« Je mens toujours aux étrangers – Je suis un dépravé – Ceux qui dirigent le monde – Le sont bien plus que moi » : que voilà de sombres propos chantés par John Mellencamp dans I Always Lie to Strangers, pièce d’ouverture de Strictly a One-Eyed Jack. Vers la fin de l’album, la chanson Lie to Me met encore le mensonge en vedette : « Je ne me suis jamais soucié – De dire la vérité – Donc mens-moi – J’y suis si habitué »… Tel est l’étendue du désabusement de ce vénérable chansonneur du cœur des USA, devant la gangrène qui ronge le cœur de son pays. Désormais septuagénaire, Mellencamp n’a jamais vu aussi lucidement la réalité, même si son fils Speck l’a affublé d’un cache-œil – comme John Wayne dans True Grit – sur le portrait qui illustre ce 24e album studio. Renvoi direct au titre de l’album et à la pièce Simply a One-Eyed-Jack, où John nous invite à nous méfier du valet vu de profil, cette carte convoitée mais trompeuse (« Il faut agir sinon nous serons les victimes – Du valet borgne qui nous ment »). Strictly a One-Eyed Jack est donc un voyage au cœur du mensonge… et de l’americana le plus émouvant. Le larynx de Mellencamp tient le coup, bien qu’on le sente esquinté par les trois paquets de clopes par jour que fumait jadis son propriétaire. Menée par Andy York, la troupe roots-rock d’élite qui accompagne le « Little Bastard from Indiana » joue plus juste que jamais. Toute en nuances comme sur la ballade enfumée Gone So Soon. Ou en puissance comme sur Lie to Me et ses riffs ruraux. Et en prime, Mellencamp est épaulé par son frère d’armes Springsteen sur trois pièces, dont l’hymne instantané Wasted Days.
