Je ne savais pas encore, en montant les marches du MTelus ce jeudi 10 avril, que j’allais danser à perdre haleine avec ma mère, main dans la main, dans une mer de silhouettes en transe. Nous avions décidé d’aller voir Zaho de Sagazan, sans vraiment connaître la chanteuse, mais avec l’intuition que quelque chose de puissant allait se produire. Nous avions vu juste.
Dès les premières minutes, une tension électrique s’installe entre la voix grave et vibrante de Zaho et les textures synthétiques de ses musiciens. Ils sont quatre sur scène, concentrés, solides, et surtout, en parfaite osmose. Le décor est simple mais fort : des écrans projetant des effets granuleux, une lumière tantôt rouge sang, tantôt bleutée, qui sculpte les corps et les visages comme des ombres dans un rêve éveillé.
Au début du spectacle, Zaho s’adresse généreusement au public, nous racontant ses inspirations, ses désirs, ses blessures. On découvre une artiste à fleur de peau, profondément habitée par l’amour, par le manque, par l’attente et par l’élan. C’est là, dans cette première moitié, que ses chansons prennent tout leur sens. Chaque mot, chaque silence, chaque souffle est habité. On comprend alors que derrière l’électronique, il y a une amoureuse de l’amour, une femme qui transforme le sentiment en matière vibrante.
Puis quelque chose bascule.
À la moitié du concert, la scène se métamorphose. Les beats deviennent plus lourds, les lignes de synthé plus fluides. Zaho nous invite à ne plus nous regarder, à lâcher prise. Elle répète, presque comme un mantra : “Ne te regarde pas, lâche-toi.” Au début, on hésite. Puis, peu à peu, on se laisse prendre par le rythme. Ce n’est plus un concert, c’est une rave douce et viscérale, une transe collective dans un cocon rouge et bleu.
Ce moment de bascule est ce qui rend son spectacle unique. Peu d’artistes osent une telle mutation d’ambiance, passant du confessionnel à l’euphorique avec autant de naturel. On comprend alors mieux encore ce qu’elle cherche : se fondre, s’élever, brûler d’amour sans s’y perdre. Elle le chante, elle le vit, et elle nous y emmène.
Et puis, il y a les lumières. Ce jeu de contrastes entre ombres et flashs, entre chaleur et froideur, crée une esthétique presque cinématographique. À plusieurs reprises, je me suis arrêtée de danser juste pour regarder les silhouettes noires bouger dans la lumière, comme dans un rêve dont je ne voulais pas me réveiller.
En sortant du MTelus, encore étourdie, je regarde ma mère : elle sourit, les yeux brillants. Ce concert, c’était plus qu’un spectacle. C’était un moment suspendu, un rite de passage, une fête intérieure. Merci, Zaho, pour cette nuit où l’on a dansé sans se regarder — juste ensemble.