comédie musicale / électronique / expérimental

Suoni | Mon jeudi au Suoni : Alex Lukashevsky, Cabaret Noir…

par Félicité Couëlle-Brunet

La soirée a commencé dans un silence qui s’est transformé en tonnerre. Seul sur scène avec sa guitare, Alex « Bad Baby » Lukashevsky a livré le genre de performance qui vous fait repenser ce qu’un concert peut être. Il n’y avait pas de setlist en vue, pas besoin de spectacle, juste la voix éraillée de Lukashevsky, des mélodies libres et un sens de la vulnérabilité ludique qui semblait aussi spontané que délibéré.

Parfois, il est difficile de savoir s’il improvise ou s’il suit simplement une carte que lui seul peut voir. « L’écriture d’une chanson peut me prendre dix ans », admet-il entre deux morceaux. Et c’est logique, chaque morceau s’est déroulé comme un moment vécu, chaque mot pesant le résidu du temps. Il s’agissait moins d’un spectacle que d’une cartographie émotionnelle, et Lukashevsky l’a parcourue avec la grâce de quelqu’un qui sait exactement à quel point ce voyage peut être étrange et beau.

Suoni décrit sa musique comme étant « turbulente et agile, endiablée et précise ». Ajoutez  » inclassable  » à la liste. Lukashevsky ne se contente pas d’interpréter des chansons, il les habite, invitant le public dans un paysage sonore à la fois profondément personnel et totalement ouvert. Ce fut le set le plus captivant de la soirée, et un rappel du type de magie que Suoni laisse s’exprimer.

Après le sort intime que Lukashevsky a jeté à la Casa del Popolo, nous nous sommes rendus à La Sala Rossa pour Cabaret Noir The Musical, un cabaret multidisciplinaire richement étagé, dirigé par Mélanie Demers et sa compagnie MAYDAY, sous la direction musicale de Florence Blain Mbaye. Inspiré par les écrits de James Baldwin, bell hooks, Frantz Fanon et Toni Morrison, le spectacle mêle la parole, le rap, la danse et la musique pour explorer la complexité de l’expérience afro-descendante.

Le format a pris la forme d’un lancement d’EP en direct et d’une revue théâtrale, avec Demers agissant en tant qu’hôte, présentant chaque acte comme une série de vignettes dans un collage plus large. L’ensemble a apporté une énergie impressionnante à la scène, avec un quatuor à cordes, une batterie, un piano et des textures électroniques se superposant aux performances vocales qui allaient de la soul au hip-hop en passant par la chanson expérimentale. Le concept était ambitieux et minutieux ; il s’agissait d’une tentative de constituer des archives vivantes par le biais d’une performance, qui soit à la fois porteuse de mémoire et d’urgence.

Si le mixage sonore a parfois empêché de saisir toute la profondeur des textes, l’émotion et la présence des artistes sont restées intactes. Il y avait une réelle générosité dans la façon dont chaque artiste prenait l’espace, puisant dans les traditions théâtrales pour construire quelque chose de vibrant et de collectif. Le Cabaret Noir ressemble moins à un objet fini qu’à un rituel en évolution, qui nous invite à l’écouter plus attentivement.

Pour terminer la soirée, nous nous sommes glissés dans la Sotterenea, doucement éclairée, pour assister à la première mondiale de Rock Dove, un nouveau projet du légendaire duo de poètes et de musiciens Cat Kidd et Jack Biswell. Nous avons assisté à la dernière partie du set, juste à temps pour voir Cat Kidd monter sur scène avec un masque de corbeau et livrer une performance lyrique, presque incantatoire, qui brouille la frontière entre le spoken word et le rituel.

Connus pour leurs racines dans la scène du cabaret montréalais des années 90, le retour de Kidd et Biswell a fait l’effet d’une capsule temporelle ouverte, un rappel d’un autre type d’expérimentation poétique. La voix de Kidd, à la limite du slam, tisse des odes à la faune urbaine, aux pigeons et peut-être à quelque chose de plus ancien et de plus alchimique sous les plumes. C’était étrange, théâtral et étrangement tendre.

L’ambiance au rez-de-chaussée était plus calme, plus introspective, une sorte d’exhalaison après les textures audacieuses des spectacles précédents. Une clôture appropriée et peu éclairée pour une nuit de contrastes tranchants et d’expériences partagées.

Publicité panam

Tout le contenu 360

Nuits d’Afrique 2025 | Saïd Mesnaoui : la fusion gnawa au coeur d’un artiste solaire

Nuits d’Afrique 2025 | Saïd Mesnaoui : la fusion gnawa au coeur d’un artiste solaire

Nuits d’Afrique | Blaiz a mis le « Fayah » sur la grande scène TD

Nuits d’Afrique | Blaiz a mis le « Fayah » sur la grande scène TD

Nuits d’Afrique | Loin d’une calamité, Mo’Kalamity a été une bénédiction

Nuits d’Afrique | Loin d’une calamité, Mo’Kalamity a été une bénédiction

Festival de Lanaudière | Paulus & Elias : Les oratorios de Mendelssohn interprétés par Akamus

Festival de Lanaudière | Paulus & Elias : Les oratorios de Mendelssohn interprétés par Akamus

Nuits d’Afrique | Sousou et Maher Cissoko : l’amour, de la kora et par la kora

Nuits d’Afrique | Sousou et Maher Cissoko : l’amour, de la kora et par la kora

Nuits d’Afrique | Sahad : l’étoile de Dakar brille sur le Balattou

Nuits d’Afrique | Sahad : l’étoile de Dakar brille sur le Balattou

Suzanne Vega – Flying With Angels

Suzanne Vega – Flying With Angels

Nuits d’Afrique | Femi Kuti & The Positive Force en live

Nuits d’Afrique | Femi Kuti & The Positive Force en live

Nuits d’Afrique | Les mamans du Congo x Rrobin

Nuits d’Afrique | Les mamans du Congo x Rrobin

Nuits d’Afrique | Manamba Kanté et Soul Bang’s, les « Beyoncé et Jay-Z » de la Guinée

Nuits d’Afrique | Manamba Kanté et Soul Bang’s, les « Beyoncé et Jay-Z » de la Guinée

Festival de Lanaudière | Une performance du tonnerre pour Chanticleer

Festival de Lanaudière | Une performance du tonnerre pour Chanticleer

Nuits d’Afrique | Yawo transforme le Balattou en désert festif

Nuits d’Afrique | Yawo transforme le Balattou en désert festif

Nuits d’Afrique | La kora, de maître en maître

Nuits d’Afrique | La kora, de maître en maître

Nuits d’Afrique | Sahad : décoloniser la musique, les esprits et le terroir

Nuits d’Afrique | Sahad : décoloniser la musique, les esprits et le terroir

Cammac : là où professionnels et amateurs passionnés se rencontrent grâce à la musique

Cammac : là où professionnels et amateurs passionnés se rencontrent grâce à la musique

Nuits d’Afrique | Boubé et sa musique des nomades du désert

Nuits d’Afrique | Boubé et sa musique des nomades du désert

Nuits d’Afrique | Lydol, toujours là où on ne l’attend pas

Nuits d’Afrique | Lydol, toujours là où on ne l’attend pas

Festival de Lanaudière | Soirée heureusement atypique avec Collectif9

Festival de Lanaudière | Soirée heureusement atypique avec Collectif9

Nuits d’Afrique | Yawo et la musique des nomades du désert

Nuits d’Afrique | Yawo et la musique des nomades du désert

Nuits d’Afrique | Zal Sissokho et Toumany Kouyaté, le moment phare de la kora

Nuits d’Afrique | Zal Sissokho et Toumany Kouyaté, le moment phare de la kora

Nuits d’Afrique | Wesli, un pied en Haïti, un pied au Canada

Nuits d’Afrique | Wesli, un pied en Haïti, un pied au Canada

Nuits d’Afrique | Fabrice Koffy et son slam, en mode full band

Nuits d’Afrique | Fabrice Koffy et son slam, en mode full band

Nuits d’Afrique | Daby Touré redémarre sa machine

Nuits d’Afrique | Daby Touré redémarre sa machine

Nuits d’Afrique | Stogie T, arc-en-ciel sud-africain, hip-hop, soul, rock, jazz

Nuits d’Afrique | Stogie T, arc-en-ciel sud-africain, hip-hop, soul, rock, jazz

Inscrivez-vous à l'infolettre