Zygmunt Krauze (né en 1938) a exercé à peu près tous les métiers possibles en relation avec le monde de la musique. Il est un pianiste primé, mais il a aussi enseigné la composition, il a été conseiller artistique à l’IRCAM, président de la Société polonaise de musique contemporaine, et bien d’autres choses encore. À titre de compositeur, il est l’auteur de nombreuses œuvres pour ensemble ou pour orchestre, d’opéras, de musiques pour le théâtre et de “musiques spatiales” (pour des installations). Il est aussi l’un des rares représentants de l’unisme en musique (l’unisme est une théorie développée par le peintre polonais Wladyslaw Strzeminski et qui s’applique d’abord aux arts plastiques). Cela se traduit par une musique qui évite les contrastes forts et cherche au contraire à produire une sonorité homogène.
L’ensemble Spółdzielnia Muzyczna (ou « coopérative de musique ») est composé d’une dizaine de musicien.ne.s et le compositeur s’ajoute au piano sur deux pièces, dont la très particulière Poem of Apollinaire (2016), écrite pour « pianiste/récitant jouant sur un piano droit désaccordé et 12 instruments optionnels ». Le poème de Guillaume Apollinaire “La Jolie Rousse” est déclamé en polonais par le pianiste, qui plaque régulièrement des accords aux harmonies savamment tordues avant de se lancer dans une mélodie qui donne un peu le tournis.
Le compositeur aime bien varier les textures sonores ; dans Song (1974), écrite pour « 4 à 6 instruments mélodiques optionnels » (ici : flûte, clarinette, saxophone, 2 violons, alto et violoncelle – oui, ça fait 7), les instrumentistes doivent fredonner des bouts de leur partition, tandis que dans De ira, de dolore (2022), c’est un couche de sonorités électroniques vaporeuses qui soutient un ensemble qui se maintient pas mal dans le fortissimo (les cordes sont frottées avec force, le son du sax ou de la clarinette est saturé, etc.).
Le Quatuor pour la naissance (1985) est écrit pour la même configuration que celle du Quatuor pour la fin du temps (1940) d’Olivier Messiaen, soit violon, violoncelle, clarinette et piano. L’ensemble présente d’ailleurs à l’occasion les deux pièces au même programme. L’écriture du quatuor de Krause lui aurait été inspirée par une visite à l’hôpital pour assister à la naissance de son fils, un moment qu’il a décrit comme empreint de « violence, de douleur, d’espoir, de joie et d’amour ». La pièce se termine sur quelques notes de piano en solo, la toute dernière étant très sèche et très courte, presque comme si l’enregistrement avait été coupé. Elle est suivie par Elegy (2022), pour violon, violoncelle et piano, qui débute comme se terminait la précédente, dont elle semble vraiment être la suite.
Excellent programme, très belles interprétations, bonne production, bref, la meilleure façon de mettre la musique de Zygmunt Krauze en contexte.