Deux rédacteurs de PAN M 360 sont de retour de la 21e édition du Festival Musique Emergente (FME) de Rouyn-Noranda, une prise de possession musicale de la ville pour voir certains des meilleurs et des plus brillants groupes émergents du Québec, de l’Ontario et de la scène internationale s’adonner au rock alternatif, au shoegaze, à la new wave, à la dream pop, à la synthpop, à l’art rock, au psychédélisme et bien plus encore. Sans plus attendre, voici quelques groupes que nous avons voulu mettre en lumière le dernier jour du FME.
Hop la nuit avec Saints-Martyrs
J’ai beaucoup appris lors de mon premier FME. Et l’une des leçons les plus essentielles (que j’ai apprise très tôt), c’est qu’on ne sait jamais à quoi s’attendre de l’artiste suivant. C’est ce qui s’est produit lorsque nous nous sommes entassés une dernière fois dans le Petit Théâtre pour assister au dernier concert du festival : Saints Martyrs, un groupe québécois d’art-rock bruitiste.
Le set a commencé par ce qui s’annonçait comme dix minutes d’un préambule grinçant, avec une batterie touffue et sans rythme, une guitare grinçante et méandreuse, et quelques cris rauques et atmosphériques du chanteur, Frère Foutre – qui était habillé tel un Raspoutine devenu vampire, avec un long manteau noir et des bottes à plateforme excessivement élevées. Soudain, un plafonnier bon marché s’est allumé au-dessus de Foutre, la lumière rouge baignant son visage enfumé tandis qu’il prononçait ses paroles de toutes ses forces. Le guitariste Souffrance (portant un masque à gaz) a sauté de la scène plus d’une fois pour essayer de remuer la merde sur le sol, à un moment donné, il a presque plaqué une femme qui se tenait près de nous.
Si j’ai globalement apprécié Saints Martyrs, je dois admettre que je me suis gratté la tête à la fin, lorsque Foutre a ramassé la moitié de la batterie, s’est dramatiquement écroulé sur le sol en dessous, puis a commencé à se glisser laborieusement sur le ventre sur une vingtaine de mètres jusqu’au bord de la salle. J’ai dû l’enjamber pour me diriger vers la sortie – je ne sais toujours pas si c’était impoli ou si c’était vraiment ce qu’il espérait.
– Lyle Hendriks
Knitting émet la vibration existentielle
Né des cendres de la pandémie montréalaise, Knitting est un groupe de bedroom pop à la rencontre de l’indie rock qui a donné un concert relax, question de soulager de nos gueules de bois quotidiennes un dimanche après-midi. Avec ses guitares pincées, ses voix poppy-emo et sa section rythmique tout à fait synchro, Knitting exhale la chimie d’un groupe qui a dix ans d’existence, et qui n’a pourtant pas cet âge avancé – pour un groupe. Un peu à la manière de Blur et The Postal Service, le rock de Knitting était existentiel avec une dose de mélancolie, états ressentis (et difficile à éviter) en quittant la salle.
– Stephan Boissonneault
SAMWOY, cavale post-punk
Je n’ai assisté qu’à la fin du concert de SAMWOY au Cabaret de la Dernière Chance, mais je me souviens très bien avoir assisté à une interprétation punk rock du titre Sbwriel, alors que SAMWOY maniait un micro à rétroaction et une guitare à manivelle. Avec une musique aussi théâtrale que l’album Awkward Party de SAMWOY, je m’attendais à un peu plus de faste dans le set, mais j’ai été satisfait par un punk plus direct, mais quelque peu expérimental. Les petites histoires de SAMWOY sur le contexte des chansons étaient également une touche agréable, dérivant parfois vers ce qui ressemblait à des divagations post-punk, mais toujours divertissantes au maximum.
– Stephan Boissonneault
Comment Debord – que le funk soit avec toi
Funky, frais, dégustant chaque instant passé sur scène, le groupe rock montréalais Comment Debord était le début parfait de notre dernière journée au FME à Rouyn-Noranda. Le groupe a une approche détendue et décontractée, son rock groovy, si soigneusement peaufiné, semble presque sans effort. C’est particulièrement évident lorsqu’on observe la synergie magistrale entre le bassiste Étienne Dextraze-Monast et le batteur Olivier Cousineau, les deux formant un duo électrique qui a propulsé l’ensemble du set sans qu’aucun faux pas ne soit apparent.
Nous avons également eu droit à d’excellentes performances vocales de la part du groupe, avec des harmonies magnifiquement construites par chaque membre. On frappait dans le mille au moment opportun, ce qui permettait de mener un crescendo essentiel pour ensuite se fondre à nouveau dans un groove doux et charnu. Pendant tout ce temps, les cinq membres présents étaient rayonnants, totalement absorbés par chaque petit mouvement au programme. Il y a un sens du jeu et de la joie dans le travail chez Comment Debord, ces mecs ont fait en sorte que nous nous amusions au max tout au long du concert.
– Lyle Hendriks
LUMIÈRE, ou le glam au FME
Combinant le rock poilu des années 80, le classic rock des années 70 et l’esthétique androgyne et sexy qui dominera sans doute les goûts de notre proche avenir, LUMIÈRE a offert un spectacle étrange et merveilleux sur les rives pittoresques du Lac Osisko de Rouyn Noranda, dimanche soir. Emmenée par la chanteuse Étienne Côté (Canailles et Bon Enfant), la formation nous a entraînés avec passion dans un setlist serré et explosif de glam rock scintillant auquel il était difficile de résister. Côté, en particulier, apporte un charme irrésistible au spectacle, s’appropriant totalement la scène, hurlant et braillant à souhait.
À un certain moment, Côté a quitté la scène en galopant, tandis que ses phénoménaux choristes prenaient la relève, chantant, tapant sur la tête et entraînant la foule dans une frénésie totale. Entre-temps, Côté s’est glissé dans une tenue plus confortable, un justaucorps moulant avec des culottes et une poitrine ouverte. Avec autant de théâtralité et d’assurance, il était difficile voire impossible de détourner le regard de LUMIÈRE.
Karma Glider s’envole et s’imprègne du soleil dans le parc
Après avoir vu JP de Mothland s’illustrer comme bassiste remplaçant pour La Sécurité, je me doutais bien que nous allions assister à un autre de ses projets au FME. C’est ce qui s’est passé avec Karma Glider, le quartette shoegaze pop rock dirigé par Susil Sharma (Heat), par un magnifique dimanche soir. En toile de fond, un coucher de soleil sur le lac Osisko, alors que nous étions tous assis dans un amphithéâtre envahi par la végétation pour écouter ce rock alternatif, personnel et profond.
C’était vraiment l’endroit idéal pour écouter en temps réel des morceaux comme In Deep Ocean , Burning Up et le Lou Reed-esque Cherry , issus du premier album de Karma Glider, Future Fiction. Le FME devrait utiliser davantage cet amphithéâtre, car nous nous attendions tous à ce qu’un autre groupe surgisse après Karma Glider pour profiter davantage de la nature.
– Stephan Boissonneault
Hippie Hourrah, tableaux d’une exposition au FME
Ces gars savent comment faire du rock psychédélique groovy qui, bien que bourdonnant, oscille entre les genres, sans jamais s’éterniser. La fantastique musicalité de Hippie Hourrah à la Guinguette chez Edmund, sur l’eau, a été un ajout bienvenu juste après Karma Glider. Le public a adoré, surtout la femme qui a fait trois fois du crowd-surf.
Ce n’est que plus tard que j’ai appris qu’elle était suivie par une troupe de cirque et qu’elle avait répété le crowd surfing à plusieurs reprises, ce qui a un peu enlevé le côté inédit de la chose. Malgré tout, Hippie Hourrah est une véritable source d’inspiration, surtout pour les jeunes de Rouyn-Noranda qui jouaient de la air guitar près des fleurs. Qui sait, peut-être joueront-ils un jour au FME et pourront-ils remercier Hippie Hourrah.
– Stephan Boissonneault
Tukan fait 3 en 3
Le groupe bruxellois de techno/jazz/post-rock analogique Tukan était LE spectacle à voir au FME – et c’est une bonne nouvelle, car vous avez eu trois occasions de le faire. D’abord le vendredi devant la Fonderie Horne, hideusement industrielle (mais indéniablement cool), puis le samedi dans le sous-sol moite du Petit Théâtre, et une fois de plus le dimanche à l’Espace Lounge, Tukan a été une force de la nature au FME 2023, et tout cela à la demande générale.
Ayant vu les trois spectacles en trois jours, je suis rapidement passée du statut de non-initiée au Tukan à celui de fervente adepte – chansons préférées et tout le reste. Ce qui m’a le plus frappé en regardant ces quatre jeunes artistes se produire soir après soir, c’est l’enthousiasme qu’ils éprouvent pour leur musique et la façon dont elle nous incite à bouger. C’est particulièrement évident lorsque l’on observe le synthétiseur Samuel Marie, qui est constamment au bord de l’euphorie totale, rayonnant sur la foule et ses compagnons de groupe alors qu’il conduit chaque chanson à travers ses étapes fluides et changeantes. Il y a une passion, un amour, un besoin de créer ce type d’art entre les quatre membres de Tukan, et cela vient avec une urgence électrique qui traverse l’air comme un éclair sous nos yeux émerveillés.
– Lyle Hendriks