L’Ensemble Caprice et l’Ensemble ArtChoral, tous deux sous la direction du chef Matthias Maute, ont sonné la fin de la traditionnelle « saison des messies ». Devant une Maison symphonique fortement remplie pour un dimanche après-midi, les ensembles ont présenté leur version du fameux oratorio de Georg Friedrich Haendel.
D’emblée, il faut le dire : la version de Caprice n’est pas nécessairement pour les puristes. Déjà en ouverture, Matthias Maute a présenté avec les musiciens « son » Hallelujah, une composition patine moderne classique dans laquelle le public était invité à participer en entonnant une mélodie simple qui formait un contre-chant compétitif avec les chanteurs et chanteuses de l’Ensemble ArtChoral.
Si l’attente du public était d’assister à un Messie de Haendel conventionnel d’environ trois heures avec le ritualisme habituel qu’appellent les salles de concert et l’aura de cette œuvre, alors vous risquez d’être déçu. Parlez-en à ma voisine de siège qui n’a pas passé un bon moment entre les interventions sympathiques de Matthias Maute et les applaudissements répétés du public entre les mouvements – que le chef n’a d’ailleurs jamais corrigés. Nous pouvons vivre avec des applaudissements sincères entre chaque air, dans la mesure où le contexte familier amené par Maute s’y prêtait. Mais des applaudissements pendant que l’orchestre s’affaire à donner la note pour le départ d’un récitatif… Au moins, cela n’est arrivé qu’une fois!
Cela étant dit, ces écarts aux usages du décorum n’affectent en rien la qualité globale du rendu de l’œuvre et de l’expérience musicale. La sélection des passages effectuée par Maute ne venait en aucun cas modifier le récit de la Nativité qui est au cœur de l’œuvre. La présentation qu’il a faite de chacune des parties, en déclinant les passages importants et la nature des interventions des personnages, était une médiation fort bien venue qui donnait à ce concert une ambiance ludique. La performance, quant à elle, était vocalement et musicalement engageante, magnifiée par une dynamique de scène qui se rapprochait pratiquement plus de l’opéra que de l’oratorio à la dimension plus austère. Les quatre solistes ont offert des performances senties et incarnées dont les affects ont encore une fois été mis en valeur par la présentation de Maute. Marianne Lambert était un ange Gabriel qui volait effectivement très vite avec des vocalises véloces et aériennes portées par un son cristallin. Sa performance, tout en contraste, de l’air « I know that my redeemer liveth » a été parmi les plus beaux moments du concert. La contralto Rose Naggar-Tremblay, même si elle n’avait pas le plus grand nombre d’interventions, les a livrées avec un sens dramatique où elle était autoritaire et « crachait du feu », notamment dans l’air « But who may abide the day of His coming ». Emmanuel Hasler, qui a aussi fait montre d’une présence scénique incarnée, était juste et royal dans ces interventions portées par un timbre cuivré, alors que Geoffrey Salvas en tant que « prophète qui aura réponse à toutes nos questions » était impérial et inquisiteur dans son air « The trumpet shall sound ».
Aux performances des solistes, les chanteurs et chanteuses de l’Ensemble ArtChoral ont également fait forte impression dans une performance rigoureuse. Les intonations étaient justes, les nuances et dynamiques exécutées avec soin et intelligence. L’intelligibilité du texte était précise du début à la fin et entonnée avec vigueur. Seul petit accroc technique du concert : une confusion à l’orchestre pour une entrée royale de percussions et de trompettes précédant l’« Hallelujah ». Pour ajouter à la vivacité du concert, l’assistance s’est instinctivement levée alors que l’ensemble a entonné l’emblématique pièce.
Au final, dans la pléthore de concerts du Messie qui peuple le temps de l’Avent, la version de Caprice et d’ArtChora est un excellent compromis entre le traditionnel et l’accessible où la rigueur et la qualité ne sont en aucun cas sacrifiées. Au contraire, ce n’est que pur plaisir.
crédit photo: Tam Lan Truong