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Semaine du Neuf | Les fouilles « archéosoniques » de Martin Bédard

par Alain Brunet

Les électroacousticiens présents à la Maison de la culture Marcel-Robidas de Longueuil s’entendaient lundi pour déterminer qu’il s’agissait d’un premier concert acousmatique présenté dans cette municipalité : le compositeur Martin Bédard, Longueuilois depuis 8 ans, en fut le commissaire et artiste principal, appuyé par ses collègues Pauline Patie, Louis Dufort et Antoine Lussier. L’acousmatique étant une pratique consistant à présenter des œuvres électroniques sans compléments ou autres renforts scéniques, mais plutôt au moyen d’un acousmonium, soit un orchestre de 22 haut-parleurs top niveau disposés autour du public.

Excellent programme!

Le talent de Martin Bédard doit être souligné à grands traits ici. Il a présenté lundi 3 pièces de son répertoire, composées à différentes périodes de sa carrière.

Champ de fouilles, 2008, sa première œuvre, se fonde d’abord sur un drone autour duquel un accord de fréquences se construit. Cette œuvre fut construite à partir d’une cueillette de sons anecdotiques des sons qui l’entourairent alors, composée dans le contexte du 400e anniversaire de la ville de Québec. Ce ne sont pas que des superpositions de notes, mais aussi de textures et d’interventions sporadiques d’effets plus brusques, grincements de trains sur les rails, martèlements, battement d’ailes, et autres chuintements, bref une œuvre s’inscrivant dans le long sillon de cette musique concrète initiée par Pierre Schaeffer (1910-1995) au cours des années 40, néanmoins actualisée à la manière de Martin Bédard. Nos premiers réflexes en tant que récepteurs pourraient faire en sorte que nous associerions cette œuvre à la la trame sonore d’un film noir ou un film de science-fiction, puisque la plupart d’entre nous l’ont ainsi identifiée, faute de ne pas l’écouter dans les conditions optimales d’un acousmonium. Ce serait faire fausse route, voire s’enliser dans le cliché cinématographique, car ce Champ de fouilles est fertile en rebondissements, clairement autonome lorsqu’on y consacre une attention soutenue. Ce qui m’inspire ce néologisme maison: archéosonique… excusez là.

L’œuvre suivante, Replica, implique Martin Bédard et la flûtiste/compositrice Marie-Hélène Breault, tirée de l’époque « instrumentale utopique » de Bédard, une œuvre faite essentiellement de prises de sons de flûtes tirées d’enregistrements discographiques et improvisations de Breault, ensuite filtrées, traitées, reconstruites, réorganisées, reproduites autrement, mises en abîme… « une pièce qui se replie sur elle-même dans un monde d’instruments utopiques, essentiellement flûtistiques ». Authentique labour of love conjugal (puisqu’il s’agit vraisemblablement d’un couple dans la vie), Replica est une autre version probante de cet imaginaire. Force était de noter que la deuxième œuvre était une authentique continuité formelle de ce qu’on avait écouté auparavant. La dramaturgie de Martin Bédard y implique effectivement des contrastes comparables avec des matériaux différents et ce avec une fluidité encore plus grande, preuve de maturité formelle.
Directeur artistique du festival Akousma et indéfectible amant de la nature (pour en avoir souvent causé avec lui), la pièce Monts Valin évoque cette chaîne de montagnes située dans la partie septentrionale du Saguenay. De facture ambient, cette trame linéaire est une diffraction augmentée des sons cueillis dans la nature, sons forestiers et aquatiques portés par une épaisse trame harmonique qui atteint une puissance certaine et qui finit par s’amincir au gré de légères modulations. Très zen, comme l’a annoncé Martin Bédard d’entrée de jeu.

Pauline Patie, compositrice française transplantée à Montréal, enchaîne avec la spatialisation de Surtitré, une œuvre clairement liée à la musique concrète et à ses actualisations récentes. Enchaînement d’effets surdimensionnés, assez rudement exposés, bruitisme organisé comme une succession de tensions et de détentes méticuleusement construites. Le hamster qui parcourt alors le cerveau suggère la sublimation d’une visite dans la salle des machines. Très rigoureux collage intégré de sons, peut-être un tantinet générique pour qui absorbe superficiellement une telle approche de l’évitement, du contournement et de la parenthèse, pour reprendre le commentaire de son hôte. D’autres écoutes permettront certainement d’en savoir plus long sur la patte de Pauline Patie, un nom à retenir.

Antoine Lussier, lui, a choisi de transformer, voire reconstituer en temps réel les matériaux de Choose Wwisely, une pièce plus aérienne malgré ses soubresauts parfois violents. Difficile pour le commun des mortels de départager les vertus de l’intervention en temps réel du travail de composition en studio, mais bon, il y avait assurément de la substance là-dedans.

Honey, la pièce la plus longue au programme (17’26) prévue comme conclusion « part de quelque chose de volatil… le pollen se densifie, se transforme pour atteindre un état liquide au goût puissant, un principe de densité modèle et aussi une métaphore amoureuse dédiée à ma blonde et à ma fille ».

Encore là, on observe une évolution dans la proposition de Martin Bédard. Les dimensions bruitistes et post-industrielles sont brillamment exposées. Nous nous retrouvons dans un atelier de haute technologie, chaîne de montage robotisée, chantier, les sons évoquent des activités effrénées de production humaine auxquelles on confère des éléments de composition, le tout impliquant diverses architectures sonores immatérielles et autres invisibilités résonantes, pour reprendre le titre de ce programme chargé et concluant.

PROGRAMME

Martin Bédard: Champs de fouilles  (Acousmatique) – 10’40
Marie-Hélène Breault & Martin Bédard: Replica (Acousmatique) – 14’42
Louis Dufort: Monts Valin (Acousmatique) – 11’37

Pauline Patie: Surtitré  (Acousmatique) – 10’17

Antoine Lussier: Choose Wwisely (Performance) – 11’21
Martin Bédard: Honey (Architectures from silence no.1)  (Acousmatique) – 17’26 

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