William Tyler a grandi à Nashville, la capitale de la musique country, avec des parents musiciens. Mais, dès le début de sa carrière de guitariste, avec son premier album solo, Modern Country (2016), il s’est présenté comme une branche « expérimentale » du country, avec des guitares réverbérantes, parfois dissonantes.
Neuf ans plus tard, Time Indefinite pousse l’expérimentation à un niveau inédit.
William Tyler a été guitariste pour les groupes alternatifs de Nashville Silver Jews et Lambchop au début des années 2000. Sa carrière solo est essentiellement instrumentale. L’amateur invétéré de guitare americana instrumental que je suis pense tout de suite à Robbie Basho, Leo Kottke et, particulièrement John Fahey, qui n’hésitait pas à ajouter des ambiances sonores à ses improvisations de guitares.
Toutefois, sur Time Indefinite, on entend beaucoup moins de guitare que dans les disques précédents. Tyler s’est mis à enregistrer des sons ambiants un peu partout à Nashville et en écoutant des médias. Et avec l’aide du réalisateur Jack Davis, il a distortionné, mis en boucle, transformé ces matériaux.
C’est comme si John Fahey rencontrait les compositeurs Gavin Bryars ou La Monte Young.
La première pièce, Cabin 6, est clairement d’inspiration électroacoustique, avec des sons étranges, qui laissent place à une musique introspective, issue d’on ne sait pas trop quel type d’instrument.
Après, la guitare revient, avec beaucoup d’échos, se mélangeant à d’autres ambiances en boucle. Tyler use beaucoup moins ici de sa virtuosité guitaristique, pour plutôt nous plonger dans des atmosphères, parfois malaisantes, parfois doucereuses.
On pense souvent à une bande son cinématographique. On entend des voix chorales distordues, des boîtes à musique, des sons rappelant tantôt des usines, tantôt la nature. Et de la guitare.
William Tyler l’avoue sur Bandcamp: il a vécu des années difficiles récemment. Dépression, alcoolisme. Ce musicien est aussi très inquiet de ce que son pays est en train de devenir politiquement.
Time Indefinite est le résultat de toutes ces angoisses, mais le résultat en musique n’est pas apocalyptique. Il se dégage de tout cela une beauté sombre, mais apaisante.
William Tyler est un artiste singulier, adulé par beaucoup de musiciens de l’Americana alternatif. On comprend pourquoi en écoutant ce dernier opus et ça donne le goût de replonger dans son travail antérieur.