblant plus au shoegaze et à la dream pop. À la fin, toutes mes inspirations sont de la pop. C’est un style qui n’a pas besoin d’être défini par ce qui est populaire en ce moment.
PAN M 360 : Pour ton premier plein album, Anxious Avoidant, comment ça s’est passé?
SOPHIA BEL : Ça s’est super bien passé! C’est la première fois que j’avais les ressources pour prendre une semaine et enregistrer un album comme je le voulais. On a travaillé dans le studio B12 qui est une sorte de mi-chalet, mi-manoir perdu dans les bois. Mes deux premiers EP étaient autoproduits. J’avais de l’aide, mais c’était fait avec mes propres moyens. Tout coordonner, ça prend bien plus de temps. En signant avec Bonsound, j’ai eu accès aux ressources me permettant de consacrer toute mon attention à l’album. Je suis arrivé avec mes chansons déjà écrites. Il n’y avait qu’à les habiller correctement. L’expérience était comme un rêve. C’est grisant de voir le projet se construire aussi bien. Quand on travaille seule dans un studio maison, on oublie à quel point la synergie de tous les instruments différents est importante.
Il faut quand même avoir la capacité de se calmer sur certains plans. Plus une équipe s’agrandit, plus il faut apprendre à lâcher prise. Il faut faire confiance et déléguer. Ce sont toutes des choses sur lesquelles j’ai dû travailler. Je peux être un peu control freak. Souvent, je me dis qu’on n’est jamais mieux servis que par soi-même. Pour faire un album bien rempli, ce n’est pas toujours la meilleure méthode. J’ai dû sortir de ma zone de confort et accepter les décisions des autres. La beauté de ce processus, c’est que j’ai pu faire beaucoup d’évolution personnelle. J’ai aussi pu tirer plusieurs leçons pour mes prochains travaux. J’ai identifié plusieurs façons de travailler plus efficacement. Je ne vois pas vraiment ces moments comme des erreurs majeures. Il n’y a aucun regret à apprendre et s’améliorer.
PAN M 360 : Quelle fut ta chanson préférée à construire?
SOPHIA BEL : D’abord, il y a une chanson que j’ai produite en entier, I only want you cuz you’re mean. C’est la première fois que je montais une pièce de A à Z. Mais pour ma préférée… Just Like A Glove. Avec celle-ci, je voulais faire quelque chose de totalement différent. L’album est fait de façon assez classique. Ce sont des morceaux composés de guitares, de basses, de batterie et de voix. Just Like A Glove possède un certain je ne sais quoi de plus. C’est une œuvre qui explore la vulnérabilité et le désir d’individualité. Elle se penche sur l’apprentissage de soi-même et l’importance de trouver un cercle social qui va nous aimer pour la personne qu’on est vraiment.
Nous avons pris une approche moins standard pour la produire. On l’a commencée en programmant un arpégiateur avec une berceuse un peu clownesque. Vu que le studio était bourré de claviers vintages, on s’est mis à jouer et à explorer tous les sons possibles qui pourraient agrémenter la mélodie. Soudainement on avait un son d’orgue et de harpe artificiel dessus. En sortant fumer, j’ai entendu le son des grenouilles. Leurs bruits s’agençaient parfaitement avec la musique sortant du studio. Je les ai donc enregistrés sur mon téléphone. On peut les entendre à la fin de la chanson. Réentendre cette mélodie, c’est encore magique pour moi. C’est peut-être à cause de la micro-dose de psychédélique que j’ai prise en enregistrant…
Cette chanson, au départ, je croyais quasiment la couper. J’avais déjà énormément de tounes qui se ressemblaient un peu. C’est quand on a commencé à la développer comme ça que je suis tombée en amour.
PAN M 360 : Comment as-tu fait pour avoir ton mélange de moderne et de nostalgie?
SOPHIA BEL: Ce n’est qu’une infusion de mes inspirations. Il n’y a rien de prémédité. Beaucoup des chansons sont des œuvres qui ont simplement été construites naturellement. Pour plusieurs des groupes de pop des années 2000, il y avait beaucoup plus de pression de la part des labels. Aujourd’hui, la musique de tout genre est énormément plus accessible. Un artiste n’a plus à se limiter dans un modèle spécifique. La production musicale prend beaucoup moins d’argent qu’avant. Ça signifie qu’il y a moins de règles pour les artistes, et donc la possibilité de prendre plus de risques.
Anxious Avoidant aurait bien pu exister il y a 20 ans. Je n’essaie pas de réinventer la roue. J’aime beaucoup jouer avec les clichés. J’aime produire des chansons catchy qui deviennent familières dès la première écoute. Ce qui fait mon charme, c’est que je vais tellement pousser les clichés que ça en devient original. Je ne me prends pas trop au sérieux. Ça donne un cachet ludique et sensible. Je me vois plus comme une poète qu’une productrice. Ma démarche artistique ressort plus par mes mots que par mes notes. Toutes les chansons ont été faites organiquement. J’utilisais une guitare et un morceau de papier pour créer. Il n’y a rien qui a été écrit dans mon ordinateur avant que je sois sûre du texte.
PAN M 360 : Pour le futur, gardes-tu la même direction?
SOPHIA BEL: Non, je ne peux pas me donner de telles limites. Si je reste authentique, ça sera assez. Depuis que j’ai commencé à sortir de la musique, je comprends bien mieux ce que je veux faire. Quand j’étais étudiante à l’école de jazz, j’avais une vision plus fermée de la musique. Mon entourage me répétait toujours que si la musique est trop pop et trop simple, elle n’en vaut pas la peine. J’étais plus en quête de validation.
C’est avec mon premier EP, produit par CRi, que tout a changé. J’ai appris que je n’avais pas besoin d’accords complexes jazzés pour impressionner les autres. Je peux avoir autant de plaisir avec la pop. À chaque album, je me rapproche un peu plus de ce que je veux être artistiquement. Qu’elle soit belle ou non, je veux me perdre dans mes émotions. Peu importe le style, je veux rester à fleur de peau.
Je ne peux pas trop parler du futur lointain. Ces temps-ci, j’aime beaucoup le shoegaze. J’aimerais bien l’essayer avec une saveur pop. Mais qui sait, je vais peut-être avoir une nouvelle obsession dans 2 semaines. Pour le court terme, j’ai hâte aux spectacles qui s’en viennent. J’en ai assez fait pour ne plus avoir peur… sauf 5 minutes avant de commencer. Je vais aussi être à Osheaga dans quelques mois. Peut-être que là, je vais avoir un peu le trac !