Il faut le voir pour le croire : après plus de vingt ans de carrière, Kap Bambino continue de se déchaîner en brûlant sur scène une énergie brute et chaotique, aussi viscérale qu’à ses débuts. Caroline Martial, la chanteuse, incarne littéralement cette fureur. Incontournable boule de feu, elle court, saute, hurle, se tord dans tous les sens, absorbée corps et âme par la violence de la musique. Ce son, un synth-punk saturé et nerveux, ne laisse aucun répit. Chaque morceau est une décharge d’adrénaline brute, repoussant constamment les limites de l’endurance physique, autant pour le groupe que pour le public.
Le Dôme de la SAT, d’ordinaire un espace de contemplation immersive, s’est transformé en arène frénétique. C’était la première fois que j’y voyais des mosh pits. La foule, galvanisée par l’énergie viscérale de Kap Bambino, semblait littéralement vouloir exploser. Les visuels de TIND accompagnaient cette folie avec des esthétiques glitchées, des textures lourdes et fragmentées, comme si l’image éclatait sous la pression sonore. Les stroboscopes fulguraient au rythme des kicks saturés, faisant fondre la réalité dans un chaos sensoriel total.
En ouverture, Alix Fernz avait déjà plongé la salle dans une tension poisseuse, presque suffocante. Sa présence scénique est magnétique, teintée d’une noirceur noise punk abrasive. Contrairement à l’explosion physique de Kap Bambino, Alix Fernz exerce une emprise plus insidieuse. Les textures sonores sont lourdes, distordues, construites comme un lent empoisonnement qui s’infiltre. Chaque battement, chaque cri semble dissoudre la barrière entre performeur et public, jusqu’à ce que la salle entière ne devienne qu’une masse organique pulsante.
La transition entre les deux performances a été brutale. Alix Fernz avait laissé la foule en état d’hypnose maladive, puis Kap Bambino est arrivé comme une détonation. Là où l’un sature l’espace de tension, l’autre l’explose d’énergie brute. Le résultat : une immersion totale, un sentiment d’être physiquement aspiré dans l’univers de chaque artiste.
C’est précisément ce qui rendait cette soirée unique. Les visuels de Kaminska, plus fluides et organiques, tentaient tant bien que mal de maintenir une forme de cohérence visuelle face au chaos sonore. Mais la force brute de Kap Bambino l’emportait systématiquement. C’était comme se faire écraser par un train après avoir lentement sombré dans un marécage sonore. Une collision frontale entre deux intensités diamétralement opposées,
mais tout aussi marquantes. La soirée s’est terminée avec DJ Raven et ses sons new wave et funk nous a fait redescendre sur terre avec des classiques comme Kiss de Prince.
En quittant le Dôme, il régnait une étrange sensation de flottement. Comme si ce qui venait de se produire relevait d’un cauchemar euphorique, un moment de déréalisation totale. Cette soirée était un rappel brutal de ce que la musique live peut encore provoquer : un dérèglement des sens, une perte de contrôle, et cette douce violence qui reste imprimée dans le corps longtemps après la dernière note.