musique contemporaine

Semaine du Neuf | Quatuor Bozzini : effusions d’amitié des Bozzini dans un calme onirique

par Alexandre Villemaire

Pour célébrer ses noces d’argent, le Quatuor Bozzini s’est entouré de trois compositeurs d’exception : Martin Arnold, Linda Catlin Smith et Michael Oesterle. Un programme qui mettait l’accent sur l’amitié et les liens étroits qui unissent depuis 25 ans les musiciens du quatuor avec ces compositeurs de l’avant-garde. Musicalement, ce sentiment d’amitié s’est traduit par des sonorités éthérées dans des œuvres traversées par une esthétique essentiellement douce et calme.

La première œuvre présentée était 3-Way Cotillon de Martin Arnold, dont c’était la création montréalaise. Pour l’occasion, les membres du Quatuor Bozzini (Isabelle Bozzini, violoncelle; Stéphanie Bozzini, alto; Alissa Cheung, violon et Clemens Merkel, violon) ont été joints par l’altiste Elisa Trudel et la violoncelliste Audréanne Filion, dans une formation en sextuor. L’environnement harmonique est essentiellement diatonique. Parmi les multiples influences qui caractérisent le langage d’Arnold, c’est l’emploi de matériel d’inspiration folklorique et l’inspiration de musique ancienne qui nous a marqués. Les inflexions musicales du cotillon, danse populaire en Europe et dans l’Amérique du XVIIIe siècle, portent à certains égards la marque sonore d’un Aaron Copland. La pièce évolue avec des interventions sporadiques de traits de cordes qui sont joués de manière dispersée par les instrumentistes. Il y a ainsi une évolution générale de la texture et du timbre de la pièce qui se dessine, partant de l’aigu pour tranquillement se rendre dans le grave des cordes tout au long de la pièce. Plus l’œuvre progresse, plus le matériel pêle-mêle et espacé se contracte dans le temps pour finir par se rencontrer et créer un tout cohérent et interrelié.

La pièce Reverie de Linda Catlin Smith, composée expressément pour l’occasion, reprenait ce même esprit de plénitude, mais avec une construction mélodique plus stable et définie par des sections thématiques claires à nos oreilles. On commence par de longs coups d’archet exposant des notes pures, alors que les sons se fondent les uns dans les autres au niveau timbral. À mi-parcours, un tapis harmonique soutient, dans un caractère en demi-teinte expressif et inquiétant, des passages mélodiques dissonants joués au-dessus de celui-ci.  Plus loin, dans un calme tonal à l’atmosphère mélancolique, est exprimé un thème modal récurrent qui sera répété plusieurs fois, créant un sentiment d’apesanteur et d’élasticité temporelle. Nous comprenons tout à fait le choix artistique qu’était celui de faire suivre ces deux œuvres, étant donné leur différence avec la dernière pièce du concert et leur forte similarité au niveau de l’esthétique. Mais, à un certain point au niveau du traitement sonore, on avait l’impression d’entendre une sorte de continuation de la pièce de Martin Arnold dans celle de Linda Catlin Smith, malgré un traitement musical et un langage narratif très différents. Garder attentif les sens de son auditeur est un défi et peut s’avérer une arme à double tranchant dans un tel agencement. La dernière œuvre de la soirée était le Quatuor à cordes no4 de Michael Oesterle et était, au niveau de la texture, l’œuvre la plus variée. Elle venait ainsi balancer le caractère onirique des œuvres de la première partie.

Après une introduction digne d’une ligne musicale du XIXe siècle, les parties centrales de l’œuvre explorent différents timbres instrumentaux, avec des techniques de jeu étendu pour créer des sonorités éclatées, allant de frottements de cordes dans l’aigu. Mentionnons à cet effet, dans le quatuor d’Oesterle, l’interaction entre les motifs véloces des violonistes Clemens Merkel et Alissa Cheung au-dessus desquels des interventions énergiques en pizzicato étaient brossées, ou encore la superposition thématique qui amorce la conclusion de l’œuvre qui réintroduit le thème d’ouverture.

L’acoustique, très focalisée du MMR à l’Université McGill, faisait en sorte que le son ne voyageait pas énormément, mais restait ancré. Pour le répertoire joué, cette salle était tout indiquée, car elle nous donnait à apprécier de manière détaillée l’interprétation de chacun des instrumentistes, dont l’acte de venir soutenir ces pièces avec ces lignes musicales à long développement demande une constance sonore et une maîtrise du son en plus d’une écoute sensible et précise des différents changements de dynamique. Une écoute qui fait écho aux liens amicaux qui unissent également les musiciens entre eux.

Tout le contenu 360

Skarazula – Yule

Skarazula – Yule

Shunk fait tomber le marteau

Shunk fait tomber le marteau

Semaine du Neuf | Conclusion amoureuse et cosmique

Semaine du Neuf | Conclusion amoureuse et cosmique

James Ehnes & Orchestre du Centre national des arts du Canada – Bach : L’intégrale des concertos pour violon

James Ehnes & Orchestre du Centre national des arts du Canada – Bach : L’intégrale des concertos pour violon

James Ehnes; BBC Philharmonic/Juanjo Mena – Lalo, Saint-Saëns, Sarasate

James Ehnes; BBC Philharmonic/Juanjo Mena – Lalo, Saint-Saëns, Sarasate

Winnipeg Jazz Orchestra – East Meets West: Connections

Winnipeg Jazz Orchestra – East Meets West: Connections

Nour Symon – je suis calme et enragé•e

Nour Symon – je suis calme et enragé•e

Quatuor Bozzini – Jürg Frey : String Quartets (réédition)

Quatuor Bozzini – Jürg Frey : String Quartets (réédition)

Quatuor Molinari – Berio : Intégrale des quatuors à cordes

Quatuor Molinari – Berio : Intégrale des quatuors à cordes

Robert Uchida; Philip Chiu – I Can Finally Feel the Sun

Robert Uchida; Philip Chiu – I Can Finally Feel the Sun

Semaine du Neuf | Le ‘’groove de chambre’’ de collectif9 et Architek Percussions

Semaine du Neuf | Le ‘’groove de chambre’’ de collectif9 et Architek Percussions

Semaine du Neuf | Quatuor Bozzini : effusions d’amitié des Bozzini dans un calme onirique

Semaine du Neuf | Quatuor Bozzini : effusions d’amitié des Bozzini dans un calme onirique

Semaine du Neuf | Une symphonie et une première mondiale pour Tim Brady

Semaine du Neuf | Une symphonie et une première mondiale pour Tim Brady

Semaine du Neuf | « Un voyage musical et philosophique » : Laura Cocks sur l’interprétation de Star Maker Fragments

Semaine du Neuf | « Un voyage musical et philosophique » : Laura Cocks sur l’interprétation de Star Maker Fragments

UdeM | Un hommage à la voix féminine sur l’impulsion du Big Band

UdeM | Un hommage à la voix féminine sur l’impulsion du Big Band

Les Hay Babies – Some People

Les Hay Babies – Some People

Les Violons du Roy | Trios inattendus : Le charme intimiste de la musique de chambre

Les Violons du Roy | Trios inattendus : Le charme intimiste de la musique de chambre

Semaine du Neuf |  « Quelque part, mon jardin / My Backyard, Somewhere », créature bicéphale et bilingue

Semaine du Neuf |  « Quelque part, mon jardin / My Backyard, Somewhere », créature bicéphale et bilingue

SAMWOY ft. Virginie B – Simon Says

SAMWOY ft. Virginie B – Simon Says

Semaine du Neuf | Baptême du Haut-Parleur… coup de circuit !

Semaine du Neuf | Baptême du Haut-Parleur… coup de circuit !

Semaine du Neuf | Kristin Hoff : Chanter l’amour en 100 langues

Semaine du Neuf | Kristin Hoff : Chanter l’amour en 100 langues

Semaine du Neuf | Parcours spirituel au cœur de la matière et du son

Semaine du Neuf | Parcours spirituel au cœur de la matière et du son

Rachel Therrien – Mi Hogar II

Rachel Therrien – Mi Hogar II

Semaine du Neuf | 25 ans de Bozzini ! L’interview bilan du Quatuor

Semaine du Neuf | 25 ans de Bozzini ! L’interview bilan du Quatuor

Inscrivez-vous à l'infolettre