L’orchestre baroque Arion et le Studio de musique ancienne de Montréal (SMAM) unissaient leurs forces samedi soir à la Maison Symphonique pour le lancement de leur saison respective. Pour l’occasion, un programme dédié aux œuvres composées pour différents souverains britanniques de l’époque. Soulignons que 2024-2025 marque la 50e saison du SMAM.
Afin d’être équitable, les deux chefs respectifs dirigeront chacun une moitié de concert et c’est Andrew McAnerney (SMAM) qui s’occupe de la première partie. Malheureusement, le Zadok the Priest de George Frideric Handel qui ouvre le concert manque de direction. Les 22 mesures qui précèdent l’entrée du chœur doivent être interminables de par leur lente progression harmonique, au point que ladite entrée se présente comme une véritable révélation. Or, il y a peu de mouvement et le chœur, malgré une bonne puissance, ne réussit pas à combler le manque. God save the King (à ne pas confondre avec l’hymne national du même nom) est la meilleure partie de cette pièce, grâce à l’agilité démontrée par les choristes dans leurs vocalises, réalisés dans une vitesse rapide.
Ensuite vint deux anthems a capella, dans lequel il a été possible d’admirer les prouesses vocales des choristes. D’abord, dans O Lord, may Thy servant Elizabeth our Queen de William Byrd, la justesse fait frissonner et par la douceur de leur timbre alors que dans le magnifique O Lord, grant the King a long life de Thomas Weelkes, la direction appliquée à chaque longue note permet aux sept voix de se faire entendre aisément et de dicter le phrasé.
Il incombe aux directeurs musicaux de nos institutions de décider quelles œuvres s’accrocheront aux fleurons du répertoire pour compléter un programme. Parfois, il appert que l’on subisse une œuvre peu intéressante, manifestement placée pour « faire du temps ». Mais heureusement, et ce fut le cas ce soir, on a droit à une découverte totale d’un bijou que l’on se dit qu’il faudrait revoir en présentiel au moins une autre fois dans sa vie. Les trois anthems pour le couronnement de George III de William Boyce font maintenant partie de cette liste. Le premier anthem est vif, la partie lente pleine de douceur et la fin flamboyante et se termine avec un super beau retard dans la cadence. Le deuxième est sublime, avec comme seul accompagnement le continuo, laissant toute la place au chœur. Me souviens plus du 3e.
L’anthem qui termine la première partie tombe à plat, malheureusement. Dans My Heart is inditing de Handel, la direction de McAnerney est discrète et manque un peu d’énergie. Il dirige surtout le chœur, qui répond avec beaucoup d’aplomb, mais laisse trop souvent l’orchestre à lui seul.
Au retour de l’entracte, c’est Mathieu Lussier qui prend la direction dans Music for the Royal Fireworks du même Handel. Sa direction est beaucoup plus engagée et démontre bien les articulations voulues. Dans l’ouverture, les cuivres mènent le bal avec des crescendos francs. On lève notre chapeau aux hautbois et bassons dans la bourrée et le premier menuet pour leur légèreté et l’équilibre sonore.
Dans les deux derniers anthems, Lussier dirige les deux ensembles comme un seul. On remarque les mêmes articulations chez les musiciens et les choristes, plus que dans la première partie. Par exemple, dans Let justice and judgment, deuxième extrait du Let thy hand be strengthened, on sent tout le poids qui est mis sur chaque premier temps de chaque mesure, tant dans l’introduction que dans chaque entrée du chœur.
En guise de rappel, les chefs McAnerney et Lussier ont offert le célébrissime Hallelujah du Messiah, invitant le public à chanter avec les artistes. Le rapport avec la royauté ? La petite histoire raconte que c’est directement en lien avec la tradition que le public se lève à dans les représentations du Messiah. Lors de la première londonienne, le roi George II se serait levé à ce moment précis lorsqu’il entendit les paroles répétées « King of kings, and Lord of lords ».
Et quand le roi se lève, tout le monde se lève.