Neuf femmes, tout à fait ordinaires, à l’image d’autres femmes tchadiennes, des mamans, toutes habillées d’une jupe orange et d’un haut noir, assises en forme de cercle, chacune avec son micro et sa calebasse.
D’ailleurs, elles massent toujours leurs calebasses avant de taper dessus. Et malgré une pluie forte dès les premières minutes du concert et pendant une bonne partie, le public est resté au rendez-vous, avec leur parapluie ou leur imperméable, pour ceux qui avaient prévu le coup.
Selon les chansons, il y en a une qui se met à chanter, pendant que les huit autres répondent à l’unisson. Parfois, elles marchent en rond avec une qui chante et les autres qui font les chœurs. D’autres moments, l’une d’elles chante, une autre se met à danser autour d’elle, et les autres restent derrière. Bref, nous avions plusieurs configurations sur scène mais toutes captivaient l’attention du public fasciné de voir ses dames d’un certain âge sur scène.
Juste à côté de la scène, je pouvais voir la grande star du Tchad Afrotronix, venu encourager ses compatriotes. Ce n’est qu’à la fin du spectacle qu’on apprend qu’il est à l’origine de ce groupe. « C’est un mouvement qui commence. On a grandi en voyant nos mamans, ce sont ces femmes qui ont fait ce que nous sommes aujourd’hui », dit-il en mentionnant au détour que sa maman est dans le public.
Les Aunties parlent souvent des femmes et de leur droit à l’éducation dans plusieurs morceaux ce soir-là ainsi que de violence conjugale. « Femmes de Montréal, comment ça va ? » demande l’une, en remplaçant ensuite Montréal, par Kinshasa, Cameroun et Ndjamena. Et à ce moment-là, nous entendons des applaudissements dans la foule et on comprend vite que la communauté tchadienne de Montréal est présente en force.
À un certain moment du spectacle, elles portent toutes une tenue traditionnelle du Tchad, par-dessus leur jupe initiale et continuent à chanter ensemble, assises ou debout, avec ou sans calebasse, en cercle ou en rangée. Lors d’un morceau, dont j’ignore le titre, la musique est plus calme et elles se mettent en rangée comme si elles allaient faire une prière à la mosquée, avant d’enlever cette tenue traditionnelle et revenir à la tenue initiale. Parfois, l’une d’elles se met au centre, et toutes les femmes autour l’encerclent, s’adressent à elle avec bienveillance et chantent pour elle visiblement.
Chacune prend la parole à un moment donné du concert et s’adresse au public dans sa langue maternelle. Et c’est là qu’Afrotronix joue le rôle de traducteur pour traduire les propos vers le français.
Mais cette fois-ci, l’une des femmes s’adresse directement en français aux femmes dans la foule : « Je vous encourage à aller à l’école, à avoir de l’argent avant de vous marier. Comme cela, vous serez respectée. Si vous n’êtes pas d’accord avec quelque chose, vous dîtes :
ça non !», dit-elle sous les applaudissements de la foule. On voit bien que ces femmes n’ont pas peur des mots et qu’elles parlent en connaissance de cause dans leur volonté de briser le silence.
À partir de ce moment, c’était la folie sur scène : nous avons assisté à des performances de danses de plusieurs membres de la communauté tchadienne qui sont venus faire des pas de danse traditionnelle, au centre du cercle formé par les Aunties.
Le pas qu’ils faisaient souvent consiste en des mouvements saccadés d’épaules et de poitrine, un peu comme le Eskesta d’Éthiopie.
Un percussionniste s’est également mis de la partie en improvisant sur un des morceaux tandis qu’une des Aunties était aux platines, casque sur la tête avec une console devant elle. Par moment, Afrotronix venait régler des boutons sur la console de la DJ Aunty. En effet, c’était toute la communauté artistique tchadienne qui était dans la place et qui a contribué au succès de ce groupe original samedi soir. Morale de l’histoire : Il n’y a pas d’âge pour suivre ses rêves. Si les Aunties l’ont fait, alors tout le monde peut le faire.