EMDE : au cœur de la culture malienne

Entrevue réalisée par Jade Baril
Genres et styles : blues mandingue

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Après avoir passé la majeure partie de sa vie au Mali, l’artiste Mamoutou Dembélé, alias EMDE, a déménagé à Montréal afin de propager son amour pour sa culture, pour son blues mandingue comme il aime nommer son style de prédilection.

Il se prépare donc à enflammer la scène avec un instrument unique façonné de ses propres mains, le bahouinou.

Le musicien et chanteur présentera son spectacle le 16 juillet à 15h au Festival International Nuits d’Afrique.

EMDE en discute avec Pan M 360.

PAN M 360 : Qu’est-ce qui t’a mené à faire de la musique?

EMDE : Premièrement, je suis né griot. Les griots sont les conservateurs de la culture. Ce sont aussi ceux qui sont les orateurs de l’histoire de l’empire mandingue. Cette tradition survit par le mariage et la progéniture de ceux qui sont griots. Ce sont ceux qui perpétuent la quiétude, dès qu’il y a des malentendus, ça se règle par l’entremise d’un griot. C’est celui qui amène la paix. Mon père et ma mère sont griots, ce qui fait de moi un griot à 100%.

Je suis la musique. C’est ma culture, cela m’appartient et je suis né là-dedans. La culture est ancrée en moi, je peux le sentir et je peux l’écrire. La patience, l’amour et la culture sont ce qui nous unit et nous permet d’amener la paix, l’amour et la prospérité. Ce qui nous montre la bonne voie c’est la musique et ainsi ce qui m’a mené à propager ma culture, c’est la musique.

PAN M 360 : D’où vient ton inspiration?

EMDE : Mon inspiration vient de ma culture et de ma mère. J’aurais aimé faire plus de musique avec elle. Ma mère chantait pour nous lorsqu’il y avait un anniversaire à célébrer. C’était la tradition. Je ne sais pas si c’est comme au Québec, mais en Afrique, lorsqu’une personne chante directement à une autre, c’est une façon de faire plaisir et de célébrer d’où il vient. Donc, ma mère, sa voix, sa façon de chanter, ça m’a beaucoup touché et ça m’a donné le plein d’amour pour faire de la musique.

PAN M 360 : Comment as-tu eu l’idée de créer ton propre instrument?

EMDE : Je joue de plusieurs instruments de l’Afrique de l’Ouest, dont le n’goni et la kora. Le n’goni commence à une seule corde et peut aller jusqu’à 8 cordes. J’ai inventé une version plus moderne de cet instrument, qui est aussi unique puisqu’on ne le retrouve nulle part ailleurs. Le nombre de cordes est différent. Sur mon instrument, j’en ai 15. La forme de l’instrument est aussi retravaillée. Bahouinou signifie «les cordes de l’homme». J’ai eu cette idée parce que j’aime la musique et j’aime ma culture. La mission qui est en moi est de partager ma culture tout en faisant quelque chose d’innovateur tout en ayant un nom aussi unique. Je l’ai construit en 2002, ce qui fait déjà 19 ans. Ça m’est venu comme ça. J’aime aller au-delà de ma passion pour ouvrir de nouvelles portes.

PAN M 360 : Pourquoi est-il ton instrument de prédilection? Qu’est-ce qu’il a de particulier qui surpasse tous les autres instruments dont vous savez jouer?

EMDE : Ça peut être surprenant puisque l’instrument premier dans ma culture est le balafon. Je trouvais que le son du bahouinou se mariait bien avec le ton de voix que j’ai. Je partage mieux mon esprit avec mon instrument qu’avec tous les autres. Je le maitrise à la perfection. J’ai la chance de pouvoir jouer et chanter en même temps. Ce n’est pas tout le monde qui a cette capacité. Le plus souvent, c’est l’un ou l’autre. Ma mère m’a appris à jouer d’un instrument en même temps que de chanter. Elle m’a fait énormément pratiquer, et voilà où j’en suis.

PAN M 360 : Avec ton groupe, tu as été nommé grand gagnant du concours les Syli d’Or en 2019 en plus du coup de cœur du CAM et du prix américain Afropop Worldwide seulement 10 mois après ton intégration à la scène musicale montréalaise. Quel est l’impact sur ta carrière?

EMDE : Pour moi, c’était un grand privilège de partager ma culture aux Syli d’Or et d’avoir la chance d’être sélectionné pour le Festival Nuits d’Afrique. Le Québec m’a bien accueilli. Même si j’ai habité la grande majorité de ma vie au Mali, je suis chez moi aussi au Québec. Je suis arrivé le 3 juin 2018 et finalement en 2019 je suis déclaré grand gagnant des Syli d’Or et déclaré coup de cœur pour les autres événements. La culture ne ment pas. Tous les jurés qui ont participé aux Syli d’Or ont reconnu mon travail et perçu ce que j’ai en moi. Ce n’est pas tout le monde qui a les connaissances sur le type de musique que je produis. Tu peux avoir du talent et du potentiel, mais quand ça concerne un concours, ce n’est pas tout le monde qui peut reconnaître ces capacités. Ils reconnaissent que j’ai l’art en moi. J’ai aussi inventé mon propre style, le blues mandingue. Je fusionne ma culture avec du blues comme dans la gamme pentatonique. C’est un grand privilège pour moi sur le plan de la reconnaissance. De plus, il y a l’impact sur le public. Le peuple québécois a pu me découvrir. Certains ne connaissaient pas mes origines africaines et qui sont plus qu’emballés d’en connaître davantage grâce à ma musique. Je me sens encore plus vivant lorsque les gens aiment ce que je fais. Ça me touche énormément.

PAN M 360 : Vous avez du succès dans plusieurs pays. Pourquoi avoir choisi Montréal pour développer votre carrière artistique à l’international?

EMDE : C’est l’amour. Il faut aimer un pays par ce qu’il dégage comme valeur ou il faut aimer quelqu’un dans ce pays. J’ai tout simplement suivi mon cœur et mon intuition. J’ose et je n’attends pas.

PAN M 360 : Vous travaillez présentement sur votre troisième album. Comment celui-ci se différencie-t-il de vos deux premiers?

EMDE : Avec cet album, j’ai vraiment été au bout de mes idées. Je reste dans le même style de blues mandingue, mais puisque ma culture est grande et vaste, j’ai pu créer des morceaux qui vont dans plusieurs directions. J’ai profité de cette qualité de ma culture pour le troisième album. La musique risque de sonner très différente, car le public n’aura jamais entendu quelque chose de semblable, et c’est le but. Je veux toujours progresser dans mon son pour transporter les gens dans un autre univers. Mon troisième album devrait paraître en 2022. La pandémie a retardé toute la démarche artistique. C’est nous qui avons décidé de reporter le tout à 2022. Le travail a tout de même été fait, mais plus lentement que prévu. Il ne reste plus que de finaliser l’ensemble de l’album et d’évaluer la situation de la COVID. 2022 va être une nouvelle année de partage.

PAN M 360 : À quoi peut-on s’attendre de votre spectacle au Cabaret Nuits d’Afrique?

EMDE : Premièrement, nous ne serons que trois sur scène puisque les restrictions sanitaires m’empêchent de jouer avec le groupe fou dont j’ai l’habitude d’être accompagné pendant un concert. Nous devons respecter la distanciation et nous jouons sur une petite scène, donc il faut s’adapter. Deuxièmement, le spectacle ne sera pas moins excitant, car je vais être accompagné de percussions comme des cymbales ou des caisses claires et de cordes comme le n’goni et la guitare acoustique.

PAN M 360 : Avez-vous d’autres projets?

EMDE : Oui, j’ai plusieurs projets! J’ai trois dates de concert pour cette année, mais pour le reste, nous avons tout reporté à 2022. Je devais aller jouer sur une grande scène en Gaspésie, mais j’ai tout de même la chance de faire quelques scènes avant la fin de l’année. L’année prochaine, je vais faire la tournée du CAM ainsi que de participer dans de nombreux festivals.

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