Augmenter ou réduire l’instrumentation prévues aux partitions originelles de grands compositeurs, voilà l’exercice auquel s’est livré Jean-François Rivest à la barre de l’Orchestre de chambre I Musici de Montréal, jeudi soir dernier à la Salle Pierre-Mercure. Brahms et Beethoven furent les compositeurs desquels le maestro montréalais a « bricolé » de célèbres partitions, dans le contexte d’un programme intitulé Allemagne: la quintessence d’I Musici
« D’abord nous avons élargi le célèbre Sextuor à cordes no 1 en si bémol majeur de Johannes Brahms aux cordes complètes de l’orchestre, divisées en six parties avec une contrebasse ajoutée (comme Mahler l’a fait avec la Jeune fille et la Mort ou comme Schoenberg avec sa propre Nuit Transfigurée). »
Ainsi, on passait d’une œuvre pour six cordes qui passait à 18 instruments à cordes sans compter la contrebasse. Avant l’exécution, le maestro a résumé les choix effectués pour cette augmentation des données instrumentales.
Un de ses « choix éditoriaux » consistait à ajouter la contrebasse aux six parties de l’orchestre. « Où bien on met ou on enlève la contrebasse, qui joue l’octave inférieur. On y réfléchit collégialement avec Yannick (Chênevert), notre cher contrebassiste qui est toujours de bon conseil. »
Un autre de ses choix repose sur une alternance des réparties entre les parties de l’orchestre et les solistes. « Le jeu d’un soliste peut s’élargir au groupe, et devient une sorte d’extension fluide du sextuor. »
Ainsi l’œuvre composée en 1860 par Brahms au terme d’un séjour de quelques années au domicile de Clara Schumann (dont le mari au prises avec de sérieux problèmes psychiatriques avait été admis en institution) se voyait amplifiée par ces suppléments de cordes. L’effet est digne d’intérêt, on en garde l’impression d’une exécution plus soyeuse, plus charnue, avec une plus grande variété d’interventions individuelles.
Évidemment, il était plus facile pour les mélomanes présents à Pierre-Mercure d’évaluer la transformation inverse subie par la célébrissime Symphonie no 5 en do mineur op. 67, dite Symphonie du Destin, et son fameux TA-TA-TA-DAAAM en introduction.
« L’esprit dans lequel je l’ai fait est celui du quatuor à cordes. On sait que Beethoven fut un grand compositeur de quatuors à cordes, qu’il en a écrit un grand nombre. Ainsi, les vents sont remplacés par un quatuor à cordes de solistes. Bien sûr, si vous recherchez les mêmes qualités, vous risquez d’être déçus. Ce qui m’intéresse ici ce n’est pas l’éclat des trompettes et des timbales, c’est ici la fougue, la vitalité, l’énergie, les contrastes mais aussi le grand parcours de la symphonie… ce parcours du combattant de la révolution qui part de l’écrasement total et de la peur et qui la domine jusqu’à la fin de la symphonie dans un triomphe incroyable. »
Étonnamment, le retrait des 3 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 3 bassons, 2 cors, 2 trompettes, 3 trombones, et 2 timbales, sans compter la réduction massive des cordes à 19 instrumentistes, n’est pas aussi marquée qu’on ne l’aurait imaginé au départ. Preuve que Jean-François Rivest sait faire sonner un orchestre chambre pour ainsi titiller notre curiosité avec cette ingénieuse réduction d’orchestre.
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