Les chanteuses et chanteurs de la promotion 2024 de l’Institut canadien d’art vocal (ICAV) ont donné le coup d’envoi du premier concert de la vingtième édition de son Festival d’art vocal dimanche dernier. Réunis dans l’enceinte du Salon Richmond, ancienne église reconvertie en somptueuse salle de réception, la cohorte de jeunes artistes de la nouvelle génération a présenté un concert gala placé sous le signe de l’amour et de l’exubérance, interprétant plusieurs pages connues du répertoire lyrique, que ce soit des duos, des trios, quatuor ou grand chœur. Au cadre champêtre et soigné de l’endroit s’adjoignait une énergie bonne enfant incarnée tant par les interprétés que par Étienne Dupuis, co-directeur artistique et Nathalie Deschamps, metteur en scène du concert et coordonnatrice artistique de l’ICAV dans leur mot d’introduction. La complicité entre eux – elle a enseigné à Étienne Dupuis lorsqu’il était étudiant au Cégep de Saint-Laurent – a donné le ton de l’après-midi avec humour et légèreté. Leur allocution a surtout rappelé que le festival, au-delà d’être un événement artistique, ce festival et les événements de l’institut qui s’y rattachent demeurent une opportunité de formation et de travail ainsi qu’une plateforme d’expérimentation pour ces jeunes interprètes vocaux qui viennent s’y perfectionner. Ils étaient accompagnés par un petit ensemble à cordes dirigé en alternance par deux jeunes chefs en formation, Daniel Black et Madeleine Krick, ainsi que le chef d’expérience Simon Charette et des pianistes accompagnateurs également en formation à l’institut.
La qualité vocale d’ensemble des interprètes a été donnée en numéro d’introduction alors qu’ils ont entonné, se dirigeant vers la scène de manière processionnelle, la pièce « Climb Ev’ry Mountain » de Richard Rodgers extraite de la comédie musicale La mélodie du bonheur. Illustrant de manière symbolique le chemin parcouru, qui reste à parcourir pour atteindre ses rêves, elle a été rendue avec force, puissance et énergie. S’en est suivi un enchaînement de diverses pièces au caractère varié, allant de l’opéra mozartien au bel canto en passant par le vérisme, l’opéra français et l’opérette. Le quatuor « Bella Figlia Dell’Amore » extrait de Rigoletto fait partie des numéros les plus marquants. Les voix d’Abigail Sinclair (soprano, Canada), Maddie Studt (mezzo-soprano; États-Unis), Sébastien Comtois (ténor; Canada) et Keunwon Park (basse; Corée du Sud) ont chacune offert un bel accord vocal.
Comptant parmi un des stagiaires les plus expérimentés de la cohorte, le baryton canadien Geoffrey Shellenberg a fait mouche à chacune de ses présences, tant pour la maîtrise de sa voix que par son jeu d’interprète et sa présence sur scène. Son duo avec la mezzo-soprano Natalia Pérez Rodriguez, « Pronta io son » extrait de Don Pasquale de Donizetti, extrêmement vivant, pétillant et désinvolte, contrastait avec le caractère vindicatif de son Belcore dans l’air « Venti Scudi » de L’Elisir d’Amor chanté avec le Mexicain Jair Padilla, un ténor à la voix cuivrée et claire. Parmi les autres exécutions qui nous ont marqués, les deux extraits du Consul de Menotti, exécutés avec une rondeur sonore et une belle musicalité, les extraits de Carmen de Bizet, dont le trio « Mêlons, mêlons! » nous a permis de découvrir le timbre grave d’Isabella Cuminato, ainsi que les numéros tirés des opéras de Mozart Die Zauberflöte et Cosi fan tutte qui ont fait découvrir un ensemble de chanteurs et chanteuses aguerris tant vocalement qu’au niveau de la présence scénique. Surprise au programme, un peu comme un clin d’œil à son propre parcours, Étienne Dupuis a interprété l’air « Cortigiani, vil razza dannata » de Rigoletto avec une intensité et une maestria enlevante. La soirée s’est terminée par une interprétation du chœur « Brüderlein und Schwesterlein » de Die Fledermaus, chantée en français, question de lancer l’invitation à la représentation de l’opéra les 10 et 11 août prochains.
De ce concert de la cohorte 2024 de l’ICAV, nous en sommes ressortis avec une belle impression, malgré quelques petites faiblesses au niveau de la projection et de la diction de certains ainsi que des directions au podium parfois inégales. Rien qui ait été matière à venir déséquilibrer le concert. Cela prend beaucoup de détermination, d’investissement et surtout une bonne dose de plaisir à se mettre à nu vocalement. Pour un spectacle qui a été monté en trois jours, chacun et chacune ont présenté de belles qualités vocales qu’il nous tarde de contribuer à découvrir dans la programmation du festival.
crédit photo: Tam Photography
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