Wynton Marsalis, gardien du temple

par Alain Brunet

Il y a environ 80 ans, une part congrue du jazz afro-américain est devenue musique savante. Tout en puisant dans la culture populaire, d’abord le blues, dans les musiques de fanfares afro-américaines et puis dans les grands airs de Broadway et autres musiques de masse en Amérique, le jazz moderne a transformé cette matière en musiques complexes, destinées à des auditoires avertis comme le sont ceux des musiques classiques occidentales.

On vit alors s’imposer des créateurs de très haut niveau au cours des années 40, 50 et 60. C’est ce corpus précis que le grand ensemble du trompettiste Wynton Marsalis s’applique à explorer et mettre de l’avant depuis les années 90.. 

On a souvent décrit le trompettiste et directeur artistique comme un intraitable puriste, esprit conservateur selon qui ce qui s’est créé dans le jazz à partir des années 80 n’était que dérive et édulcoration. Si on ne s’en tenait qu’à la prestation du supravirtuose et de son big band au Festival international de jazz de Montréal, on pourrait ainsi conclure. Ce serait une erreur, car Wynton a maintes fois fait preuve d’ouverture d’esprit en incluant des œuvre contemporaines de musique impliquant l’improvisation. Contre toute attente, Wynton est moins crispé qu’on le prévoyait dans les années 80.

À la salle Wilfrid-Pelletier, c’était néanmoins le retour à la leçon d’histoire : Thelonious Monk, Duke Ellington, Billy Strayhorn, Charles Mingus, Kenny Dorham et autres œuvres récentes des membres de l’orchestre composées à la manière des grands concepteurs et improvisateurs ayant sévi à l’âge d’or du jazz moderne, on pense notamment à la manière de feu le pianiste Horace Silver. 

À l’instar des meilleurs orchestres de la planète musique, Wynton peut compter sur un noyau de musiciens fidèles et d’autant plus compétents : Chris Creenshaw (trombone), Victor Goines (saxo), Carlos Henriquez (contrebasse), Sherman Irby (saxo), Marcus Printup (trompette), Ali Jackson (batterie), pour ne nommer que ceux-là. Chacun fait preuve de haute virtuosité, chacun a été sélectionné par le leader new-yorkais (originaire de la Nouvelle-Orléans) comme un maestro sélectionne les meilleurs éléments d’un orchestre symphonique.  Et que dire de ses propres qualités de soliste: les deux séquences où il fut mis en évidence étaient tout simplement incroyables ! Personne ne fait ce qu’il fait à la trompette, point barre.

Je me souviens, lorsque j’étais dans la vingtaine, avoir réprouvé cette approche de Wynton, la considérant rétrograde et crispée. Quatre décennies plus tard, je ne vois plus les choses ainsi. Nous avons effectivement besoin de virtuoses, interprètes, improvisateurs, arrangeurs et leaders dont la mission première est de perpétuer la grande musique de jazz afro-américaine, dont les principaux compositeurs et leaders ont la stature des plus brillants concepteurs de la musique classique de tradition européenne. 

À ce titre, Wynton Marsalis demeure le champion toutes catégories.

https://www.youtube.com/watch?v=MvOB8fmYGBU&t=4s

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