M/NM nous promettait samedi une « expérience audiovisuelle immersive et méditative unique » sous le dôme de la Satosphère de la SAT (Société des arts technologiques), avec les interprtations pour piano seul d’Isak Goldschneider et d’Eve Egoyan sur des visuels de Elysha Poirier et de David Rokeby. Immersion calme et céleste, avons-nous observé sur place.
Isak Goldschneider avait le mandat de jouer deux œuvres cousines, bien qu’elles furent composées à des époques différentes. D’abord une œuvre du Québécois Hans Martin, Variations sérielles composée en 2024 et créée devant nous en ce samedi 15 février. L’environnement visuel de la vidéaste Elysha Poirier était propice à ce langage chromatique lentement déployé sur les ivoires. Pendant les 7 minutes de l’œuvre inédite, chaque note se pose doucement, se répandent ces explorations sur les 12 tons de la gamme à la manière d’une méditation. De prime abord, cette façon de faire nous semble connue sans se distinguer clairement, il faut une écoute très attentive afin d’en déceler la singularité, notamment dans les ruptures rythmiques, les effets de pédale et les accords minimalistes dans un contexte de sérialisme assumé.
S’ensuit l’exécution de Palais de Mari, imaginée par Morton Feldman il y a près de 40 ans, soit un an avant sa mort. L’inspiration originelle repose sur l’idée d’une visite virtuelle du palais du roi Zimri-Lim qui fut le dernier à régner sur Mari, cité plantée près de l’Euphrate il y a 4000 ans. Nous sommes ici dans une esthétique cousine de celle choisie par Hans Martin, et dont la création remonte à 1986. Les ponctuations sont plus franches et les constructions harmoniques atonales, typiques de cette période de la musique contemporaine. Les effets de réverbération y sont très présents dans les accords et les notes maintenues (tenuto), ce qui produit un liant sonore et renforce l’impression que les notes sont liées (legato), sans interruption apparente. Pendant 25 minutes, la visite imaginaire se poursuit dans une évocation post-moderne, parfois même futuriste, de ce palais plusieurs fois millénaire dont il ne reste que des ruines informes. D’où le minimalisme de cette œuvre où les motifs sont repris çà et là.
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Interprétée par Eve Egoyan, Simple Lines of Enquiry fut composée par feue Ann Southam (1937-2010) et prolonge ainsi cette proposition éthérée, onirique, hypnotique. Une fois de plus, les clapotis de note génèrent de la réverbération entre les motifs lentement construits. Les choix atonaux et la lenteur de l’exécution pianistique favorisent le visionnement la vidéo Machine for Taking Time de David Rokeby. Cette vidéo d’art projette des images presque fixes du centre-ville montréalais, souvent les toitures du boulevard Saint-Laurent, dont plusieurs ont été prises il y a longtemps – car plusieurs édifices ont émergé du sol depuis. Les même plans sont répétés au fil des saisons, on en contemple les changements atmosphériques, la neige et ou la verdure. Encore là, cette œuvre est typique des compositeurs contemporains du siècle précédent, idem pour la vidéo d’art projetée sur l’écran concave et qui n’a pas été conçu pour une telle immersion.
Autres temps créatifs, autres mœurs créatives…
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