La Semaine du Neuf, présentée une troisième année d’affilée par Groupe Le Vivier, s’est conclue dimanche au Music Media Room (MMR) de l’École de Musique Schulich de l’Université McGill. Au programme, propulsion vers l’amour et le cosmos!
Un opéra pour une seule voix, rien d’autre. Opéra soliloque, chanté, dit, sussurré, grogné, chuchoté, crié, plus encore. Amour débridé, tendre, protecteur, perdu, retrouvé, passionnel, mûr, stable, serein, on en passe. Une centaine de langues déclinées. Discours mélodiques, diatoniques, chromatiques, atonaux, bruitistes, texturaux. Les thèmes principaux de l’œuvre signée Ana Sokolović sont introduits par des mouvements symboliquement incarnés par des chants de colombes sur des déclarations d’amour exprimées en 100 langues, sauf pour le thème de la perte.
En bref, tous les angles, toutes les facettes, tous les états de l’amour sont ici passés en revue par la compositrice et interprétés devant public par la mezzo-soprano Kristin Hoff. Cette dernière s’est approprié l’œuvre depuis une douzaine d’années, inutile d’ajouter qu’elle en maîtrise les détails les plus infimes, qu’elle en communique l’expérience avec une expérience consommée.
Authentique performance, prouesse physique de 40 minutes ! Les exigences de l’œuvre sont élevées pour cette interprète seule avec elle-même, qui doit aussi exhaler une théâtralité de l’amour tout en relevant les défis techniques de l’œuvre.

La seconde partie du programme était new-yorkaise: Star Maker Fragments, composée en 2021. L’Américain Taylor Brook compose pour la musique instrumentale et/ou la musique électronique, aussi pour la robotique, pour la musique générative, aussi pour la vidéo, le théâtre ou la danse. Féru de l’approche microtonale, il s’applique à intégrer tous les outils et pratiques sonores représentatives de notre époque.
L’ensemble new-yorkais TAK travaille avec Taylor Brook depuis les débuts de sa carrière, au tournant de la décennie précédente. L’œuvre Star Maker Fragments, dont c’était la clôture de La Semaine du Neuf, se nourrit du roman Star Maker de l’écrivain britannique Olaf Stapledon, considéré aujourd’hui comme un classique de la science-fiction. Le narrateur du roman est « transporté » hors de son corps et se voit explorer l’espace intersidéral. Son esprit fusionne alors avec ceux d’êtres issus d’autres mondes et voyagent à travers les galaxies. Ainsi un esprit collectif se constitue et finit par rencontrer le Star Maker, un être suprême ayant créé l’univers. Le narrateur réalise que son univers n’est qu’un univers parmi d’autres, qu’il n’est pas le plus grand de ceux qui existent, et que chaque univers est une œuvre d’art.
Ainsi, cette œuvre tente d’incarner la suspension dans l’espace infini. Les parties instrumentales (flûte, clarinette basse, violon, percussion) demeurent relativement simples, fluides et continues, sans exigences élevées dans l’articulation. Le chant et la narration sont assurés par la soprano Charlotte Mundy, nous voilà dans l’espace pendant une heure de microvariations et d’effets électroacoustiques complémentaires produites par le compositeur et déclenchées par le percussionniste Ellery Trafford. On comprendra que les interventions individuelles en temps réel sont peut-être moins importantes que leur alliage intersidéral. Planant, cosmique, assurément dans l’air (et l’espace) du temps. Voilà le point final de la 3e Semaine du Neuf.