Pro Musica | Le pianiste prodige Jaeden Izik-Dzurko : « sérieux », « introverti » et… extrêmement raffiné

Entrevue réalisée par Alain Brunet

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L’an dernier, Jaeden Izik-Dzurko fut le premier lauréat canadien d’un volet instrumental du Concours Musical International de Montréal (CMIM), tout un exploit. Autre accomplissement épique dans la même foulée en 2024: The Leeds International Piano Competition, rien de moins. En 2021, la CBC avait déjà nommé le pianiste l’un des « 30 musiciens classiques canadiens de moins de 30 ans ». Ce statut prestigieux fait suite à de nombreuses récompenses, accolades, apparitions avec de nombreux orchestres et chefs d’orchestre renommés, bref, tous ces événements qui définissent une grande ascension dans le monde classique. Quatre ans après la révélation de CBC, Jaeden Izik-Dzurko mène une carrière internationale en tant que soliste, les férus montréalais de piano assisteront à son récital du dimanche après-midi à la salle Pierre-Mercure. C’est exactement pour cette raison qu’Alain Brunet s’est entretenu avec ce plus qu’excellent musicien.

PAN M 360 : Quel impact réel cette reconnaissance significative a-t-elle eu sur votre carrière depuis lors ?

Jaeden Izik-Dzurko :Je considère que j’ai beaucoup de chance d’avoir un agenda de concerts très chargé et de pouvoir partager ma musique avec des publics plus larges dans le monde entier.

PAN M 360 : Au-delà de votre remarquable virtuosité, comment définissez-vous votre personnalité pianistique ?

Jaeden Izik-Dzurko : Il est assez difficile de caractériser son propre jeu, mais je me considère comme un interprète sérieux et introverti. J’aime présenter des œuvres de grande envergure avec des récits musicaux ambitieux, voire monumentaux.

PAN M 360 : Quelles sont, selon vous, les caractéristiques les plus évidentes de votre jeu ?

Jaeden Izik-Dzurko : Je crois que l’une de mes forces pianistiques est la superposition : maintenir la clarté et des formes indépendantes dans plusieurs lignes mélodiques simultanées. C’est une qualité que possèdent mes pianistes préférés et que je m’efforce de cultiver dans mon propre jeu.

« Né à Salmon Arm, en Colombie-Britannique, Jaeden a obtenu sa licence de musique à la Juilliard School avec Yoheved Kaplinsky et sa maîtrise à l’Université de Colombie-Britannique avec Corey Hamm. Il a également été l’élève de Ian Parker. Il étudie actuellement avec Jacob Leuschner à la Hochschule für Musik Detmold et Benedetto Lupo à l’Accademia Nazionale di Santa Cecilia ».

Q : Quels ont été les enseignants les plus influents dans cette sélection de maîtres ?

Jaeden Izik-Dzurko : J’ai la chance d’avoir bénéficié des conseils et de l’expertise inestimables de nombreux professeurs exceptionnels. Je leur suis extrêmement reconnaissant de l’empreinte qu’ils ont laissée sur ma formation musicale. L’influence la plus importante est peut-être celle de mon mentor, Corey Hamm, qui m’a encadrée pendant mes années de formation, alors que j’étais adolescente, et qui m’a guidée lors de mes premières expériences de concours internationaux pendant ma maîtrise.

PAN M 360 : Où êtes-vous basé aujourd’hui ?

Jaeden Izik-Dzurko : Je réside actuellement en Allemagne et je me rends fréquemment à Rome pour suivre des cours.

PAN M 360 : Partagez votre regard sur le programme montréalais du dimanche 30 avril.

JEAN-SÉBASTIEN BACH (1685 – 1750) Partita n° 4 en ré majeur, BWV 828

PAN M 360 : Quelle est votre expérience personnelle de cette œuvre ? Où la situez-vous dans votre répertoire ?

Jaeden Izik-Dzurko : Lorsque je participais à des concours, on m’a souvent conseillé, comme à de nombreux pianistes, de ne pas jouer Bach, car cette œuvre est considérée comme risquée et potentiellement source de discorde. Bien que je n’aie pas toujours suivi ce conseil, j’ai trouvé difficile d’inscrire la musique de Bach dans les programmes de concours en raison des contraintes de temps et des directives en matière de répertoire. Maintenant que j’ai terminé la période de compétition de mon parcours musical, j’ai hâte de programmer à nouveau la musique de Bach !

PAN M 360 : Et dans le répertoire pour clavier de Bach ?

Jaeden Izik-Dzurko : La quatrième Partita est une œuvre remarquable et sophistiquée. Les sept danses entraînent l’auditeur dans un voyage émotionnel profond et varié. Certains mouvements, comme l’Ouverture, la Courante et la Gigue, sont empreints d’une joie légère, tandis que d’autres sont plus introspectifs, voire tristes. L’Allemande, la plus longue danse de la Partita, est particulièrement ambitieuse : elle soutient un magnifique lyrisme hautement chromatique tout au long de ce vaste mouvement.

SERGUEÏ RACHMANINOV (1873 – 1943) 10 Préludes, Op. 23

PAN M 360 : Superbe musique pour piano de Rachmaninov ! Où voyez-vous cette œuvre dans votre répertoire et dans celui du compositeur ?

Jaeden Izik-Dzurko : Les Préludes sont une œuvre de jeunesse dans l’œuvre de Rachmaninov, mais ils regorgent de profondeur émotionnelle, de lyrisme et d’originalité. J’ai joué de nombreux préludes en rappel, mais j’aime le grand récit musical qui se dégage de l’interprétation des dix préludes à la suite les uns des autres.

PAN M 360 : Comment l’abordez-vous personnellement au clavier ?

Jaeden Izik-Dzurko : L’une des qualités que j’apprécie le plus dans la musique pour clavier de Rachmaninov est sa merveilleuse sensibilité pianistique. Lorsqu’on joue ses œuvres, on est frappé par sa maîtrise technique et son approche novatrice au piano. Virtuose singulier, Rachmaninov disposait de tous les moyens techniques possibles et savait comment utiliser l’instrument pour obtenir la plus grande énergie, la plus grande force et la meilleure sonorité possible. Pour lui rendre justice, j’ai la chance d’avoir de grandes mains. Par conséquent, je trouve l’écriture de Rachmaninov très pianistique et idiomatique, bien qu’elle comporte d’innombrables défis techniques.

ALEXANDRE SCRIABINE (1872 – 1915) Fantaisie en si mineur, op. 28

PAN M 360 : Vous aimez manifestement la seconde moitié du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle, y compris, bien sûr, ses variantes russes. N’est-ce pas ?
Jaeden Izik-Dzurco : Cette période a été marquée par un certain nombre de compositeurs qui, outre leur voix distinctive et puissante, étaient également des solistes et des interprètes exceptionnels – en particulier Scriabine, Rachmaninov et Medtner. Par conséquent, leur musique est parfaitement adaptée à l’instrument et écrite avec un sens intuitif de la scène de concert.

PAN M 360 : Qu’est-ce qui vous plaît le plus chez Scriabine ? Pourquoi avez-vous choisi cette œuvre ?

Jaeden Izik-Dzurko : La musique de Scriabine est extrêmement évocatrice et originale. L’évolution créative transformatrice qu’il a connue au cours de sa vie révèle l’esprit artistique idiosyncrasique qu’il possédait. Si je devais identifier un seul élément de sa musique que j’aime le plus, ce serait son remarquable don pour la mélodie – le second thème lyrique de sa Fantaisie est l’un de ses plus exquis.

FRÉDÉRIC CHOPIN (1810 – 1849) Sonate n° 3 en si mineur, opus 58

PAN M 360 : Chopin est un incontournable pour tous les pianistes de bon, excellent ou exceptionnel niveau. Quelle place occupe-t-il dans vos goûts ?

Jaeden Izik-Dzurko : Je dois avouer que l’interprétation de la musique de Chopin ne m’est pas particulièrement naturelle. Je trouve que son utilisation du piano est un véritable défi et qu’il est parfois difficile de l’exécuter. Néanmoins, son écriture possède une élégance unique, une grâce et un lyrisme poignant que j’adore.

PAN M 360 : Comme l’une de vos grandes qualités pianistiques est la fluidité de votre phrasé, qui définit son exceptionnel raffinement, on imagine que Chopin a été un modèle pianistique en ce sens. Qu’en pensez-vous ?

Jaeden Izik-Dzurko : Il est certain que les témoignages écrits sur le style d’interprétation de Chopin et son approche du piano sont de merveilleuses sources d’inspiration pour moi.

PAN M 360 : Dans votre enregistrement pour le concours international de Leeds, vous jouez également deux études de Ligeti, ce qui vous rapproche du présent. Quelle est votre relation avec Ligeti ?

Jaeden Izik-Dzurko : Je n’ai pas une grande expérience de la musique de Ligeti, mais j’ai eu la chance d’être guidé par mon professeur, Corey Hamm, qui a joué l’ensemble de l’œuvre de Ligeti et qui a une connaissance remarquable de son style musical.

Voilà ! Excellent séjour à Montréal et excellent concert !

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