musique contemporaine

Émanants (Ensembles ILÉA & Bakarlari) – Composer pour l’espace; spatialiser avec l’auditoire 

par Laurent Bellemare

Vous vous promenez dans les couloirs de la Chapelle Cité-des-Hospitalières, entre les drones graves des synthétiseurs modulaires et les bruits de clés des instruments à vent. Les interprètes habitent totalement l’espace, en mouvement ou juchés au troisième étage. Les sonorités acoustiques des instruments traditionnels s’y confondent parfaitement avec celles des instruments amplifiés et électroniques. Par votre trajectoire, vous complétez la spatialisation de cet espace sonore plein et conçu pour le lieu. De quoi raviver la flamme du happening en musique contemporaine.

Dernière d’une série de quatre représentations, le spectacle Émanances présenté par les ensembles ILÉA et Bakarlari, en partenariat avec Innovations en concert, exemplifiait élégamment le type de proposition qui ne se capture qu’en présentiel. Ces deux ensembles chevronnés en improvisation ont constitué un programme d’environ 1h15 où le jeu collectif spontané et les pièces pour solistes se succédaient, selon une progression cohérente. Pour la plupart, ces transitions se sont faites de façon très fluide, brouillant les débuts et les fins de pièces. 

À son meilleur, cette fluidité créait un réel continuum sonore, particulièrement frappant entre la cinquième improvisation et la pièce Une musique soluble dans l’air, interprétée à l’orgue par Gabrielle Harnois-Blouin. Très envoûtante, cette composition de Kevin Gironnay construisait, variait, puis déconstruisait de belles harmonies statiques rappelant la musique d’une Ellen Arkbro. C’est également dans un tel statisme que se déployaient bon nombre de ces compositions imaginées pour le lieu. Pensons à Corps suspendu / Ballet for Past Skin de Kim Farris-Manning, interprétée par la clarinettiste basse Charlotte Layec. Cette œuvre faisait notamment usage de boucles activées par un looper et par-dessus lesquelles des contre-mélodies produisaient un effet de lamentation. À certains moments, ce qui semblait être d’un regain d’amplification et de distorsion de l’instrument  enrichissait la palette de timbres, tout comme les interventions chantées et déclamatoires. 

En contraste, une œuvre comme Ruderalia, écrite par Olivier St-Pierre pour la trompettiste Émilie Fortin, était beaucoup plus éparse dans ses articulations et faisait bon usage du silence. La pièce exposait par ailleurs de nombreuses techniques étendues, interprétées avec dynamisme et virtuosité. Mentionnons aussi le grondement massif de basses fréquences qu’était  Insightful, Instructive, Geometrically Satisfying! d’Andrew Noseworthy. 

Interprétée aux synthétiseurs modulaires par Pierre-Luc Lecours, cette pièce a immédiatement mené le public à se déplacer pour recevoir de plein fouet toutes ces vibrations selon divers points d’écoute. Si cette œuvre a fait entrer la chapelle entière en vibration, sa transition avec l’improvisation suivante est toutefois tombée un peu à plat. Plus tard, un “Remix” de cette même œuvre est venu installer un dialogue entre le tromboniste Kalun Leung et les résonances naturelles de la chapelle, dans un langage passant aisément de la rugosité au lyrisme.

Pour leur part, les sept improvisations ont su captiver l’attention d’une manière ou d’une autre. Entre les qualités spectrales du quatrième segment, qu’on aurait pu confondre avec une œuvre de Gérard Grisey ou de Tristan Murail, et les harmonies lumineuses de Bakarlari sur le cinquième, la plupart des textures que l’on aurait pu souhaiter d’une musique si contemplative ont été exploitées. On a également eu droit à une montée progressive en intensité dans la deuxième improvisation, alors que tous passaient d’une certaine quiétude à des sonorités instrumentales plus hurlantes. C’est également sur un moment de création spontanée que le concert s’est terminé, dans une sorte de transfert d’énergie d’un interprète à l’autre, réexposant une dernière fois les qualités de solistes de chacun avant de s’éteindre sur une improvisation vocale qu’on aurait voulu plus longue.

Alors qu’on accepte de facto le décorum classique et les programmes décousus dans le monde des musiques nouvelles, c’est un événement comme Émanants, entièrement sculpté pour un lieu et selon un récit expressif réfléchi, qui justifie réellement de se déplacer pour entendre de la musique contemporaine en direct.

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